Je ne suis pas ce genre de fille qui aime plaire mais je ne cherche pas la solitude. Je ne suis pas ce genre de fille qui veut se démarquer mais je redoute l'unicité. Je ne suis pas ce genre de fille qui se soucie de son physique mais je ne peux m'empêcher de me comparer.
Je suis celle qui se préoccupe plus du jugement de son propre subconscient plûtòt que de celui des autres personnes. Je suis celle qui préfère agir de façon logique plutôt que de suivre ses émotions. Je suis celle qui refuse d'être vaincue mais qu'une seule parole, une seule pensée peut me convaincre de tout lâcher.
Voilà qui je suis. Mais les seuls mots qui arrivent à être articulés sont les suivants:
«Je suis Elisabeth»
Je regarde mon sac et joue avec une couture qui dépasse de ma veste kaki.
«Oui, je sais ça, me répond-t-elle, mais peux-tu m'en dire plus sur toi? As-tu des passions? Des peurs? Des rêves? J'ai besoin de faire ton profil psychologique si nous voulons cheminer ensemble.»
Nous avons un rapide contact visuel puis je me mets à réfléchir.
«La peinture, le dessin. Tout ce qui touche à l'art. J'aime bien ça.»
Je me sens stupide. Je ne sais pas pourquoi mais je me sens stupide. Elle note rapidement sur son petit cahier de notes qui est posé sur ses jambes croisées.
«Bien, as-tu des peurs? Des inquiétudes?», poursuit-elle.
Je redoutais cette question. Qui dans ce monde aime parler de ses inquiétudes à une pure étrangère?
«J'ai peur... j'ai peur des lacs et de la mer.»
Mon sentiment de stupidité s'accroît. Qu'est-ce que je fais ici?
«C'est tout?», me demande-t-elle en repoussant ses lunettes sur son nez.
«Oui.» Non. Je pourrais très bien de faire une liste de toutes mes peurs et inquiétudes, mais puisque notre séance se résume à 45 minutes il serait mieux pour toi et pour moi que nous nous réduisions à ça.
«Bien.»
Elle note. Le bruit de son stylo m'agresse. Je prend une lourde respiration.
«Des rêves?» me demande-t-elle en terminant de noter.
«Pas à ce que je sache.»
Elle semble surprise.
«Tu n'as pas d'ambition? Pas de choses que tu voudrais réaliser?»
«Je ne sais pas, je n'y ai pas vraiment pensé.»
«Parfait alors ce sera ton devoir pour la semaine prochaine. Trouve toi un rêve.»
Elle se lève.
«C'est tout?, demandais-je surprise, je croyais que les séances duraient 45 minutes.»
«Oui, ça sera tout pour aujourd'hui. Je préfère garder la première séance plus courte, question d'adaptation.»
Elle dépose ses choses sur son bureau un peu plus loin et je me lève du canapé. J'attrape mon sac et me dirige vers la porte.
«N'oublie pas: un rêve», me rappelle-t-elle avant que je referme la porte.
Je me dirige vers l'extérieur, salut rapidement la secrétaire et attrape ma planche à roulettes avant de sortir du bâtiment. Je la pose sur le côté de l'édifice et sort un paquet de cigarettes. Je m'en allume une et la déguste tranquillement.
«Tu devrais pas fumer ça à ton âge.»
Je me retourne rapidement. C'est un homme d'une quarantaine d'années.
«Excusez-moi?» demandais-je pour être certaine d'avoir bien entendue.
«J'ai dis: tu devrais pas fumer ça à ton âge» me répète-t-il, le regard plein de défi.
«Papa?» l'appelai-je sarcastiquement.
«Je ne crois pas.»
«C'est ce que je pensais.»
Je pris une dernière bouffée de cigarette, l'écrasa sous mon converse, attrapa mon sac et ma planche puis partit. C'est à peine si je suis arrivée que ce village m'énerve.