Il me suit.

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Il me suit.

Aujourd'hui, je me suis réveillé plutôt serein. D'une certaine manière, je ne me sens pas épié et qu'il me laisse pour une fois respirer me fait le plus grand bien.

Au début, il ne me suivait que lorsque je marchais dans la rue, que lorsque je flânais dans les magasins. Mais maintenant, je sens même sa présence quand je suis réfugié chez moi. Avoir l'horrible impression qu'un psychopathe se trouve dans la même pièce que moi à chaque moment de la journée, avoir cette peur constante de la mort, ne pas avoir l'esprit apaisé, tout cela fait à présent partie de mon quotidien.

Depuis peu, j'essaye de me changer les idées. Fini de se barricader chez soi : de toute façon, cela ne sert strictement à rien à présent. J'ai donc décidé de revoir mes amis. Après les avoir laissés plusieurs semaines sans nouvelles ni réponses à leurs messages, j'avais peur qu'ils m'en veulent, mais mon état les inquiétait juste terriblement. Je m'en suis vraiment voulu de ne pas leur avoir fait confiance et de les avoir laissés tomber. Ils m'ont un peu charrié vu que je leur ai fait croire qu'il s'agissait d'une déception amoureuse. Je les adore, mais ils ne comprendront probablement pas mon inquiétude, parce que moi-même je ne la comprends pas.

Je sens un regard sur moi, un regard qui me brûle le dos, me transperce la chair, les os, je le sens jusque dans mes entrailles, comme si on me découpait au couteau, comme si on voulait lire en moi, déceler jusqu'à mes secrets les plus enfuis. Quand je me retourne pour vérifier qui marche derrière moi, je ne vois jamais personne en particulier. Même, la sensation s'envole mystérieusement. Que des gens qui déambulent pour une raison précise ou non, personne susceptible de me suivre à la trace.

Cependant, après à peine quelques secondes de répit, ce sentiment reprend, encore plus fort qu'auparavant, comme pour me punir d'avoir tenté de le refréner. J'ai fini par m'y faire, je pense. Je le coince dans un endroit reculé de mon cerveau et je n'y pense plus. Je pense à Namjoon en particulier, à mes amis, aux gens qui m'aiment et me soutiennent, et tout va miraculeusement mieux. Ouais, j'ai dû finir par m'y faire.

- Alors aujourd'hui, Jin, comment ça va ? D'ailleurs, ça te dirait qu'on aille boire un verre ?

Bien sûr, que ça me dit. Et bien sûr, que j'ai accepté la proposition de Namjoon. Comment aurais-je pu la refuser ? J'ai cru que ça n'arriverait jamais. Enfin, détrompez-vous : j'ai cru que ça n'arriverait jamais que je réussisse à l'accepter. Namjoon est mon collègue dans la librairie où nous travaillons et ce n'est pas la première fois qu'il me propose plus ou moins explicitement que nous nous voyions en dehors de notre travail.

La première fois que c'est arrivé, j'ai honnêtement cru que j'allais tomber raide mort à terre. J'ai cru qu'il se foutait de moi et je l'ai envoyé balader. Peu après, j'ai dû m'excuser pour mon agressivité et lui expliquer la situation de mon être en manque d'amour qui pensait sincèrement que quelqu'un aussi beau que lui ne pouvait être sérieux. Au final, nous en avons ri ensemble et avons voulu remettre ça.

Mais c'était sans compter sur ça. C'était arrivé sans prévenir, un jour où le soleil tapait. Je marchais tranquillement dans la rue et j'ai soudainement eu un très mauvais pressentiment. Je n'avais aucune idée de ce dont il s'agissait, je savais juste que je devais rapidement m'en aller. Et c'est ce que j'ai fait. J'ai fui, mon instinct de survie ayant pris le dessus. Ce n'est qu'en rentrant chez moi que je me suis vraiment senti apaisé. Tout le trajet, j'ai eu l'impression que quelqu'un me suivait, accélérant lorsque j'accélérais, tournant au coin de la rue en même temps que moi, peut-être seulement une fraction de seconde après moi, de sorte que je n'avais aucun répit. Et j'ai cru être tranquille, vraiment.

Les jours qui ont suivi cet incident, j'ai tenté de repousser Namjoon, en vain. Je ne voulais pas qu'il lui arrive des problèmes par ma faute. Je m'étais promis de tout lui expliquer au moment voulu, même si cela devait prendre du temps. Je voulais prendre mon temps avec lui, le protéger.

C'est pour cela que j'ai repoussé notre rendez-vous, chaque fois un peu plus, trouvant toujours une excuse plus minable que la dernière fois. J'avais fini par me convaincre que c'était le mieux pour lui, bien que ses yeux tristes ne m'échappaient pas et me faisaient tout aussi mal. Moi aussi, je voulais passer du temps avec lui.

Le pire, c'est lorsque la sensation s'est accentuée. Lorsque j'ai fini par la ressentir chez moi, quand j'étais scotché sur mon ordinateur, quand je prenais ma douche, quand je mangeais, le sentiment qui m'oppressait ne me quittait plus, se resserrait de plus en plus, comme un étau autour de mon cou. Et quand le summum était atteint, c'était comme si quelqu'un serrait ma cage thoracique de toutes ses forces, tentait de briser mes côtes et que moi, les bras ballants, j'étais totalement impuissant. Alors, espérant pouvoir me protéger en restant cloîtré chez moi, je feins être malade au point de ne plus pouvoir rien faire. Bien qu'à mes amis, j'avais prétexté un amour qui avait échoué ; à mon patron et à Namjoon, j'avais parlé d'une maladie qui m'avait cloué au lit pour plusieurs semaines, et j'ai ajouté avoir dû fréquenter l'hôpital pour enfin me remettre. Étonnement, ils n'ont pas posé plus de questions et ont affirmé être soulagés que ce ne fut que passager. Mais je ne pouvais pas être malade ou en peine d'amour indéfiniment : c'est pourquoi j'ai pris mon courage à deux mains et ai décidé d'affronter la réalité de face. Qu'il vienne, ce type ! Qu'il ose m'approcher ! Je la lui dirai, ma façon de penser. Je sortirai directement mon téléphone, appellerai la police et tout sera enfin réglé. Je n'avais plus qu'à être patient, attendre qu'il se montre enfin.

Depuis, Namjoon me demande tous les jours comment je me sens. Si je suis encore affaibli ou si je suis de nouveau en forme. Officiellement, je n'ai mis que quelques jours à retrouver mes capacités de travail habituelles. Et aujourd'hui, sentant que j'allais définitivement mieux, il m'avait invité à sortir, rien que tous les deux. Si besoin il y avait, il pourrait même me protéger, j'en étais certain. S'il est grand et musclé, ce ne doit pas être pour rien. Je suis décidé à reprendre ma vie en main.

J'aime proclamer mon amour envers Namjoon, hehe

Il me suit [Namjin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant