Un funambule dans la nuit

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Je m'appelle Lucie. Lucie Brett. Et je vais vous conter l'histoire d'un petit garçon et de son chat. L'histoire d'un garçon timide, un peu sauvage et très discret. D'un garçon qui ne parle quasiment pas.L'histoire d'un petit garçon sans maison. L'histoire d'un funambule. D'un funambule dans la nuit.


J'ai 8 ans et je vis dans la petite ville de Ferl. J'habite avec mes parents, dans une petite maison en bois, qui ressemble à un chalet. Ferl est située dans une vallée, entourée de montagnes verdoyantes. Les étrangers ne sont que de passage et rares sont ceux qui décident de s'installer définitivement.

Un vendredi d'octobre, alors que je rentrai de l'école, je décidai de longer la rivière Watipi. C'était une longue rivière quiparcourait toute la ville. Nous n'avions pas de voitures, à cause de ce cours d'eau qui zigzaguait entre les maisons. Nous nous déplacions toujours à pieds, ou à cheval. La rivière était bordée de chênes et de châtaigniers. Et c'est là que je l'ai vu.

Un petit garçon venait de finir de tendre un fil très fin entre deux grands chênes. Il l'avait accroché à deux grosses branches solides, à mi-chemin entre la cime et le sommet. Il commença à grimper le long de l'un des arbres pour atteindre son fil. Il commença à se redresser et à se mettre debout, en équilibre, sur son fil. Et il le traversa en à peine deux minutes.

Arrivé à l'autre extrémité du fil, il se rendit compte de ma présence et se tourna vers moi. Il s'agrippa alors à l'arbre, défit le nœud qui tenait son fil au grand chêne et fit de même avec l'autre extrémité. Alors qu'il remballait toutes ses affaires, je courus vers lui, pour le retenir.


« -Non, ne pars pas. Je ne te veux pas de mal... C'est beau ce que tu fais. »


Le petit garçon ne me répondit pas mais ne s'enfuit pas. Je m'empressai donc de lui parler pour ne pas qu'il s'en aille.


« -Tu sais, moi mes parents ne veulent pas que je fasse de jolies choses comme ça. Ils trouvent que c'est trop dangereux pour moi. Mais toi tu en as de la chance, tes parents te laissent le faire.

-Mes parents ne sont plus là pour décider de ce qui est beau...

-Oh... Alors...

-Mes parents sont décédés quand j'avais quatre ans. Je n'ai plus de maison. Je me nourris de ce que m'offrent les passants qui me voient faire mes numéros. Je m'entraîne chaque jour. Parce que si je montre chaque fois la même chose, les gens donnent de moins en  moins, et moi je vis de moins en moins.

-Tu vas montrer ça en ville ?

-Si les habitants veulent bien...

-Et que feras-tu après ton spectacle ?

-Je m'en irais.

-Où ça ?

-Plus loin...

-Oh.

-Qu'est-ce qu'il y a ?

-Je pensais que tu ne t'en irais pas.

-Il le faut. Pour vivre. Et, surtout, pour découvrir de nouveaux pays. C'est mon métier en quelques sortes... J'aime ce travail pour la découverte.

-Que ressens-tu ? Quand tu es sur le fil ?

-C'est... comme si je volais. Parce que je regarde droit devant moi, et que je vois tout de haut. C'est magique. Parce qu'à ce moment là, je ne vois plus les gens autour de moi. Je ne vois plus les spectateurs. Je ne les entends plus m'applaudir ou rire. Je n'entends que le bruit des rivières et des oiseaux qui chantent.

Un funambule dans la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant