Epines

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Ses pieds raclent le sol caillouteux. Le mouvement de ses jambes produit un cliquetis métallique ; mécanique. Un pas, un autre et ses épaules voûtées constituent un poids qu'il arrive à peine à soulever. Le pied traînant et le souffle lancinant il marche comme on rampe, avec effort et pugnacité, mais sans dignité. Il marche comme on creuse, sans volonté.

Le soleil supposé à son zénith est couvert d'une couche fine de nuages passagers qui protègent à peine de son emprise écrasante. Il dispense généreusement ses rayons, dont la chaleur assommante éclipse la lumière timide, et la maigre végétation qui encombre le chemin dégagé agonise sans un bruit.

Le corps isolé qui se meut laborieusement transpire à grosses gouttes, il semble même en semer sur son passage. Il traîne derrière lui des bribes de sons désincarnés, hachés qui s'enchaînent laborieusement pour former un vestige de mélodie. L'air vibre à chaque tonalité assénée par la bouche asséchée.

Le supplicié tremble et ses appuis se font trop incertains. Ses pieds glissent seulement désormais sur le sol, incapables de se soulever.

Il avance encore, tire son poids de toutes ses forces taries...

Il s'écroule.

Ce n'est plus qu'une carcasse inerte qui jonche la terre, la nuée de poussière soufflée dans sa chute est la seule source de mouvement ; elle voltige tout autour.

Le silence est écrasant ; il a pris le relai du soleil.

Le silence s'étale.

Il s'installe.

Durablement.

Puis un cri étouffé se fait entendre. Un juron, peut-être.

Un son qui vient exploser le silence. Ses fragments brisés retournent se ratatiner dans un coin.

Eh...

Eh !

Eh, l'ami, réveillez-vous !

Un souffle rauque et saccadé vient emplir l'atmosphère.

Ça va, vous m'entendez ?

Dîtes, vous pouvez pas rester comme ça, là.

- Mmff.

Vous m'entendez ? Vous m'écrasez, l'ami, il vous faut bouger.

OH ! Vous m'étouffez ! Bougez donc de là !

Le présumé cadavre se tortille légèrement. Il mobilise son énergie, et brusquement, il se retourne. Son visage sale est écorché et ses vêtements sont encore agrippés par les épines de la ronce sur laquelle il s'était affalé.

Eh c'était pas trop tôt, l'ami. Je suis toute écrabouillée, là...

La plante se déploie un peu, déchire le tissu dans lequel elle était embourbée pour se libérer, s'étend comme on s'étire.

Vous allez bien, vous ?

Je vois que vous n'êtes pas très en forme ; qu'est-ce vous avez ?

Eh bien, vous n'êtes pas très loquace. Je comprends, vous savez.

Le corps redevenu homme se redresse à peine. Il regarde autour de lui, se tient là tête qu'il porte lourde.

- Perdu, je suis perdu, je suis perdu, perdu... Je me suis perdu.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 12, 2016 ⏰

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