Chapitre 1 :
En short sur la plage. Pieds nus. En sortant, j'ai aperçu une silhouette inconnue, détonnant sur l'étendue de sable habituellement vide, vierge de toute présence. Un jeune homme se tient debout, face à la mer, un chevalet devant lui. Il peint la mer. Ou le ciel, vert d'un lever de soleil très prochain. Discret, je m'approche derrière lui, gardant une distance respectueuse. Curieux, mon regard se fixe sur son dos à peine agité par les mouvements de ses bras. Il semble si calme en cet instant que l'envie me prend de l'interpeller. Aucun son ne passe la barrière de mes lèvres. Je sais qu'il est conscient de ma présence, pourtant je me trouve incapable de faire le moindre geste pour l'affirmer. Je suis comme figé, pris dans un univers silencieux. Seul le léger bruit de l'eau est là pour briser la bulle tranquille qui nous entoure.
Et c'est là qu'il se retourne.
Il est magnifique. Il a des cheveux gris cendré dont quelques mèches retombent librement sur un visage pâle, parsemé de taches de rousseur. Son regard est fatigué mais paisible, comme si il se réveillait seulement après une belle nuit de repos.
_"Bonjour."
Je met un moment à me rendre compte qu'il s'adresse à moi, perdu dans la contemplation de son visage. Il m'observe, une pointe de curiosité dans le regard, et quelque chose dans la légère inclinaison de sa tête, dans la douceur du petit sourire qu'il m'adresse, me fait rougir. Je me sens un peu idiot d'être pris en flagrant délit. Mon intrusion ne semble pourtant pas le perturber. Croyant utile de me justifier, j'entame une vague explication, mais il ne me laisse pas le loisir de terminer. Il se détourne simplement, comme si il avait vu tout ce qu'il voulait voir et revient à sa peinture. Troublé, je reste planté là comme un idiot quelques instants avant de revenir à moi. Je fais quelques pas dans sa direction, me rapprochant tout près de son dos, risquant un regard par dessus son épaule.
_"Tu es peintre ?"
Il répond sans s'interrompre et l'intonation posée de sa voix me surprend.
_"Non, mais cela doit-il m'empêcher de peindre ?"
_"Pas du tout... C'est juste que le chevalet, la série de pinceaux, l'aquarelle... Ca fait très professionnel..."
J'entends un soupir amusé et je suis sûr qu'il sourit. Même lui s'est rendu compte que, maladroit, je dis des bêtises.
_"Il suffit d'acheter ses pinceaux chez des professionnels pour avoir l'air sérieux, tu sais. C'est juste ce que tes yeux voient de mes pinceaux qui te font penser cela."
J'avoue ne pas comprendre. Je vois juste ses pinceaux, pas seulement une partie, si ? Perplexe, je reporte mon attention sur la toile peinte. Ce n'est que le début du tableau et là où il n'y a pas encore de peinture, on distingue de très légères marques de crayon. J'avais bien deviné, il peint bien la mer et le ciel, seulement, les couleurs sont différentes de la réalité. Elles sont plus claires, plus lumineuses, et ce n'est pas seulement l'aquarelle qui donne cette impression.
_"Tu es sûr que ce sont les bonnes couleurs...? J'ai l'impression que c'est beaucoup plus clair..."
_"Ce ne sont pas les bonnes couleurs. Ce sont les couleurs justes. "
_"C'est la même chose, non ?"
Nouveau soupir de sa part. Il pose son pinceau sur le rebord du chevalet et se tourne vers moi, patient. Un instant, je crains de l'avoir vexé, mais son visage exprime seulement un calme serein. Je ne peux m'empêcher de perdre mon regard dans le sien.
_"Je vais t'expliquer. Il y a deux sortes de couleurs. Les couleurs que tu vois et celles que tu perçois. Je vois des couleurs, mais ce ne sont pas les couleurs que je ressens. Et je peins les couleurs que je ressens, justement. C'est pour ça que ce ne sont pas les bonnes couleurs, mais elles sont justes par rapport à ce que j'éprouve en regardant mon modèle. Tu comprends ?"
_"Pas vraiment, non..."
_"Disons que là, par exemple, sur toi, je vois que ton manteau est gris clair. Si je regarde techniquement ton manteau, je vois du gris clair. Mais si je regarde sans chercher la couleur, il me paraît plus foncé, plutôt gris souris. En fait, moins on est rationnel, plus on est dans la sensation. Et donc on peint mieux."
Je ne suis pas sûr de bien cerner ce qu'il veut me dire, mais j'asquièce comme si j'avais tout enregistré, me promettant de réfléchir à ses paroles en rentrant chez moi. Je ne sais pas pourquoi, mais comme il ne divague pas et qu'il a l'air le plus sérieux du monde, je me dis que ça vaut le coup. Je n'ai pas le temps d'ajouter un mot que la sonnerie de mon téléphone retentit, brisant quelque peu l'atmosphère éthérée qui nous entoure. Je sors le petit appareil de ma poche et grimace inconsciemment.
_"Je dois rentrer... Tu seras là demain ?"
Il hoche la tête presque imperceptiblement, et je me rends compte un peu tard que je souris. J'ai envie d'éclaircir le mystère... le mystère comment, d'ailleurs ?
_"Une dernière chose... Tu as un nom ?"
_" Min Yoongi."
_"Je suis Park Jimin."
_"A demain, Jimin ? "
_"A demain, Yoongi."
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The Painting
FanfictionIl s'est échappé, enfin. Debout dans le sable il le regarde se délivrer de la réalité. C'est tellement plus simple ainsi, tellement plus naturel de rester là. Le vent est frais, la mer calme. Il fait un temps magnifique, surtout pour ce début de mar...