Partie 1.

301 25 5
                                    


2000, Holmes Chapel, 18h

L'écho de ses pas se répercutaient sur le macadam glissant et humide.
Il avait plu, la lumière des réverbères sur son chemin se reflétait sur les flaques d'eau de toutes tailles qui comblaient la chaussée.

Maman lui faisait confiance. Ou plutôt, ce qu'il ne disait pas à ses copains, c'était qu'elle n'avait pas du tout le temps d'aller le chercher après son entraînement de foot. Il y avait une raison à tout ça : Papa n'était plus jamais revenu.
Ce qui influait considérablement sur le comportement de sa maman.

Il gardait tout pour lui, personne n'avait besoin de savoir ça. Il préférait sourire à tout le monde, à sa maîtresse, à ses amis, à son coach de football. Personne n'avait besoin de savoir ce qu'il se passait chez les Styles.

Il avait une grande sœur, Gemma. Personne était là non plus, lorsqu'elle sortait de son cours de danse. Maman disait que Holmes Chapel était un petit village, et qu'il n'y avait absolument rien à craindre. C'est vrai, qui oserait faire du mal à des enfants ? Ils étaient tous une grande famille, certains étaient installés ici depuis même plusieurs centenaires.

Qui s'en prendrait à un petit garçon de six ans, qui sortait tout innocemment de son entraînement de foot ? Qui empruntait la même petite route tout les jours, qui prenait pas plus de 8 minutes précises de marche ?

C'était ce que Anne pensa, lorsqu'elle regarda l'horloge principale. Il était 18h08, son petit Harry n'était pas rentré, mais il avait peut-être pris un peu de temps avant de sortir de l'école.

18h15. Harry était sûrement rentré avec un ami, il devait être en chemin. Les bavardages enfantins ne se souciaient pas du temps, elle le savait bien.

18h23. Qu'est-ce qui avait bien pu retenir le petit Harry ? Devrait t-elle appeler l'entraîneur, ou attendre sept minutes encore -elle était un peu maniaque sur les bords- que l'horloge sonne 18h30 et qu'elle puisse avoir une raison d'appeler Mr. Owen ?

20h15. La police du village était tous regroupés chez elle. Le petit Harry n'était pas rentré. L'entraîneur de foot l'avait vu à 17h57 précise pour la dernière fois. Aucun témoin, aucun cri dans la rue qu'il empruntait habituellement. Le calme total, le vide complet.

Comme le cœur de Anne Styles, 14 ans après.
Son fils Harry Styles n'était jamais revenu.


***

2000, dans une route quelque part, 20h51

Quand il ouvrit les yeux, la première chose qu'il vit était du bleu.
Pas le genre de bleu qu'il avait l'habitude de voir, à l'école. Pas le genre de bleu qu'il se faisait lorsqu'il trébuchait dans son jardin. Encore moins le genre de bleu que sa sœur Gemma portait quand ils jouaient à la sirène.
C'était du bleu limpide, très clair, velouté. Là maintenant, le bleu avait la couleur de l'orage. Le bleu était effrayé.

Cela provenait de une paire de yeux. Une personne devant lui, terrifié. La bouche cachée par un tissu grossier, une mèche brune tombant sur son front. Il ne devait pas être plus âgé que lui. Il gardait ses mains derrière son dos, sa posture était droite, malgré la peur qui agitait ses membres inférieurs.

Il gémissait. Harry pouvait l'entendre. Un long frisson parcourut son dos d'enfant.
Quand il voulut parler lui aussi, ne serait-ce que pour demander au petit garçon devant lui son prénom, sa langue buta contre un tissu rêche dans sa bouche. Il ne pût en sortir qu'un son étouffé.

La peur qu'il ressentit après lui fit l'effet d'un poing dans le ventre. Il essaya de bouger ; ses mains étaient coincés derrière son dos. Il avait mal. Il voulait sa maman. Où était t-il d'abord ?
Son regard fou balaya la pièce dans laquelle ils se trouvaient. Elle bougeait. Il pouvait voir quelques objets à l'intérieur traverser tout seul la pièce en mouvement. Il regarda au-dessus de lui. Plafond en tôle blanc. Des cordes sur le sol, des cartons sur les côtés.
Un camion.

Mr X et Mme Y || LS (OS)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant