Prologue

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On me pourchasse.

Landon sentit des vibrations imperceptibles traverser le sol sous ses pieds nus. Il leva sa hache.

Le vent froid de l'automne fit frissonner la forêt, asséchant la sueur qui voulait sur son torse nu.

Il enfouit ses orteils dans la terre meuble afin de mieux discerner la présence du prédateur à ses trousses et sentit un frisson lui parcourir l'épiderme tandis que ses perceptions gagnaient en acuité. Il demeura immobile, humant les courants d'air, attendant que son odorat se mette au diapason de son ouïe et de son toucher surdéveloppés. Il mit mentalement de côté les odeurs puissantes de pin, d'humus et d'écorce et se concentra sur les parfums étrangers, l'oreille dressée, guettant le mouvement le plus infime.

Ça arrivait à toute vitesse. Juste derrière lui. Il identifia aussitôt le pas furtif de celui qui le chassait.

Ses biceps se tendirent et il abattit la lame acérée avec force. La hache fendit sans mal la bûche en deux morceaux égaux qui rejoignirent le tas qui grossissait de part et d'autre de la souche.

Le prédateur était tout près. Une vingtaine de mètres tout au plus. Il replaça avec des mouvements lents et précis une autre bûche et abattit une nouvelle fois la lame.

Quinze mètres. Il était assez proche maintenant pour que Landon perçoive l'odeur de sa sueur.

Ses lèvres s'étirèrent en un sourire carnassier et il pivota vivement, faisant décrire à son arme un arc de cercle mortel.

- La vache, t'es cinglé ! s'exclama Caine en se figeant à moins d'un mètre de Landon.

Il fixa la lame triangulaire qui brillait à quelques centimètres de sa gorge et reprit :

- Tu as failli me décapiter.

- Est-ce que tu vas finir par comprendre qu'il ne faut pas essayer de m'approcher par surprise ? lui demanda Landon en reposant la hache sur le sol.

- Pourtant, j'étais sous le vent, dit Caine avec un sourire satisfait.

- Tu sais bien que je ne me fie pas qu'à mon nez, grogna Landon, mécontent du comportement du jeune changeforme.

Son odorat n'était sans doute pas aussi fin que celui des autres Luprédas, mais il avait appris à développer ses autres sens bien au-delà de ce dont les membres de la meute étaient capables.

- Qu'est-ce qui t'amène ? s'enquit Landon en posant la hache sur son épaule.

- Les trois zerkers ont disparu.

Visiblement sous le choc, Landon abattit la hache qui fendit non seulement la bûche, mais aussi une bonne moitié de la souche qui la soutenait.

- Pourquoi est-ce que tu me racontes ça ? lui demanda Landon en serrant les poings, je ne fais plus partie de la meute.

- C'est le conseil des Eminences Grises qui m'envoie. Ils ont besoin de ton aide.

Landon fut saisi par un accès de rage. Le conseil des Eminences l'avait empêché de participer au rituel permettant d'accéder au statut de mâle dominant en raison de son faible odorat. Ce défi, car c'était bien de cela qu'il s'agissait, visait à mettre à l'épreuve la supériorité physique, mais surtout les talents de chef et de stratège. Et voilà qu'aujourd'hui, ils venaient lui demander son aide.

Le baiser interdit Où les histoires vivent. Découvrez maintenant