ADRIEL
"TANOINES Adriel, 25 ans, monsieur tout le monde."
Voici comment les gens me qualifient. Je n'ai pas de signe spécifique, je ne suis pas gothique, ni punk, ni hippie. Je suis juste moi, un homme parmi tant d'autres. J'ai des cheveux bruns en bordel, une mauvaise vue et donc, des lunettes et aussi une vie qui ne me plaît pas. Je veux être différent. Je ne veux pas être celui qu'on voit sans regarder, je veux être celui sur lequel on se retourne. Mais je suis loin de l'être. La seule chose originale chez moi est mon prénom : Adriel. Ça ne vient de nulle part, peut-être même que c'est une invention de mes parents. Il paraît même que si j'avais été une fille, je me serais appelée Adélaïde. Manquerait plus que mon deuxième prénom soit Ichabod et j'aurais tout gagné ! Quoi qu'il en soit, voilà qui je suis.
Aujourd'hui est un jour particulièrement à chier. J'arrive au bureau, comme chaque jour je m'installe dans l'open space, comme chaque jour, je démarre mon ordinateur et je fais mon travail de merde. Mais vraiment. Je pèse mes mots. De 9h00 à 12h00 et puis de 14h00 à 18h00, je dois déranger les gens. Je fais du démarchage téléphonique, j'essaie de leur vendre des fenêtres. Tiens, même ça c'est cliché ! J'aimerais tant pouvoir écouter mon coeur quand il me dit de démissionner et de partir me choisir une nouvelle vie, et pouvoir gifler ma raison quand elle me rappelle que les galères de fric ne vont pas se régler toutes seules.
Il y a longtemps, je voulais bosser dans l'industrie de la musique. Mais ça paie encore moins que les fenêtres..."Oui, bonjour monsieur, je m'appelle Adriel et je souhaiterais vous parler de fenêtres. Actuellement, nous proposons une INCROYABLE promotion qui vous per...
- Je m'en branle de tes fenêtres ! Il est 9h30 tu crois pas que j'ai autre chose à faire. Va bien te faire enculer !"
Je déteste les gens, et ce principalement pour cette raison. Avant, je les aimais bien mais chaque jour, oui chaque jour de ma petite vie, je me prends des volées d'insultes par des gens qui me jugent sur mon travail. Je sais que c'est nul mais il faut bien manger. Et puis je ne fais que me répéter, oh merde ! Aujourd'hui sera ma dernière journée ici. Ce soir, je démissionne.
Et puis la journée est passée plus vite. Je faisais des tas et des tas de projets, j'envoyais balader les clients et les insultais en retour. Je travaillais dans la légèreté."Bonjour, je m'appelle Adriel et je..."
Un ange passe. Mon regard est attiré au loin par je-ne-sais-quelle-chose et y reste accroché un certain bout de temps. De l'autre côté du fil, une femme s'impatiente.
"Allô ? Bonjour... Adriel ? Je m'appelle Magdalena, et je ne crois pas me souvenir de vous."
Sa voix. Mélodieuse, harmonieuse, triste à en mourir. Pourquoi triste ? J'ai l'impression d'avoir entendu des larmes dans sa voix. Pourquoi pleure-t-elle ?
"Adriel ? Vous êtes toujours là ?"
Adriel... Adriel... Adriel...
Jamais mon nom ne m'avait paru aussi beau, il avait suffi qu'elle le dise pour que toute sa beauté soit révélée.
"Oui attendez je..."
Elle a raccroché, Magdalena ? Il me semble que c'est son nom. Magdalena, Magdalena, Magdalena... Je répète de prénom, encore et encore, jusqu'à ce qu'il résonne étrangement. Une étrange douceur.
Puis, je décide finalement de ne pas démissionner : ce serait ruiner mes chances de pouvoir retrouver cette Magdalena. Mais il est tard, enfin, il est déjà 18h00, l'heure de m'évader, enfin...
Je rentre chez moi en voiture, plus détendu qu'à l'aller. Dans la boîte aux lettres s'entassent des papiers que je ne ramasse même plus, ce sont des relances pour divers crédits ou les impôts, où je ne sais quelle autre chose à payer. D'habitude, je ressens un profond besoin de fuir mon appart', mais pas ce soir. Ce soir, j'ai envie de mettre la musique à fond et d'hurler de toutes mes forces, je veux crier à la vie qu'elle est laide et dire à quel point je veux que cela change, que je veux vivre autre chose. Revenir à mes premières amours de compositeur serait merveilleux, mais irréalisable...
Je finis par grignoter quelque chose devant la télé, que j'allume uniquement pour créer une présence.
Demain sera un autre jour.
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M&A
Romance"Que crois-tu que c'est, l'amour, au fond ? - L'amour... C'est une vague, un raz-de-marée, qui s'écrase contre ton front et te laisse noyé sur les galets après son passage... - Avec toi, ça devient tragique, je trouve. Tu en fais trop ! - Ah oui ? E...