Il avait l'air sympa, le voisin d'en face. Chaque soir je le voyais allumer sa lampe et remettre ses rideaux en place.
De sa fenêtre opaque n'émanait qu'une pâle lueur. Mais chaque soir à la même heure, je l'entendais jouer un morceau qui me fendait le cœur.
Oui, il avait parfois l'air triste le voisin d'en face. Mais sûrement pas autant que beaucoup de gens qui haïssent leur vie et soupirent en se voyant le matin dans la glace. Il semblait plus confiant, plus assuré, comme un enfant émergeant d'un rêve éveillé.
Il a toujours eu le même abat-jour, le voisin d'en face. Il était fade, avec de légères salissures à sa surface. Mais pourtant il est toujours resté le même, résistant, comme un emblème. Comme son propriétaire, il semblait résister au temps et aux problèmes.
Elle avait l'air trépidante, la vie du voisin d'en face. Elle semblait déjà bien entamée alors que de la mienne je n'écrivais encore que la préface.
Puis un jour le voisin d'en face a disparu. Son abat-jour aussi, bien entendu. Des gens que je ne connaissais pas sont venus tout vider. Les rideaux ont été refermés. La triste mélodie a cessé d'être jouée. Et moi je me suis retrouvée sans trop comprendre à la cérémonie où on l'enterrait.
Finalement, peut-être qu'il n'allait pas si bien le voisin d'en face. Peut-être qu'il était brisé et que ça ne se voyait pas à sa surface.