Le baiser interdit

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- Il paraît que tu as été géniale avec les mômes de Handleburg ce soir.

Assise dans sa voiture, le téléphone contre l'oreille, Kaitlyn étouffa un petit cri de surprise.

- Bon sang, Abby Brooks, est-ce que tu es voyante ? Je n'ai pas encore quitté l'orphelinat ! s'écria-t-elle. Qui est ton informateur, je suis sûre qu'il n'est même pas majeur..., poursuivit-elle en s'attendant à apercevoir son interlocutrice sur le parking.

- C'est mon petit doigt qui me l'a dit, minauda Abby à l'autre bout du fil. J'ai entendu dire que tu rentrais la semaine prochaine. Tu vois, je t'avais dit que tu t'attacherais à ces gamins.

- Ouais, c'est vrai qu'ils sont adorables.

Ç'avait vraiment été une soirée fantastique. Kaitlyn avait grandi auprès de parents aimants, mais elle avait tout de même quelque chose en commun avec les enfants instables de Handleburg, elle s'en était rendu compte de façon assez brutale un peu plus tôt dans la journée, lorsqu'un gamin l'avait provoquée, l'interrompant au milieu d'une phrase ; elle évoquait alors la collaboration avec la police. Le garçon lui avait lancé qu'elle ne pouvait pas avoir la moindre idée de ce à quoi sa vie à lui pouvait ressembler.

Il avait raison. Elle n'avait pas grandi auprès de parents toxiques et n'avait pas eu à éviter les fusillades entre gangs qui pouvaient éclater en pleine journée, comme au beau milieu de la nuit. Mais elle savait que dans un avenir pas si éloigné, elle aussi perdrait ses parents, puis ses coéquipiers. Abby et les enfants de l'orphelinat seraient alors sa seule famille. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était avoir la chance de leur faire comprendre qu'ils n'étaient pas nécessairement destinés à marcher dans les traces de leurs parents.

- Merci de m'avoir filé un coup de main pour cette petite conférence, au fait. Ah, et j'oubliais, les enfants veulent que je participe à ton cours de taekwondo mardi prochain. Et accroche-toi bien, roulements de tombeurs... j'ai décidé de consacrer au moins une soirée par semaine aux gamins de Handleburg, apprit-elle à Abby en faisant démarrer la voiture.

- C'est fantastique, Kaitlyn, mais ta mère, dans tout ça ?

Elle poussa le chauffage à fond pour dissiper les volutes qui sortaient de sa bouche.

- Elle a de moins en moins de bons jours ces temps-ci, et quand elle est trop malade, elle ne veut voir personne. Les antalgiques la font dormir énormément. Je me suis dit qu'en passant du temps avec les petits, j'éviterais de penser à elle en permanence. Sans ça, je crois que...

Elle s'interrompit, la gorge serrée en songeant à l'état préoccupant de sa mère.

- Tu fais le bon choix, ma chérie. Est-ce que tu as reçu mon petit cadeau de félicitations, dis-moi ?

Kaitlyn éclata de rire.

- Oui, j'ai déjà accroché ton Dictaphone à mon porte-clés.

- Je me suis dit que tu pourrais continuer à bosser pendant les planques. Mais ne crois pas t'en tirer à si bon compte, on va aller faire un tour au Fuel pour fêter ta promotion, mademoiselle le lieutenant !

Kaitlyn sortit du parking et s'engagea sur la route.

- Pas ce soir, Ab.

- Tu devrais vraiment faire la fête, ma chérie, te détendre un peu. Et puis... avec un peu de chance, tu tomberas sur M. Perfection et il fera bouillir ton sang d'Irlandaise !

Ou bien je me retrouverai avec M. N'importequi, le genre de type prêt à coucher avec la première qui veuille bien de lui. Kaitlyn savait que si sa meilleure amie l'avait incitée à donner un coup de main à Handleburg et si elle l'invitait au bar ce soir, c'était uniquement pour lui fournir l'occasion de rencontrer quelqu'un et de donner un sens à sa vie. Abby avait encore mentionné son fameux M. Perfection et aussitôt Kaitlyn avait repensé à sa dernière relation en date. Elle n'était sortie avec personne depuis sa rupture avec Rémy, deux ans auparavant.