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Un fracas soudain me tira violemment du sommeil. Cependant, aussitôt ouverts, mes yeux se fermèrent d'eux-mêmes, évitant ainsi à mes rétines de finir calcinées par la lumière vive. Je portai mon avant-bras sur mon visage, une migraine pointant le bout de son nez et me faisant grimacer.

À côté de mon corps que je devinais allongé, quelqu'un grommelait quelques injures d'une voix grave. Un second bruit qui me fit sursauter, puis la voix s'éleva plus clairement :

- Mais putain ! C'est vraiment de la merde ces trucs là...

Je décalai quelque peu mon avant-bras et ouvris délicatement un œil, m'accoutumant peu à peu à la lumière vive de la pièce dans laquelle je me trouvai. Sauf que, non. Je ne me trouvais pas dans une pièce.

Mais bien en plein milieu du cours d'un fleuve agité, aussi large qu'une autoroute. Allongé sur une massive table d'opération en acier, simplement posée sur un radeau en bois tremblotant.

Baissant mon regard, je découvris, assis tranquillement en tailleurs sur le plancher trempé de l'embarcation – qui d'ailleurs tanguait dangereusement, un grand type aux cheveux verdâtres. Continuant à jurer dans sa barbe inexistante, il s'affairait à reconstruite un appareil ressemblant fortement à une montre... en trois fois plus gros.

C'est seulement quand une secousse plus violente que les autres faillit me faire chavirer par-dessus bord que je me décidai à hurler.

M'asseyant d'un bond sur la table, je regardai autour de moi, affolé, en me bousillant les cordes vocales. Mes phalanges blanchirent tant je m'accrochais, désespéré, aux rebords métalliques de mon lit de fortune. Mon cœur battait à cent à l'heure. Quelque part, dans une partie de mon cerveau qui n'était pas occupée à paniquer, je notai que j'étais uniquement vêtu d'une blouse bleue d'hôpital.

Le type par terre sursauta à mon cri, échappant par la même occasion l'énorme montre de bronze qui tomba à l'eau dans un gros « plouf ».

- Ah ! Mais c'est pas possible ! s'emporta-t-il en se levant, regardant, dépité, l'objet s'éloigner peu à peu en coulant.

Le radeau tangua violemment à son mouvement soudain, et je fus propulsé sur le sol, m'écorchant le genou au passage. Je ne bougeai pas pendant un instant avant de me rouler en boule, tremblant. Comment étais-je arrivé ici ?

- Eh, petit, t'es dingue ou quoi ? Me refais jamais peur comme ça, c'est dangereux bordel, s'exclama l'autre en se penchant vers moi.

- Que- Qu'est-ce q-qu'on fait ici ? réussis-je à geindre entre mes dents serrées alors que je sentais soudain quelque chose de lourd cogner l'embarcation par en dessous.

Il éclata de rire en se relevant, non sans avoir ébouriffé mes cheveux auparavant, en un geste presque affectif.

- C'est ce que tout le monde demande la première fois, m'informa-t-il en souriant comme un con.

Une énième secousse, plus féroce encore que la précédente, provoqua cette fois-ci un lourd craquement et je vis avec horreur la parcelle du radeau sur laquelle se trouvait la table d'opération se décrocher dans un bruyant éclat d'échardes, et sombrer d'un coup sous les flots tumultueux.

Désormais plus proche que jamais des vagues, je reculais vivement, toujours au sol, vers l'endroit encore sécurisé, c'est-à-dire vers les jambes de mon compagnon d'infortune, auxquelles je m'accrochai désespérément.

- Eh, mais qu'est-ce que tu f- protesta celui-ci avant de se faire interrompre par un impact effroyable juste sous nous qui eut pour effet de le faire tomber assis à mes côtés.

- QU'EST-CE QU'IL SE PASSE, BORDEL ? lui hurlai-je dans l'oreille en le secouant dans tous les sens par les épaules.

Il me considéra un instant, les yeux grands ouverts, cligna des paupières une, puis deux fois. Et éclata de rire.

Au même moment, un monstrueux tentacule surgit du fleuve dans une gerbe d'eau et s'abattit sur le radeau à quelques centimètres à peine de nous, le faisant se briser en deux. Je hurlai en tombant dans l'eau, laissant, dans la panique, l'eau sale envahir mes poumons.

Perdu dans les rapides, je fus ballotté pendant quelques secondes sous la surface avant qu'une poigne puissante ne me tire hors de l'eau. Le type à la tignasse verte était à cheval sur un des nombreux troncs d'arbres qui flottaient sur tout le long du cours d'eau. Il me tira sur le bout de bois où je m'étalais de tout mon long, crachant le liquide néfaste de mes bronches.

Quand enfin je fus sûr que j'arrivais à respirer normalement, je levais les yeux vers mon « sauveur » : il avait encore un rictus scotché au visage, comme si la situation ne faisait que l'amuser.

- Pourquoi tu souris ? crachai-je en tentant de me relever, avant de vite abandonner l'idée quand je sentis le tronc tanguer. Et puis, qu'est-ce qu'on fait là, d'abord ? Pourquoi je me souviens de rien ? C'était quoi ce truc, pourquoi ça nous a attaqué ?!

Des larmes brûlantes coulaient désormais à flots sur mes joues déjà trempées. Le sourire de l'autre con s'intensifia quand il s'en rendit compte.

- Bah, tu pleurs ? remarqua-t-il de sa voix grave en penchant la tête sur le côté.

- J-j'ai peur, putain, geignis-je alors que des sanglots commençaient à secouer mes épaules.

Une vague vint engloutir mes jambes avant de se retirer, me faisant trembler encore un peu plus.

- Peur de quoi ? fit l'autre.

- J-je sais pas, moi ! criai-je, hors de moi. Peur de me noyer, peur du putain de truc qu'essaye de nous tuer, peur de toi, peur de mourir, point barre !

Son expression se fit carrément rieuse d'un coup, alors que je sentais une chose visqueuse s'enrouler autour de ma cheville.

- T'as pas à avoir peur pour ça, ricana-t-il.

Je pâlis d'effroi quand la chose qui m'agrippait commença à me tirer vers le fond de l'eau.

- Toi comme moi, on est déjà mort, mon pote, continuait-il alors que je coulais en hurlant vers les profondeurs sombres du fleuve.

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y se passe des trucs étranges sous mon crâne des fois

mais bon

je m'éclate °u°

schrödinger | namkookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant