Chapitre 2

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Wood marchait à présent depuis plus de deux bonnes heures aux cotés de Clark. Tout deux gardaient le silence. Où l'emmenait-il d'ailleurs ? Elle n'en avait aucune idée. Suivre un étranger qui avait tenté de l'agresser et qui, dans le futur, serait certainement partisan de son malheur était une idée des plus farfelue. Elle se doutait qu'elle commentait en suivant Clark, la pire erreur de sa vie et qui la mettrait surement en péril. Elle allait finir six pieds sous terre mais que pouvait-elle faire d'autre hormis rester en sa compagnie? Wood ne lâchait pas l'homme des yeux, au cas où ce dernier avait pour ambition de lui planter un couteau dans le dos. C'est pourquoi elle tenait fermement l'arme qu'elle lui avait dérobée quelques heures plus tôt.

Au lieu de regarder constamment ses mains, Wood s'autorisait quelques fois à épier discrètement son visage. Il paraissait préoccupé et, des fois, il souriait, amusé par ses propres pensées. Quand la jeune fille se surprenait, elle-même, à le toiser trop longtemps, elle détournait rapidement le regard, honteuse.

Un frisson la parcourut alors, lorsqu'un vent glacial s'immisça par les manches de son sweat. Elle mit instinctivement ses mains dans ses poches pour se réchauffer et sentit des boulettes de papiers se froisser entre ses doigts. Elle les sortit machinalement et les déplia. C'est alors que Clark lui adressa un regard, le premier depuis qu'ils étaient partis. Les premiers rayons du soleil gagnaient le ciel, Wood sut alors discerner deux morceaux déchiquetés d'un même ticket de caisse. Elle allait peut-être pouvoir en apprendre un peu plus à propos de son ancienne vie. Elle sourit à cette idée.

-Qu'est-ce que c'est ? l'interrogea Clark.

-Un simple ticket de caisse, répondit-elle en remettant les deux bouts de papier dans sa poche.

Sans savoir pourquoi, Wood avait préféré ne rien dévoiler à propos de son intention d'étudier son ticket de caisse et de retrouver l'adresse d'où il provenait. Peut-être, n'avait-elle tout simplement pas confiance en Clark. Discrètement, elle fouilla le reste de ses poches.

Au touché, il lui sembla avoir un second ticket de caisse, quelques pièces de monnaie, un petit sachet renfermant... aller savoir. Tout d'un coup, elle sentit son ventre grogner.

-On devrait peut-être s'arrêter manger quelque part, envisagea Clark.

-Je n'ai pas d'argent.

-Je t'invite.

-Non merci, je ne veux pas te devoir quoi que ce soit, lui précisa-t-elle.

-Et bien, tu as le droit de ne pas me suivre mais, moi, je vais déjeuner.

Clark disait vrai. Une fois qu'ils eurent fini de longer la lisière de la forêt, ils tombèrent face à une station service et s'y arrêtèrent pour manger un morceau. Ils franchirent la porte d'un café sans doute assez vieux puisqu'une sonnette retentit pour signaler leur présence. Il ne semblait accueillir que peu de monde puisque seulement deux ivrognes était accoudés à un bar récupérant certainement de leur cuite de la veille. Ces derniers lancèrent un regard noir à Clark et Wood qui allèrent s'installer à une table.

Une femme à la forte poitrine portant un haut qui fut jadis blanc, si il n'avait pas été ensevelit sous toutes ces taches de graisse, vînt prendre leur commande. Clark, qui comme la plupart des hommes ne lâchait pas les seins de la serveuse des yeux – ce qui n'échappa pas à Wood – demanda une assiette d'œufs et de bacon. Il lança un regard à Wood qui salivait déjà à l'énumération de ce plat, pour savoir si elle comptait toujours en faire à sa tête et ne pas accepter sa proposition de lui payer le déjeuner. Et évidemment, l'odeur de muffin qui provenait des cuisines la fit immédiatement changer d'avis.

-Des pancakes avec du sirop d'érable, ça serait possible ? demanda Wood.

La femme hocha la tête et la regarda étrangement sans que Wood ne sache pourquoi. Elle s'apprêtait à partir quand Wood rajouta à la liste deux muffins, plus un café bien qu'elle ne savait plus si, un jour,  elle avait aimé cela mais n'ayant pas dormi de la nuit, elle comptait sur ça pour la réveiller.

Clark la regarda alors les yeux ronds.

-Quoi ? demanda-t-elle d'une manière quelque peu agressive.

-Tu manges comme deux.

-L'expression, c'est comme quatre, rectifia-t-elle.

-Dommage que tu n'ais pas oublié ça aussi, répondu Clark en levant les yeux au ciel.

-Je reviens, dit-elle en s'éclipsant aux toilettes repensant, grâce à Clark, au ticket de caisse dans sa poche.

Elle poussa la porte et une fois à l'intérieur, sortit de ses poches tout ce qui les encombraient. C'est-à-dire, deux tickets de caisse dont un déchiré en deux, ses quelques pièces de monnaie et le petit sachet qu'elle avait sentit, plus tôt, entre ses mains. Le fameux sachet en question renfermait une poudre blanche. Wood n'en croyait pas ses yeux. Qu'avait-elle bien pu faire dans son ancienne vie pour en arriver là ? De la cocaïne, Wood détenait de la drogue. Sa vie devait être bien triste, soit elle en consommait pour satisfaire son besoin personnel, soit elle manquait d'argent si bien que cela l'avait obligé à rentrer dans un trafic de drogue, ce qui n'était guère mieux. Que devait-elle faire de cela maintenant ? Elle envisagea de se débarrasser de la poudre dans le lavabo en face d'elle mais la garda tout de même sur elle, au cas où l'un de ses anciens clients – supposant qu'elle en ait – mécontent et surtout violent vienne exercer des représailles. Wood souffla d'exaspération. Dans quelle galère c'était-elle fourrée ?

Elle jeta alors un coup d'œil devant elle. Elle n'avait pas remarqué, mais un miroir se présentait à elle, elle qui ne connaissait pas son propre visage, du moins, elle l'avait oublié comme tout le reste.

Elle fixait son reflet qui lui renvoyait l'image d'une jeune fille en pleine adolescence, fatiguée, les traits tirés. Ses yeux noisette était cernés et l'un était bien amoché par un œil au beurre-noir fait dieu sait comment. Elle ressemblait à une toxicomane, ce qui était sans doute le cas d'ailleurs. Wood comprit soudain beaucoup mieux le regard déconcertée de la serveuse tout à l'heure. En parlant de la serveuse, Wood se rendit compte qu'elle s'était absentée depuis bien trop longtemps. Elle jeta un rapide coup d'œil aux deux tickets de caisse et traita les informations inscrites dessus pour y réfléchir plus tard, avant de remettre le tout dans sa poche et d'aller rejoindre le jeune homme.
Quand elle revint à la table, elle découvrit ses pancakes en train de refroidir et l'assiette de Clark déjà vide, tout comme le fauteuil qu'il occupait plus tôt. Il était parti.

Souvenirs fugitifsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant