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   Au mois de janvier, quinze jours avant mes dix-hui ans, mon père m'avait demandé ce que je voulais pour mon anniversaire.
J'en étais à la moitié de mon année sabbatique, dont il avait accepté l'idée sans difficulté.
- Qu'est-ce que tu veux faire, après ton bac ? M'avais t-il alors questionné.
- J'en sais rien, j'avais répondu.
   Bac S, mention très bien, avec un an d'avance, et je n'avais aucune idée de ce que je voulais faire dans la vie. Quelle drôle d'expression, "faire dans la vie". Vivre ne devrait-il pas suffire ?
   J'avais toujours voulu bien faire. Mais  bien faire quoi ?
   C'était simple, avant : bien faire ce qu'on me disait de faire. Mon lit, mes devoirs, mettre le couvert... Avoir de bonnes notes. Ne pas faire de vagues. Bien faire, c'est aussi ne pas faire, souvent. J'avais toujours eu le souci de rendre la vie facile à mon père, lui qui, justement, faisant tant pour moi. Mais désormais ? Une fois mon contrat d'enfance rempli ? Que faire dans la vie ? La mienne ! J'avais fini par dire à mon père que j'avais besoin de temps pour me décider. Peut-être cette année d'avance, qui me manquait maintenant ? Il avait répondu "d'accords".
   Mon père n'est pas un grand bavard. Peu de mots, toujours d'une voix calme et posée. Je ne l'ai jamais entendu hausser le ton, sauf une fois, terrible, que je n'oublierai jamais. Sinon, même quand j'étais petit, jamais une fessée, jamais une punition. Parce que j'étais un enfant sage ? Ou parce qu'il n'était pas un père comme les autres ? Pas comme les pères de mes copains, qui me jalousaient tous, justement parce que mon père à moi ne s'énervait pas, ne semblait pas connaître la colère. Mais moi, parfois, je leur enviais les leurs, de pères, avec leurs sautes d'humeur et leurs " pétages de plombs ". Justement parce qu'il arrivait qu'ils perdent leur self-control. Pas le mien. Son calme, sa douceur inoxydable étaient une force qui m'intimidait. Et me pesait.
   Et donc, quinze jours avant mes dix-huit ans, il m'avait demandé :
- Qu'est-ce que tu veux pour ton anniversaire ?
   Je l'avais regardé, surpris. Il s'était toujours débrouillé pour les cadeaux, tombant chaque fois curieusement juste, comme s'il avait le don de lire en moi et d'y puiser des désirs dont je n'avais même pas conscience. C'est l'une des nombreuses choses qui m'étonnaient chez lui, et qui m'impressionnaient. Peut-être ce jour-là, avec sa question, avait-il encore deviné juste ? Peut-être était-ce une perche qui me tendait ?
   Je n'avais pas eu à réfléchir. C'était sorti tout seul. Comme si j'avais toujours su. J'avais répondu :
- Ma mère. Je veux ma mère pour mes dix-huit ans.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 29, 2016 ⏰

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Plus jamais sans elle. (Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant