— Dégage de mon chemin la débile !
Bousculée par l'élève, Émilie trébuche et tombe à terre. Les affaires de son cartable baignent dans une flaque d'eau. Les enfants accourent et forment un cercle autour d'elle. Ne relevant pas la tête, elle ramasse un à un ses cahiers trempés.
— La débile est mouillée, la débile est mouillée ! Chante gaiement un garçon.
Les autres élèves ricanent et se joignent à la moquerie en reprenant en chœur les paroles.
— La débile est mouillée, la débile est mouillée...
Serrant les dents, Émilie se redresse. Le regard dirigé vers le sol, elle essaie de se frayer un passage parmi les écoliers. Ils l'en empêchent et chacun leur tour, la repousse brutalement au centre. Étourdie, elle vacille. La sonnerie retentit. Le petit groupe file rejoindre les rangs. Faiblement, la jeune fille se relève. Les mèches de ses cheveux roux bouclés imprégnées de l'eau boueuse, collent sur son front. Le bas de sa jupe est trempé. Elle se met en rang, derrière ses bourreaux. Ils entrent en classe, s'installent à leur place. Émilie s'assied au fond de la pièce, près de la fenêtre. L'instituteur commence l'appel. Les uns après les autres, ils lèvent la main pour signaler leur présence. Vient le tour d'Émilie.
— Émilie Rose ?
Timidement, elle lève la main. Le maître, surpris par l'état de sa figure, toute tachée de boue, l'interroge.
— Mademoiselle Rose, que s'est-il passé ?
Les enfants se tournent vers elle, le sourire aux lèvres. Des chuchotements, des ricanements, se propagent. Le maître se fâche.
— Taisez-vous ! Silence ! Mademoiselle Rose, sortez et allez-vous nettoyer le visage s'il vous plaît.
Émilie traverse la rangée, toujours la tête rentrée dans les épaules, fuyant les regards des autres. Elle quitte la classe, longe le couloir et s'enferme dans les toilettes des filles. Elle déroule plusieurs feuilles de papier. Elle ouvre le robinet et les humecte. Le miroir lui renvoie l'image d'une rousse aux traits marqués par la fatigue, la honte et la peur. Délicatement, elle nettoie les salissures sur ses joues. Elle arrange ses cheveux, les nouant en chignon, mettant ainsi en valeur ses grands yeux verts. Elle retourne en cours. Elle frappe à la porte. Le maître l'invite à entrer. Elle pousse la porte et rejoint sa place rapidement.
— Bien. Reprenons le chapitre deux, page vingt-deux. Mademoiselle Rose, veuillez commencer la lecture.
Émilie ne répond pas à la demande. Le maître insiste.
— Mademoiselle Rose, je vous écoute.
Sa bouche reste hermétique, incapable d'émettre un seul mot. La classe est tournée vers elle. Émilie sent son cœur se soulever. Elle se lève brusquement et quitte sa place en courant aux toilettes. Agenouillée au pied de la cuvette des wc, elle rend ce qu'elle n'a pas dans le ventre. Elle pleure de douleurs. Le teint blafard, l'allure penaude, elle reprend place à sa table. Les enfants sourient, se lancent des clins d'oeil. L'un d'eux lui envoie une boulette de papier. Elle l'ignore. La sonnerie résonne. Fin de la journée. Les élèves se ruent dans la cour. Le maître l'interpelle.
— Mademoiselle Rose, puis-je vous voir un instant ?
Émilie rassemble ses affaires et s'approche du bureau. Il lui dit :
— Je suis navré de vous avoir interrogé, mais je fais cela pour vous aider. Il faut que vous arriviez à sortir de ce mutisme. Vos résultats écrits sont moyens, quant à l'oral, ils sont plus que médiocres ! Si vous ne changez pas, vous devrez suivre des cours dans une école spécialisée. Je connais les difficultés que vous traversez, je comprends parfaitement que tout ceci est dur à vivre, mais je vous en prie mademoiselle, ressaisissez-vous. Vous êtes capable de bien faire.
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Au bout de ma plume
General FictionVoici quelques débuts d'histoires, nichées au fond du tiroir de mon bureau. Je vous laisse les découvrir, et me dire laquelle choisir pour participer au concours des Plumes Francophones. J'ai besoin de vos commentaires pour poursuivre l'écriture de...