- 179 jours
Je me réveille en sursaut dans ma chambre. Les rideaux tirées plongent la pièce peinte en crème dans une obscurité lugubre. Comment un mot, un simple mot, peut-il bouleverser une vie ? Exactement comme ça. Je m'extirpe de mon lit et m'aperçois que j'ai dormi dans les vêtements de la veille. J'ouvre les rideaux et un soleil radieux inonde le sol de lumière. Je souris ironiquement. Bah tiens, il fait beau le lendemain du jour où j'apprends que ma mère va mourrir
On frappe à ma porte. Mon père entre. Il a si mauvaise mine qu'il fait peur à voir.
"- Tu es réveillée, dit-il. Tu as faim ?
Il ne me demande pas si ça va. Ça paraît évident.
- Non. Quand est-ce qu'on va la voir à l'hôpital ?
- Dans une heure. Va te préparer. Essaie de ne rien faire paraître."Il sait bien qu'il me demande l'impossible, de ne faire comme si de rien n'était alors que je suis brisée.
Je fais quand même un effort pour que maman ne se sente pas aussi triste que nous. Je m'habille bien, avec une robe bleue ciel et des sandales. Je masque mes cernes et je me détaille dans le miroir. J'ai un visage mince, des yeux bleu foncés et des lèvres épaisses. Un cascade de cheveux acajous me tombe jusqu'aux épaules. Je suis petite et menue. Cathy me dit que je suis jolie, mais je n'arrive pas à en juger par moi même.
Cathy, j'ai besoin de toi. Où es-tu ? J'essaie de l'appeler encore une fois.
"- Bonjour, vous êtes bien sur le répondeur de Cathy Malik, pour laisser un message, vous savez comment ça marche. Salut !"Il y a trois semaines, Cathy n'est pas venue en cours. Le lendemain non plus. J'avais beau l'appeler, je tombais sans cesse sur son répondeur. Je suis allée chez elle une fois mais personne n'a répondu. Elle me manque beaucoup trop et impossible de la retrouver.
"- Maureen ? On n'y va."
Ça ne fait que vingt minutes qu'il est venu mais comme moi, il est sûrement bien trop inquiet pour attendre. J'attrape un sac, j'enfile une veste et je suis papa dehors. Je monte à l'avant et papa enfonce la pédale de l'accélérateur. Un quart d'heure plus tard, on se gare dans le parking de l'hôpital.
"- Stephanie Grace ?
- Chambre 712. Troisième étage, prenez à droite en sortant de l'ascenseur."Nous longeons les couloirs sans bruit. 702, 703. Je n'ose pas regarder les gens à travers les portes vitrifiées. 704, 705. Est-ce que ma mère aura toujours ses belles boucles blondes ? 706, 707. Vais-je au moins la reconnaître ? 708, 709. Mon cœur bat si fort dans ma poitrine que j'en ai mal. 710, 711. Un bruit strident se fait entendre de derrière une porte et un infirmier accourt. 712. J'entre.
Et ma mère est là, les traits tirés et les yeux tristes, mais c'est ma mère.
Je suis si soulagée de la revoir que j'éclate en sanglots. Ma mère. Vivante.
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Adieu
General FictionLes yeux de Papa sont un lac de tristesse. "- C'est presque fini, souffle-t-il. Elle part bientôt rejoindre les anges."