Harcèlement

331 38 52
                                    

Je te dédie ce texte, à toi qui m'a tellement fait souffert par tes actes et tes paroles. À vous, qui l'avez soutenu, encouragé, aidé et qui avez repris le flambeau des années durant. Voici ce que j'ai subi par votre faute.

Collège, sixième. Je suis encore une petite fille, timide et introvertie, je ne me sens à ma place nulle-part. Je change d'établissement, quittant toutes mes amies et mes amis pour me retrouver ici où je ne connais personne. Ce n'est pas facile pour moi de m'intégrer. Je ne veux déranger personne et en aucun cas m'imposer dans un groupe d'ami déjà construit depuis longtemps.

Ici, je me réfugie dans les livre et la musique, pour faire passer les pauvres récréations que l'on nous accorde, pressée de retourner en cours, au premier rang, et écouter le prof nous partager ses connaissances. À défaut d'avoir des amis, je suis une bonne élève, et j'aime les cours.

Et puis un jour, tu es venu vers moi. Qu'est-ce qu'un troisième voulait bien avoir à dire à une petite sixième comme moi ? Rien. Absolument rien. Si ce n'est les premières insultes qui volent.

“Alors l'intello ? T'as pas d'ami ? T'es Rémi c'est ça ?"

"L'intello", un surnom qui me colle à la peau, et dont je n'arrive pas à me débarrasser. Au début, on rigole lorsqu'on te donne un surnom, mais à force, cela devient irritant, et au final une insulte insupportable.

Et il est revenu, et ils sont revenus. Ils venaient s'asseoir avec moi sur un banc au fond de la cour, alors que j'étais penchée sur mon livre. Parfois, ils me poussaient tellement dans mes retranchements que je craquais et leur cédais la place. J'avais tord, j'ai tord. J'ai toujours tord. J'ai tord de me laisser faire ainsi, mais qu'est-ce que je peux faire contre des brutes ainsi ? La réponse tient en un seul mot : Rien.

Parfois, ils me prennent mon livre pour soit-disant "lire avec moi" mais Il le déchire, l'envoie à terre, dans les flaques d'eau, et ils en rient. Livres bousillés, vie bousillée. Les livres sont le seul endroit où je peux me réfugier, alors quand on y touche, c'est tout mon maigre univers qu'on ébranle.

Les jours passent. La même routine s'installe. Je suis sur le banc, ils viennent, m'insultent, me font du mal et s'en vont. Et moi, je reste, complètement détruite. L'année passe ainsi, personne ne semble entendre mes cris de détresse sourds, les surveillants ferment les yeux, mes parents refusent de les ouvrir.

Collège, cinquième. Nouvelle année, même collège. J'essaie de me convaincre d'y retourner, je freine des quatre fers, mais il faut bien que j'étudie pour mon futur ... pour mon futur ... hypothétique ...

Les troisièmes de l'année précédente ont laissé place aux nouveaux. Je pense alors que tout va aller mieux. J'ai tord. J'ai toujours tord. Nouvelle année, nouveaux bourreaux, enfin sauf Lui qui a redoublé. Cette fois-ci, ils ne se contentent pas de s'attaquer à mes livres.

Ils volent mon MP3 avant de le noyer dans les lavabos des garçons, m'arrache mes écouteurs et les piétinent en me disant : "Oh mince, ils sont tombés.". Ils m'arrachent ma carte de bus des mains, devant l'arrêt, avant de la gribouiller au marqueur noir indélébile. “Lapin" et "Intello"  ornent désormais mon seul pass pour rentrer chez moi, si on exclue bien sûr les dents et oreilles de lapin qu'ils ont dessiné sur ma photo.

J'ai honte. J'emprunte un portable à un de surveillant pour appeler ma mère, pour qu'elle vienne me chercher. Je lui mens, lui dit que j'ai égaré ma carte de bus. J'encaisse le sermon en silence, je ne veux pas, je ne peux pas lui parler de mes problèmes, j'ai trop peur des conséquences.

HarcèlementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant