Chapitre 5

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— Mais où va-t-on ? Et pourquoi ces escaliers-là ne sont-ils pas éclairés comme les autres ?

— L'éclairage demandait de me procurer beaucoup trop d'orichalque pour rester discret, expliqua Damoclès dans sa langue maternelle.

Io ne tarissait pas de questions quant à ce qui se trouvait au bout de ce troisième et dernier escalier secret de l'atelier de Damoclès. Ici, les marches taillées directement dans la pierre se révélaient mal égalisées et, en guise d'éclairage, il fallait se contenter d'une torche enflammée.

— Aïe !

— Désolé.

Léandre se détourna de la silhouette et jeta un coup d'œil soupçonneux sur Evander, qui venait d'écraser le pied d'Io par mégarde. L'Extérieur parlait peu, observait beaucoup et, la plupart du temps, son regard brillait de méfiance et de condescendance. Léandre ne l'aimait pas beaucoup, aussi tâchait-il de l'ignorer. Heureusement pour lui, Rose semblait ne pas faire grand cas du second capitaine, même si celle-ci tenait fermement sa main tandis qu'ils descendaient à la queue-leu-leu l'étroit boyau de pierre.

Les ombres dansaient autour d'eux, gardiennes des secrets de l'ingénieur-alchimiste. Au bout d'une centaine de marches, Damoclès les guida dans un dédale de couloirs sinueux : qu'il emprunte ou non un parcours chaotique pour préserver le secret de l'emplacement exact de son laboratoire, tous étaient perdus. Léandre ne dévissait pas son regard du cou de Damoclès, Io ne lâchait pas la main de Léandre et, derrière eux, Evander, Rose, Auguste et le Capitaine Emmeric en faisaient autant.

— Et voilà ! reprit Damoclès en Anglais tandis que l'air se rafraîchissait soudain. Ma caverne secrète à moi.

Il trempa la torche dans une vasque d'eau apparemment prévue à cet effet. Les flammes grésillèrent leur colère d'être ainsi mouchées. Durant quelques secondes angoissantes, ils se retrouvèrent à la merci de complètes ténèbres, avant que Damoclès n'aille trouver l'interrupteur d'un générateur d'énergie autonome. D'innombrables douches de lumières jaillirent du plafond, rebondissant sur les éclats de quartz qui piquetaient les parois de la caverne. Au centre de cette mise en scène trônait un lac, traversé par deux pontons perpendiculaires qui menaient approximativement au centre de l'étendue d'eau.

— Qu'est-ce que c'est qui brille, là-bas ? s'étonna Io, qui détestait vraiment qu'un mystère lui résiste.

— Une espèce de submersible ? proposa Rose.

Damoclès trotta joyeusement jusqu'à sa prodigieuse invention, un secret qu'il avait partagé avec Léandre la veille au soir à peine, lorsque ce dernier avait prévenu par poisson-bulle de sa visite matinale. Il s'agissait d'un submersible capable de rejoindre le Jardin des Vestiges et de l'explorer, au sein duquel trois personnes pouvaient embarquer pour quatre à six jours d'autonomie selon les dépenses d'énergies réalisées au cours de la plongée. Rien que ça !

Parvenu au bout du ponton qui s'arrêtait au centre des eaux noires du lac, le groupe put toucher du doigt le dispositif en forme de pieuvre, dont ils ne pouvaient pas clairement discerner les huit tentacules préhensibles sous la surface. Deux hublots bombés renforcés d'orichalque permettaient aux passagers d'observer les fonds marins de visu.

— C'est un bathyscaphe, définit Damoclès, prévu pour l'exploration des grosses profondeurs.

Grandes profondeurs, corrigea Léandre avec amabilité. Des abysses.

— Des abysses, donc. Il faut plonger profond pour atteindre les Sabliers.

— Ils sont submergés ? s'étonna Rose dont la main ne quittait plus l'un des deux yeux de verre de la pieuvre. Le regard qu'elle portait sur la machine brillait de curiosité et d'admiration.

Via Atlantis - Les Sabliers d'Orichalque IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant