Je suis fatigué.
C'est rare que je le sois. Le sérum qui coule dans mes veines est censé atténuer ce sentiment de terrassement et aide mon corps à tenir debout plus longtemps. Mais pas aujourd'hui parce que j'ai juste envie de rejoindre les bras de Morphée et d'y rester un long moment. J'ai besoin d'un peu de chaleur. De réconfort. Tes bras auraient rempli parfaitement ces critères mais après ce qui s'est passé, je n'y suis peut-être plus le bienvenu.
Mon corps est lourd. Et brumeux. Je ne sais pas si je vais réussir à m'endormir.
Mes paupières sont closes mais le sommeil ne vient pas. J'oscille entre la conscience et l'inconscience. Je suis perdu au milieu des deux comme un bateau prit au piège dans une tempête. Les vagues me mordent la peau et le sel vient ronger mes plaies à vifs. Je veux hurler pour que l'on vienne me sauver mais les embruns m'engloutissent. Mes poumons se remplissent d'eau saline, je suffoque et mes dernières pensées sont pour toi.
Je ne sais pas où je suis.
Tout ce qui me reste dans la tête, ce sont des souvenirs de la bataille. Un vrai désastre. Je me souviens d'avoir dis à Sam : « On se bat». Alors, on s'est battu. On n'aurait pas dû.
Je me souviens de l'assaut. Je me souviens des coups et du sang éclaboussant mon plastron. Je me souviens de ton regard déterminé mais aussi résigné. Je me souviens de mon cœur s'empalant contre mes côtes en te voyant tomber. Je me souviens d'une explosion puis plus rien. Le néant. Juste un vide immensément grand qui m'aspire de l'intérieur.
Je suis fatigué.
Tout cela n'aurait jamais dû arriver. On a toujours aimé se compliquer la vie, alors c'est ce qu'on a fait. On n'a même pas essayé de trouver un terrain d'entente, une alternative à tout ce merdier. Au fond, on a pris goût à la destruction. Notre destruction. Parce qu'on était incapable de s'aimer sans se détruire. On s'aimait trop fort et ça nous rongeait les entrailles. On n'était pas assez de nous deux pour autant de passion. Alors, elle nous a consumés comme un brasier ardent. Lentement, les flammes ont léché nos peaux pour ensuite attaquer notre chair. Et nous voilà comme deux cons, avec nos cœurs calcinés au bord des lèvres.
On n'était pas fichu d'être comme tout le monde. Avoir une relation saine, se marier, s'enliser dans une routine débordante de bonheur. Fonder une famille. On pensait que ce n'était pas pour nous.
Non. On préférait se faire exploser, s'envoyer en l'air en mille et un éclat. On aimait ce goût du risque qui nous fondait sous la langue et cette adrénaline qui brûlait nos veines. Parce qu'on n'avait plus rien à perdre.
Quels égoïstes on faisait.
On a divisé nos amis. Notre famille. On n'aurait jamais dû en arriver là. Et je crois que cette image restera à jamais gravée dans mes rétines. L'image de nos coéquipiers qui se battent les uns contre les autres. Pour nous.
Parce que divisé, on tombe.
J'ai l'impression que de l'acide me transperce le corps. J'ai mal et je ne sais même plus si c'est de la douleur physique ou morale. Peut-être est-ce un cocktail des deux ? Au fond, je le mérite.
Je n'ai pas été digne de mon rôle de leader. J'ai failli à la tâche au premier obstacle. Se battre contre des chitauris n'était pas un problème. Mettre une raclée aux enfants d'Ultron l'était encore moins. Mais se battre contre toi... C'était une autre paire de manches. Si j'avais eu le choix, je ne l'aurais jamais fait. Mais au fond, peut-être l'avais-je, ce choix. J'étais juste trop aveuglé par tout cela pour le voir. Je voulais protéger Bucky, et tous les autres. Parce que c'est mon devoir, c'est ce que l'on attends de Captain America depuis toujours. Et dans le tourment de nos disputes, j'en ai oublié que je devais te protéger aussi. A te voir, tu avais l'air de te débrouiller très bien sans moi mais bordel qu'est ce que j'avais besoin de toi. Je ne me sens même plus digne de ce rôle que l'on m'a attribué. Je ne suis qu'un pauvre leader désenchanté, qui a tout fait foirer.
La seule bataille que l'on aurait pu se permettre de mener, c'était celle qu'il y avait entre nous. Tu sais, cette bataille pour laquelle je suis tombé pour toi. L'amour, comme on dit. On s'aimait mal mais on arrivait à trouver un semblant de bonheur là-dedans. J'étais heureux de t'aimer.
Et tu me manques, tu sais. Dans chaque petit détail. La chaleur de tes lèvres glissant sur ma peau. La fièvre de nos deux corps mêlés l'un à l'autre. Ce sentiment d'extase qui s'emparait de mon âme quand tu étais près de moi. Cette intelligence qui m'impressionne et qui illumine ton regard. Tes failles qui te rendent un peu plus sombre. Ton sourire dans l'ombre. Parce que j'aimais tout ce que tu détestais chez toi. Aveuglément. Parce que, je t'aimais autant dans l'ombre et dans la lumière. Tu me manques tout entier.
J'aimerais que tu sois là pour me dire que tout n'est pas terminé. Que l'on peut encore réparer ses fichus pots cassés. Reconstruire ce qu'on a mis si peu de temps à démolir. Le peu d'espoir qui sommeille en moi, je le place en toi. Je me dis qu'on peut y arriver. Ensemble.
On s'est aimé comme des chiffonniers. On s'est battu à corps perdu. Et je continue à t'aimer comme un désespéré.
Une odeur aseptisée me pique le nez, et j'ai toujours ce sentiment de flotter dans un nuage de brouillard. Pourtant, mon pied est plus ancré dans la réalité. Enfin, je crois. Il me semble apercevoir de la lumière. Mes paupières papillonnent. Et Dieu sait que cette clarté me brûle les iris. La blancheur se jette sur moi et irradie mes sens. Je crois que je suis dans un hôpital. Ou alors ce sont les portes du Paradis qui s'ouvrent à moi. Je n'ai pas les idées très claires.
Et lorsque j'ouvre pleinement les yeux, mon cœur se jette du haut de ma poitrine.
Je ne m'étais pas complètement trompé. Je suis bien à l'hôpital, mais il y réside aussi un petit bout de paradis.
Parce que tu es là. Ta main tient mes doigts avec force.
Un pauvre « Hey » traverse le champs d'épines de ma gorge, et tu sursautes.
Tes yeux brillants se posent sur moi et ta main resserre sa prise sur la mienne.
Tu me fais mal mais ça va un peu mieux. Tout n'est peut-être pas perdu parce que tu es encore là.
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Pensées nocturnes
FanfictionNotre relation était bancale. Un peu comme nos vies. Et on essayait de se rafistoler pauvres épaves que nous étions.