Journal intime d'un paranoïaque

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Mercredi 19 avril 2017 :


1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, et 10. Ils sont tous là.

J'ai peur dès que je suis seul à la maison. Alors, je compte et craque mes doigts pour me détendre.

Pourtant, ma solitude me fait me dire qu'il n'y a personne avec ni contre moi, donc que je ne risque rien.

Cette solitude que me force encore mes camarades à l'école. Peut-être que eux me veulent du mal s'ils ne viennent pas me voir.

On m'a toujours dit que j'étais différent, sûrement parce que maman n'est pas toujours là, à moins que...

1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, c'est bon, tout va bien.

J'ai si peur au moindre bruit, au moindre frottement, au moindre souffle.

La fenêtre de ma chambre ne cesse de claquer, elle me donne mal à la tête si bien que je m'en bouche les oreilles.

Dehors, il pleut et le tonnerre gronde. J'entend un chat miauler fort près de la maison, il a l'air vieux, et terrifié, c'est effrayant. J'en tortille mes doigts jusqu'à ce que de petits bruits sortent de mes falanges.

J'espère que papa va bientôt revenir, il me rassurera et je dormirai avec lui.
Maman me manque. Je ne sens plus son parfum sur mon oreiller depuis tant de temps.

Papa m'a dit qu'elle était partie pour très longtemps, mais je suis sûr qu'elle va bientôt revenir.

Quand j'étais petit, maman me grondait parce que je faisais souvent pipi au lit, mais je n'y pouvais rien. Mes cauchemars me faisaient si peur. Ils semblaient si réels, ils étaient si déstabilisants...

Elle me grondait aussi parce qu'elle disait que j'avais des TOC, mais elle ne m'a jamais dit lesquels.

Des mois et des semaines que je ne l'ai pas vue.

1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9... 10 ? Non pas tant que ça... Si ?

Dans ma chambre, il y a des peluches et des jouets partout ; la lune les éclaire et leur donne des formes étranges à cause des ombres. J'imagine des monstres surgire de ces objets difformes et tremble sous ma couette.

Même en fermant les miens, je sentais des yeux m'observer, me juger, bientôt me hanter.

Quelques frottements contre le parquet me donnent l'impression qu'ils se rapprochent de mon lit, de moi.

J'ai le sentiment que mes pieds seront tirés vers le sol. Je n'aurai plus ma couverture et je verrai leurs visages démoniaques, leurs grandes bouches baveuses me cracher dessus.

À force de réfléchir, j'ai comme l'impression qu'un liquide visqueux va m'atterrir sur le frond, nooonnn !

La porte d'entrée s'ouvre et se referme ; papa est enfin là. Mais je n'ose pas sortir de sous mes draps fin et attend qu'il vienne m'embrasser le frond comme il le fait chaque soir en rentrant du travail.

Je grelotte tant j'ai froid, si bien que je serre la couverte tellement fort au point de ne plus avoir de sang dans mes doigts. Mes doigts ! Mes doigts ! Ils sont là, toujours vivants.

C'est surprenant, je ne l'entend pas retirer son manteau ni ses chaussures dans les escaliers. Ces derniers n'ont pas grincé non plus, signifiant l'arrivée de mon papounet. Cette pensée peu rassurante me fait craquer les doigts inconsciemment.

Cette couette devient une corde pour mes mains qui la serrent ; elle les abîme de la même manière, ça peut être dangereux.

J'entend un bruit strident venant du rez-de-chaussée, je ne sais ce qui a pu produire ce bruit. Un bourdonnement s'en suit, m'envahissant l'esprit, et, telle une feuille, je tremble de plus belle.

Le vent s'engouffre dans ma chambre ; certains de mes jouets bougent ou produisent un bruit malaisant. Papa, vite.

1, 2, 3 ...

De nouveaux grondement retentissent dans le ciel, si fort cette fois-ci que je les ressens dans les murs et dans le sol. Je m'agrippe à mon matelas et crie sous la pression de tant de perturbateurs.

... 4, 5, 6 ...

Fait vite, très vite.

... 7, 8, 9 ...

Mon esprit divague dans des pensées obscures et délirantes, interprétant un nounours tenant une tronçonneuse et moi attaché, ou encore une silhouette féminine noire se faisant faucher.

Ma... maman ? C'est toi ? Pourquoi ? Pourquoi es-tu partie si vite si longtemps ? Pourquoi ai-je l'impression que tu veux me cacher quelque chose ? Pourquoi sembles-tu... morte ?

... 10.

Alors c'est ça que papa voulait dire par "partie"... ? Mais pourq-

Toujours cette question, ce même mot en bouche, ce mot traduisant une incompréhension ou une injustice, et parfois même les deux.

Mes fenêtres claquent, quelques portes de la maison aussi.

Mes jouets glissent sur mon parquet grinçant à cause des bourrasques.

L'escalier ne craque toujours pas sous le poids de pieds contrairement à mes dix doigts.

Mes murs tremblent autant que moi, le verre se brise contre le carrelage de la cuisine.

Le drap s'enroule autour de mon cou comme je ne sais quel serpent, comme une écharpe fortement serrée, trop serrée même.

Cette silhouette vagabonde toujours dans mon esprit, allant de gauche à droite, me tendant une main bienveillante.

Pas de nouvelles de papa.

Je ne sais pas vous, mais j'ai bien envie de rejoindre maman, après avoir craqué mes doigts une dernière fois.

... 0.

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... on en parle de mon absence d'un an ? Non je préfère pas... Désolée les amis, je ne vous oublie pas !

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 13, 2019 ⏰

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