J'AI TOUT PERDU

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Il est 22h. La lune brille haut dans le ciel, entourée d'une multitude d'étoiles. Je regarde ce joli spectacle assis prêt de la fenêtre de ma chambre qui est plongée dans l'obscurité. Je n'arrête pas de pleurer. On dit que pleurer c'est bon, que ça fait du bien, que ça permet de se libérer, de libérer ce qu'on a sur le coeur mais pour moi, ce n'est pas le cas. Pleurer m'enfonce encore plus, me force à me rappeler que je suis une mauvaise fille, que le monde aurait été plus meilleur sans moi, que ma famille aurait été plus heureuse si je n'avais pas existé. La vie m'a souri depuis ma naissance mais j'ai tout gâché, absolument tout.

Mon visage est inondé de larmes. Mes joues doivent être noires à cause du maquillage qui a coulé. Madame Solange, la responsable de la famille d'accueil qui s'occupe de moi et de ma soeur, est venue me dire que le dîner était prêt mais je lui ai dit que je n'avais pas faim. Et c'est la vérité...je n'ai pas faim, je ne veux pas manger, tout ce que je veux c'est mourir, rejoindre ma mère dans l'au-delà. Mais je sais que c'est impossible. Même si je mourrais, ma place serait en enfer et non au ciel comme maman, ma maman chérie, ma maman que j'aime tant mais qui pourtant est partie à cause de moi, par ma faute.

J'approche mes jambes de mon menton et enfouis ma tête entre mes genoux. Mes mèches noires tombent sur mes bras.

Et là, tout débarque dans ma tête, aussi frais que si cet horrible drame s'était produit hier, comme si hier avait été le jour où j'ai fait basculer la vie de toute ma famille. Je veux oublier, tout oublier mais je n'y arrive pas. Tout est encore dans ma tête, absolument tout.

Il était 20h. J'étais rentrée ivre, comme les autres soirs. J'étais avec ma meilleure amie, Sarah. Si j'étais venue à la maison, c'était parce que j'étais à court d'argent. Alors je suis montée à l'étage avec Sarah pour demander une petite somme à ma mère qui était dans sa chambre. Elle a refusé de m'en donner. Et là, je me suis énervée; je n'aime pas qu'on me dise non. J'ai toujours eu ce que je voulais, toujours été une enfant gâtée. Mais à ce moment là, j'avais besoin d'argent pour aller boire avec mes amis mais ma mère refusait de me donner un seul sou. Nous nous sommes longuement disputé. Et comprenant qu'elle ne me donnerait rien, je n'ai plus réfléchi. Sous le coup de la colère, je l'ai poussée violemment et elle a atterri sur le miroir en verre qui occupait une partie de l'un des murs de la chambre. Elle est tombée par terre. Elle s'est relevée péniblement, plaçant sa main droite sur sa tête ensanglantée. Elle s'est avancée vers moi me disant de me calmer. J'ai pris un vase posé sur une table à côté de la porte. Quand elle faisait un pas vers moi, j'en faisais un en arrière. <<Je me calmerai quand tu m'auras donné de l'argent.>> lui ai-je dit. <<Je ne te donnerai rien Gina.>> m'a-t-elle répondu fermement. <<Dans ce cas, va au diable.>> Après ces mots, le coup fatal est parti. J'ai frappé ma mère avec le vase que j'avais toujours en main. Elle s'est effondrée sur le sol, elle était inconsciente.
Je n'ai pas réalisé ce que je venais de faire sur le coup. Sarah, qui était debout près de la porte -ou plutôt qui titubait près de la porte vu qu'elle aussi était ivre- et qui avait regardé le spectacle sans placer un seul mot, s'était accroupie près de ma mère. Elle a pris son poignet et lui a tâté le pouls. Et c'est quand elle a levé les yeux vers moi que j'ai compris que j'avais fait une énorme connerie.
J'ai commencé à arpenter la chambre, faisant des va-et-vient tout en pleurant, jetant parfois un coup d'oeil au sang qui coulait. Sarah m'a alors prise par le bras et m'a dit de sa voix très autoritaire: <<Calme toi Gina! Va en bas, je m'occupe de tout. OK?>> Je me suis tout de suite exécutée et je suis allée m'asseoir au salon. Et là, j'ai entendu une porte grincer. C'était la porte de la chambre de Lucie, ma petite soeur de 12 ans. Elle a sûrement vu le corps de maman puisque je l'ai entendu dire: <<Qu'est-ce que tu fais Sarah? Qu'est-ce qu'elle a maman?>> Et Sarah, toujours de sa voix très autoritaire lui a crié: <<Retourne dans ta chambre sale gamine.>> J'ai supposé que Sarah l'avait tirée jusqu'à sa chambre car Lucie n'arrêtait pas de lui crier de la lâcher. Avant d'entendre le bruit d'une serrure qu'on verrouille, j'ai entendu Sarah dire à Lucie: <<Si tu parles de ce que tu as vu, ton père et ta soeur auront beaucoup de problèmes. Ils iront tous les deux en prison. Je suppose que tu ne veux pas de ça.>> Lucie a dû acquiescer car elle m'aimait beaucoup et moi aussi. Elle aimait aussi papa à tel point qu'elle n'aurait pas permis qu'il aille en prison. A ce moment, je n'ai pas compris pourquoi Sarah impliquait mon père dans tout cela; d'ailleurs, il était encore au bureau.

J'AI TOUT PERDUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant