Tony Stark

927 81 20
                                    

Il est un peu trop tard. Je regarde le fond de mon verre et le peu de whisky qui y reste, et je me dis que peut-être j'ai merdé. On a merdé. J'ai des remords qui me rongent l'estomac et c'est sûrement à cause de toi.

Alors, je continue de m'arroser le gosier au whisky. Je me dis que peut-être l'alcool va noyer cette culpabilité, la dissoudre comme un vulgaire chewing-gum dans un verre de coca. Mais ça ne marche pas. C'est de la science de base et je ne suis même pas foutu d'y arriver. Quel scientifique je fais.

Ça ne tourne plus rond, depuis que tu es parti. Et au fond, ça doit être une partie du problème.

T'es arrivé avec ta belle gueule de soldat. Et tu t'es envolé avec mon cœur sous le bras.

L'amour, c'est vraiment trop con.

T'étais un peu trop parfait. Et tu sais, ça m'énervait beaucoup. J'en étais même un peu jaloux. Parce que tu jouais loin au-dessus de moi alors que j'ai longtemps cru être au-dessus de tout le monde. Ce n'était qu'une illusion bien sûr, mais ça me plaisait. Je me languissais de tous ces mensonges qui m'entouraient, je me noyais dans ses fausses vérités. Et rien n'était plus exaltant que ça. Pas même le sexe. Ou l'alcool. Puis t'as débarqué avec ton sourire et ta droiture de soldat. Et là, la gifle. Une délicieuse claque dans la gueule. Parce que bordel t'as fait éclater mon monde.

Tu as osé me balancer mes quatre vérités. J'étais comme un gosse qui se faisait reprendre par son père et Dieu sait que je t'en ai voulu. Je t'ai détesté même. On s'est détesté. On se mitraillait à coup de regards assassins et de paroles meurtrières. Et je me sentais vivre à travers la virulence de tes mots et tu te vivifiais sous la caresse de mes coups. Déjà, on était tombé dans un jeu dangereux. Et surtout malsain. Jusqu'à ce que la trêve nous rapproche. Et les hostilités ont cessé.

Le monde avait besoin de nous alors on a fait ce que l'on savait faire de mieux. On s'est battu, mais pas contre nous-mêmes. On s'est battu ensemble pour la liberté. Et j'aurais pu en crever, tu sais. J'ai aperçu la Faucheuse dans un coin, et je suis persuadé qu'elle m'attendait avec son sourire édenté et ses bras chaleureusement glacés. Mais elle a passé son chemin et je me suis réveillé.

Et tout ce dont je me souviens, c'est juste le bleu de tes yeux. Ça m'a transpercé délicieusement la chair pour couler dans mes veines et insuffler une bouffée d'oxygène à mon âme. Ça m'a ramené à la vie et je m'y suis accroché comme un désespéré.

Je pouvais déjà entendre les trompettes du Jugement dernier. Parce que c'était le début de la fin.

L'amour,c'est vraiment trop con.

Au début, c'était beau comme un putain de feu d'artifice. Ça explosait de couleur dans mon ventre et dans mon cœur. Et qu'est ce que j'étais fier de t'avoir. Rien que pour moi. T'étais si beau, à demi-nu dans mes draps. Le bleu de ton regard qui coulait sur moi me faisait perdre pied. Ensemble, on a joué les plus beaux ballets. Tantôt langoureux, tantôt doux et vaporeux. Mais au final, ce n'était pas pour nous, hein ? On a foncé en écrasant l'accélérateur de toutes nos forces et on s'est disloqué contre un mur.

On s'est vraiment aimé comme des chiffonniers.

C'était le genre d'amour qui nous bouffait de l'intérieur, qui lentement consumait nos entrailles à la manière d'un brasier ardent. C'était le genre d'amour qui nous faisait vivre dans la contradiction. On s'est aimé à coup de « Détruis-moi, j'te détruis ». Parce qu'on ne savait pas faire autrement.

Et on s'est détruit, jusqu'à la plus infime des fêlures, on s'est tous les deux saccagés, abîmés et déchirés. Parce qu'on s'aimait beaucoup trop et qu'on s'y prenait mal.

C'était une addiction, comme à une drogue. Elle n'était cependant pas cataloguée douce, elle était dure. Aussi violente qu'une dose de cocaïne. Aussi destructrice qu'une piqûre à l'héroïne. C'était la folie à son état le plus pure. Brute. Intense. Volcanique.

Et ça nous a traînés dans une chute délicieusement lente. Et tellement vertigineuse.

J'ail'impression que c'est de ma faute. Et j'ai peur d'avoir entaché ta lumière avec ma noirceur. Parce que tu brillais trop et que j'étais un peu trop sombre. T'as voulu me sortir de là, mais j'étais enlisé jusqu'au cou dans ce pétrole qui me collait à la peau. Tu y as laissé tes ailes. Et pourtant tu n'étais pas Icare t'approchant trop près du soleil. T'étais juste un imbécile qui s'est laissé prendre par les tourments sinueux de ma vie.

Notre relation était bancale. Un peu comme nos vies. On essayait de se rafistoler, pauvres épaves que nous étions. Et puis tout a basculé du mauvais côté. Au fond ça nous pendait au nez.

Tout ça à cause d'un accord de merde. Il a fallu que l'on se tienne tête comme deux idiots. Parce qu'on n'est jamais sur le même terrain d'entente pourtant Dieu sait que nos longueurs d'onde savent se croiser. Mais moi j'avais des remords et toi... Tu es resté fidèle à ce que tu es.

Et maintenant on est là à se jeter nos cœurs en charpies à la gueule.

Séparés en deux camps. Le pire dans tout cela, c'est que nous ne sommes pas ennemis. On est juste une entité brisée en deux piètres morceaux. Famille contre famille. Amis contre amis. Amants contre amants. Coeur contre cœur. Avec en prime des coups de poing dans les dents. Et du sang sur les mains.

Parce que divisé, on tombe.

Comment on en est arrivé là ? Réponds-moi. Ne me couve pas de ton silence et tes absences.

J'aimerais que tout cela s'arrête. On a enclenché un mécanisme plus grand que nous. Et bien trop complexe. Je suis ingénieur, mais tout cela m'échappe. Et ça me tue.

J'aimerais retrouver la chaleur de tes soupirs et le son mélodieux de ton rire. Parce que bordel ce que je l'aime ton rire. Ça te fait des petites ridules aux coins des yeux et ça t'illumine tout entier.

L'amour c'est vraiment trop con.

Et je suppose qu'on l'est un peu plus.

Il est un peu trop tard. Mon verre est vide. Et bordel Steve, qu'est-ce que j'aimerais que tu sois là. 

Pensées nocturnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant