chapitre unique

899 126 56
                                    

Un silence à la fois léger et oppressant planait dans l'air, courait entre les bancs vides d'une classe qui l'était tout autant. Enfin presque.

Stoïque. Aussi immobile que les chaises alignées sagement autour de lui. Ses genoux butaient contre le fer glacé des pieds de sa table de bois vernis. Il ne savait pas vraiment où caser ses quilles. Il avait appris à vivre avec, les garant là où il y avait place. Ses oreilles avaient fait office de parapluie face aux inondations de remarques qui lui pleuvaient dessus.

Il avait déjà sonné depuis un moment, laissant vagabonder le printemps de la vie en cette chaude soirée d'été. Une fenêtre entrouverte laissait voltiger jusqu'à lui le rire des enfants qui slalomaient entre la poussière levée par des courses effrénées. Les semelles de chaussures boueuses tapaient dans les cases de marelles brouillonnées sur le sol tandis que leurs ainés devaient batifoler avec pudeur dans les parages, étant chargés –souvent à contrecœur- de la garde de ces bambins.

Le bleu du ciel avait laissé place à des teintes un peu plus chaudes. La douce rougeur d'un voile encore tiède ricochait sur les murs de la salle de classe, colorant alors sa feuille de papier d'une lumière tamisée.

Dans sa tête : le vide. Un vide bien trop encombrant à son gout, qui écrasait ses neurones, alors qu'il avait déjà du mal à réfléchir...

Il souffla un coup. Puis se remit à mordiller maladivement sa lèvre inférieure. Ses sourcils froncés surplombaient ses yeux plissés, scrutant la blancheur du papier.

Un moment de maladresse et il saigna. Le gout du fer se glissant sous sa langue lui étira une grimace de dégout.

Dans ses doigts d'une moiteur désagréable, gigotait un bic. Il n'aimait pas écrire au bic, mais faisait avec, faute d'avoir retrouvé son pauvre stylo égaré. Et les différentes couleurs faisaient des claquettes en rebondissant sur leur ressort, d'un bruit irritant, mais dont Chanyeol ne souciait peu.

Elles dansaient sans relâche, jusqu'à ce que le jeune garçon porte le bout en plastique à ses dents avides de se dégager de ce stresse accumulé pendant la journée.

L'air sortait bruyamment par ses narines. L'inspiration. Celle d'air venait abondamment nourrir ses poumons, mais celle d'écrire semblait définitivement absente. Envolée au loin. Haut. Haut dans le ciel et au-delà de nuages concurrençant la roseur de ses joues. Il ne pouvait pas l'attraper, cette inspiration. Qu'il soit grand n'y changeait rien. On dit que l'amour donne des ailes. Et il espérait vivement qu'il lui en pousse afin de pouvoir l'attraper, et faire descendre sur terre les mots dont il avait tant besoin.

Il devait salir cette propreté face à lui. Gratter entre ces lignes d'un bleu presque invisible. Mais rien.

Pas une phrase. Pas une syllabe. Pas une lettre, ni même le début de son tracé.

Maladroit qu'il était.

Il avait pourtant pris la décision de tout lui dire. Il avait embrassé son courage de ses deux bras pour faire le premier pas. Ses cordes vocales s'étaient dénouées pour l'interpeller faiblement, alors que le jeune garçon quittait la pièce. Mes les mots étaient restés coincés. La volonté du plus petit de ne pas rater l'unique bus qui le ramenait chez lui avait fait le reste. Et ses doigts délicats s'étaient élevés pour lui souhaiter bonne soirée.

Il ne lui restait plus qu'à écrire. C'était la dernière chose qui lui restait afin de pouvoir s'exprimer.

Mais rien ne venait.

Un énième soupir.

Et l'image de son camarade de classe vint obstruer ses maigres pensées. Des mèches blondes qui venaient barrer sa vue. Des doigts longilignes qui grattaient sa nuque alors qu'il restait penché sur son pupitre lors des intercours. Ce bruit presque inaudible de pages qui glissent au fur et à mesure qu'une lecture avance. Un peu isolé. Mais pas asocial. Respecté sans doute. Mais certainement pas craint. Pas avec cette petitesse. Cette adorable petitesse.

Timidité estivale ~ ChanbaekOù les histoires vivent. Découvrez maintenant