Garry Herman sortit de son appartement miteux en vitesse. Il n'était pas question qu'il soit en retard pour le lancement du projet. Il ferma sa porte en tournant les clefs avec nervosité, puis descendit les marches quatre à quatre. Il sortit de son immeuble, son crâne dégarni luisant au soleil. Il courut jusqu'à sa voiture, en ignorant les passants qui protestèrent quand il les bouscula. Il n'avait pas le droit à l'erreur aujourd'hui. Alors qu'importe ce qu'il allait lui en coûter, il concrétiserait le projet. Il allait enfin montrer au monde qu'il était quelqu'un d'important. Il allait montrer au monde qu'il existait, lui, Garry Herman. Après ça, personne ne pourrait plus rien lui dire, sa mère serait obligé de reconnaître qu'il était intelligent et doué dans ce qu'il faisait, elle qui le critiquait toujours. Suite au projet, il serait riche et tout le monde devrait lui obéir. Il monta dans l'automobile et ne mit pas sa ceinture, le temps était compté. Il brûla feux rouges et panneaux stop dans l'unique but d'arriver plus vite vers l'aboutissement du travail qu'il avait mené depuis vingt ans. Il sortit du véhicule et rentra dans un immeuble à l'aspect anodin. Il le savait, l'ascenseur était en panne, aussi, il monta les escaliers comme si sa vie en dépendait, les quelques cheveux roux qui lui restaient rebondissant sur les côtés de son crâne à chaque marche, et la ceinture de cuir qu'il portait lui entamant sérieusement son trop-plein de ventre. Mais qu'importait, ce jour-là, il allait devenir riche. Ce jour-là, il allait devenir célèbre et puissant. Il ne cessait de se répéter ces phrases en boucle depuis des mois. Car aujourd'hui, lui, Garry Herman allait enfin effectuer le projet Dualité. Il était fier du nom qu'il avait trouvé, deux sujets, une dualité. Cela faisait des années qu'il préparait ce projet, dans le plus total secret, même le président américain l'ignorait, et les résultats des derniers mois avaient été parfaitement concluants. Il avait réussi à trouver deux volontaires pour tester sa création et voilà qu'il ne lui restait plus qu'à donner l'ordre de lancement, et tout serait accompli.
Il rentra finalement dans un des appartements aménagés spécialement en laboratoire pour son projet. Il se lava les mains en les frottant vigoureusement, mit ses lunettes de protections, enfila ses gants, son masque, et sa blouse, puis rentra dans la pièce principale. Deux fauteuils verts y avaient été placés, sur chacun d'eux trônaient ses volontaires. Le premier un jeune garçon, tout comme le deuxième, une fille du même âge. Après tout, il se moquait de leur âge ou de leur identité, ils étaient volontaires, ils avaient signé de manière parfaitement légale. Comme ils étaient ignorants, ils ne se doutaient pas une seule seconde de ce que lui, Garry Herman allait accomplir...De ce qui allait leur arriver...
Les deux avaient un masque à oxygène sur la bouche mais il ne leur serait bientôt plus d'aucune utilité. Ce qui intéressait Garry, c'était surtout l'écran géant aménagé sur le mur droit de la pièce, encore éteint pour l'instant. Il s'adressa alors à eux :
-Parfait, tout est désormais prêt. Comme je vous l'ai dit, le risque est très faible, tout ce que vous devez faire, c'est me décrire très précisément les effets que vous ressentirez, qui ne seront aucunement douloureux vous en conviendrez. Maintenant allongez-vous et surtout ne touchez pas au casque. Vous avez bien compris ?
Les deux hochèrent la tête, ne pouvant s'exprimer correctement à cause du masque à oxygène. Les assistants de Garry s'affairaient à côté, effectuant divers réglages sur deux imposants casques en métal chromé et parsemés d'électrodes.
Les assistants placèrent respectivement les casques sur les deux adolescents, puis enveloppèrent leur corps dans une feuille d'une matière inconnue qui pouvait s'apparenter à un plastique à la fois souple, moulant et transparent. Une trappe s'ouvrit sous les fauteuils. Les assistants sanglèrent les adolescents qui étaient à présent presque endormis sous l'effet du gaz qu'on leur avait administré à travers leur masque. Les deux volontaires bien sanglés, les fauteuils commencèrent à descendre vers leur trappe respective, qui n'était rien de moins qu'une cuve d'eau glacée.
Sur l'électrocardiogramme, le rythme cardiaque des deux adolescents s'abaissa progressivement une fois qu'ils furent totalement immergés, exactement comme l'avait prédit Garry.
Il regarda la dernière partie de tout son travail être mise en place, un dispositif relié aux électrodes du casque, et par conséquent au système nerveux des deux sujets. Le dispositif était ensuite relié à l'écran géant fixé au mur.
Il avait développé tout cela seul, lui Garry Herman, et voilà que tout se déroulait comme prévu, c'en était presque trop beau pour être vrai.
Les assistants attendaient le signal de Garry. Ce dernier regarda une dernière fois tout ce qu'il avait réussi à créer, son chef-d'œuvre, rien qu'à lui. Puis avec une voix contrôlée mais laissant paraître son excitation, il annonça :
-Lancement du projet Dualité, heure de lancement, huit heures quarante-cinq.
Il appuya alors à l'aide de son gros index boudiné, et avec une lenteur exaspérante, sur le bouton carré et rouge se situant à sa droite, savourant sa victoire.
Il y eût un crépitement puis les casques émirent une lumière légèrement bleutée. Les corps des deux adolescents parcourus de soubresauts n'inquiétèrent pas le moins du monde Garry, qui avait tout prévu. De toute façon, leur cœur était déjà arrêté, donc théoriquement ils étaient morts, non ? Le dispositif relié au casque par les électrodes s'alluma, alors que les corps des deux adolescents s'affaissaient au même moment, comme à la fin d'une longue danse endiablée. Un râle s'échappa de leurs lèvres, et la combinaison de matière étrange dans laquelle ils avaient été enroulés fut parcourue de la même lueur qu'avaient émis les casques.
Garry, quant à lui, ne regardait qu'une chose, l'écran. Il le savait, le moment approchait.
Une goutte de sueur perla sur sa tempe.
L'écran s'alluma.
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Dualité Mortelle
Science FictionGarry Herman est un scientifique qui n'a jamais été récompensé pour ses efforts, et dont l'existence misérable n'a été marqué que par moqueries et critiques. Mais un jour, Garry décide de prendre une revanche sur la vie en allant plus loin que quico...