Le garçon de mon rêve. En chair et en os. A quelques mètres à peine de moi.
Je crus perdre connaissance. Le monde tournoya autour de moi, je sentis une bouffée de chaleur m'avaler entièrement alors que mon cœur tambourinait dans ma poitrine. Si je m'étais tenue debout, j'aurais probablement chuté lamentablement. Mes jambes tremblaient, incertaines. "Reprends-toi" pensai-je en prenant une grande inspiration. Je me forçai à fermer les yeux et à faire le vide dans ma tête. Puis je reposai mon regard sur le fameux Grégor...
Ce n'est pas tant le choc de le voir hors de mon rêve qui m'avait mise dans cet état. Ni même de l'avoir immédiatement reconnu, sans l'ombre d'un doute, malgré le fait qu'il ne portait pas son costume blanc et sa chemise rouge. Non, rien de tout ça... Ce qui m'avait désarçonnée, c'était sa fantastique aura qui m'écrasait dans mes rêves et qui semblait intacte dans la réalité. Une force mystique qui m'empêchait de détourner mes yeux de lui et qui dans le même temps semblait écraser ma poitrine et emballer mon cœur. Comment les autres passagers pouvaient l'ignorer ? Ils semblaient complètement désintéressés du jeune homme qui me captivait, et ça me paraissait impossible.
"Tu es folle, il n'est pas réel" pensai-je immédiatement.Et si c'était vrai ? S'il n'était pas vraiment debout dans le tram, un livre à la main ? Cette pensée fut immédiatement chassée de mon esprit lorsqu'un voyageur qui descendait le bouscula malencontreusement avant de s'excuser poliment. Grégor (et j'étais convaincue que c'était bien son nom, même dans la vie réelle) leva les yeux de son ouvrage pour adresser un sourire à son interlocuteur, signe qu'il acceptait naturellement ses excuses. J'étais dans tous mes états. Les bras croisés, mes mains griffaient mes poignées, et j'essayais de détourner le regard, de ne pas le reluquer trop ouvertement. Mais c'était vain. Comme mue par une volonté supérieure, je ne pouvais m'empêcher de tourner la tête vers lui. Comment résister ?
Contrairement à mon rêve, il était donc vêtu bien plus modestement. Jean sombre, baskets, T-shirt gris sous un sweat à capuche caramel. Un sac à dos pendait sur une de ses épaules et il portait un livre épais qui avait toute son attention. Et c'était tant mieux. Je pense que s'il avait remarqué mon état d'agitation et m'avait regardée, j'aurais pris mes jambes à mon coup en hurlant.
En plus de son aura mystérieuse, j'avais immédiatement reconnu son visage parfait. Ses cheveux noirs en bataille, sa peau crème sans défaut, ses sourcils finement dessinés, sa mâchoire pointue, et son regard... Je savais que je pouvais me noyer dans son regard. D'un noir absolu sans être froid, il parcourait calmement les lignes de son roman. Il tourna une page, et je reconnus ses mains gracieuses mais puissantes. En fait, tout chez lui inspirait la puissance. Je devinais son corps musclé à la largeur de ses épaules et de ses cuisses sous ses vêtements.Je frissonnais à présent, bien que la température soit largement au-dessus des moyennes de saison. Je me rendis compte que j'étais en apnée depuis de longues secondes et tentai de reprendre mon souffle. J'avais du mal à réaliser ce que je voyais. Comment cela pouvait être réel ? Comment avais-je pu rêver de lui à tant de reprises, avant même de le rencontrer en vrai ?
"J'ai déjà dû le croiser sans y prêter attention", pensai-je. "Il porte un sac, il a pas loin de mon âge. Il est certainement étudiant et doit prendre régulièrement ce tram".Mais je n'arrivais pas à me convaincre. Je n'aurais jamais pu passer à côté de ce gars sans le remarquer... Je sentis mes yeux s'embuer malgré moi. Sa présence seule suffisait à me mettre dans un état incroyable. C'était sûr : je ne l'avais jamais vu. Et quand bien même, il me paraissait fou de le rencontrer dans le même rêve chaque nuit depuis le début de la semaine.
Le tram effectua un arrêt à l'hôpital Edouard Herriot et Grégor emboîta le pas des voyageurs qui descendaient, toujours sans quitter son ouvrage des yeux. Il se déplaçait avec une grâce extraordinaire, et il me sembla percevoir le bruit des chaussures en feutres qu'il portait dans mes rêves. Béate, je le suivis un instant du regard, et le tram redémarra. La pression physique que j'avais ressentie se dissipa peu à peu, mais mon esprit et mon cœur tournaient encore à plein régime."Je dois vraiment devenir folle" songeai-je en touchant mon front.
Une fois chez moi, je fut assaillie d'une idée déplaisante. Pourquoi ne l'avais-je pas suivi ? Pourquoi ne pas lui avoir parlé ? Pourquoi l'avais-je simplement laissé quitter le tram sans rien dire ? "Facile à dire", pensai-je comme pour me justifier. "Tu n'arrivais même pas à respirer pauvre cruche. Essayer de le suivre ? Tu te serais juste affalée pitoyablement après avoir fait deux pas". C'était probablement vrai. Mais après coup, je m'en voulais de n'avoir rien tenté.
Je mangeai distraitement en regardant les informations à la télé, sans même y prêter attention. Qui était-il ? Pourquoi me faisait-il autant d'effet ? Je ne savais pas comment qualifier mes sentiments pour lui. Était-ce de l'amour ? Étrange, étant donné que je ne lui avais jamais adressé la parole. Était-ce un désir sexuel ? "Peut-être en partie", avouai-je à voix haute. Si aucun de mes rêves n'avait dépassé le stade de ses mains caressant mon visage, mon esprit avait eu loisir d'imaginer le reste. Et objectivement, même sans ces rêves et cette aura mystérieuse, il fallait avouer qu'il était très attirant. C'est sur ces pensées émoustillées que je me glissai sous mes couvertures, prête à rêver de nouveau...
Je commençais à être habituée. Réveil en sursaut, quatre heures trente. Mis à part le premier rêve, tous les autres étaient identiques. Il s'approchait, et déclarait de la même voix : "Bonjour Alyssa. Je m'appelle Grégor." Et je me réveillais en pleurant. Je parvenais à me calmer de plus en plus rapidement, presque rodée à ces réveils brutaux. Je séchai mes larmes rapidement, et lâchai un profond soupir, fixant le plafond dans l'obscurité. "Je sais que tu t'appelles Grégor. chuchotai-je. Mais dis-moi quelque chose, touche-moi..."
Je voulais plus. Je voulais que ce rêve ne s'arrête jamais, que le timbre de sa voix cesse de déclencher des torrents de larmes sur mes joues jusqu'à me tirer violemment du sommeil. Je voulais qu'il me parle, qu'il me raconte qui il était. Qu'il me touche. Qu'il m'embrasse. Et plus...Une pensée d'horreur me traversa l'esprit. Et s'il savait ? Et si le Grégor que j'avais croisé dans le tram savait exactement qui j'étais ? Si j'avais attiré son attention, m'aurait-il reconnue ? Était-il volontairement monté dans ce tram en sachant que j'y étais moi-même ? Rêvait-il de moi de la même manière que je rêvais de lui ?
Tremblante, j'attrapai machinalement mon téléphone. Il était temps d'avoir une discussion sérieuse avec Caroline. Je ne pouvais pas continuer cette histoire de fou toute seule. Je tapotai rapidement un message sur l'appareil : "Demain 11h30 à Joyce. J'ai besoin de te parler." J'appuyai sur "Envoyer" avant de me rappeler de l'heure. Tant pis, j'espérais ne pas la réveiller et l'inquiéter en pleine nuit. Je me levai pour prendre ma douche nocturne désormais habituelle et repenser à l'invité délicieux de mes rêves.
VOUS LISEZ
Le vampire de mon rêve
VampireAlyssa est une adolescente de dix-neuf ans qui se remet d'une rupture douloureuse. Une nuit, elle fait un rêve saisissant de réalité. Elle y rencontre un mystérieux garçon au charme fou. Sa curiosité tourne à l'obsession et l'inconnu occupe très vit...