J'étais la lune,

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J'étais la lune. Je vivais la nuit. Et j'aimais ça. La nuit, tout était différent. Les oiseaux ne chantaient plus, les voitures paraissaient plus calmes, presque apaisées ; et les rues étaient désertes. C'est sans doute ce que je préférais. Le silence presque effrayant des rues désertes. Il était le soleil. Non sans parler de ses magnifiques cheveux blonds qui faisaient de lui la personne la plus belle que je n'avais jamais rencontrée. Il était le soleil parce que lui, il aimait la vie. Il aimait la beauté des rues bondées, les commerces en pleine activité et la chaleur des rayons ultraviolet contre sa peau pâle. Moi, j'étais la guerre. Bien que je détestais la violence — qu'elle soit physique ou verbale, j'étais la guerre parce que je subissais une bataille permanente contre moi-même. Lui, il était la paix. Il était heureux, tout le temps. Tous les jours. Et ça me faisait sourire, parfois. Puis, j'étais le désastre. Rongé par la dépression et les souvenirs d'une enfance peu laborieuse. J'avais l'habitude de me rendre sur ce pont, en face de chez moi, et de rester perché sur la barrière pendant des heures. Je me demandais souvent quand bien même j'aurais le courage de sauter et de tout laisser derrière moi. D'abandonner cette vie misérable pour un monde que j'estimais meilleur. Tout monde autre que celui-ci me paraissait meilleur, de toute façon. Il était la beauté. D'une beauté fascinante, bien au delà de la beauté physique. Il était beau d'une façon inespérée. Tout semblait avoir plus de valeur quand tout était entre ses mains. Tout était plus beau quand il était là. J'étais la peine, la douleur, le désespoir. Il était le bonheur, la joie, l'exaltation. Puis un jour, on s'était rencontré. On avait discuté des heures durant jusqu'à ce que l'un de nous s'endorme épuisé dans les bras de l'autre — lui, la plupart du temps. Je crois qu'il aimait caresser mes cheveux bruns et me regarder dans la prunelle de mes yeux, parce que c'est ce qu'il faisait à chaque fois qu'il trouvait que nos conversations s'éternisaient. Je ne peux même pas affirmer avec certitude qu'il m'ait déjà écouté jusqu'au bout. Puis, il m'avait embrassé. Au beau milieu d'un parc pour enfant dans lequel on aimait se rendre à mi-chemin entre le jour et la nuit. Je lui avais rendu son baiser sans même réfléchir aux conséquences de nos actes. Et d'un seul coup, tout avait changé. On était devenu plus proche que n'importe qui avait été proche de qui que ce soit auparavant. Il avait découvert les aspects cachés de ma misérable vie et j'avais découvert les magnifiques côtés de la sienne. Et plus il me découvrait, plus son visage s'éteignait. Plus il semblait triste en ma présence, comme si mon malheur l'affectait plus qu'il ne m'affectait moi-même. Comme si tout ce que je faisais l'atteignait également. Les rôles s'étaient inversés. Je m'appelle Thomas et il s'appelait Newt. Il était mon sauveur, j'étais sa destruction.


...


Newt s'était suicidé le vingt-trois novembre qui avait suivi. J'aurais pu l'en empêcher. Je crois que j'avais compris depuis bien longtemps qu'il n'était plus le petit garçon heureux qu'il avait été autrefois. Peut-être avait-il eu si peur de me perdre qu'il avait préféré mourir avant que cela n'arrive. Il ne s'était pas douté une seule seconde que grâce à lui, je voulais vivre. Le jour d'après sa mort, sa mère était venu me trouver. Elle s'était effondrée dans mes bras et je n'avais pas osé lui dire que c'était de ma faute. Elle avait hurlé qu'elle ne comprenait pas pourquoi son fils, son rayon de soleil, sa raison de vivre en était venu à se donner la mort. Elle m'avait également dit qu'il ne cessait de parler de moi et que ses yeux brillaient à chaque fois qu'il prononçait mon nom. Elle avait vite compris qu'il était amoureux, et son amour pour lui s'était renforcé à cette idée. Puis elle était partie, et je m'étais dirigé vers la cuisine d'un pas tremblant. J'y avais dégoté un couteau assez aiguisé pour me faire souffrir autant que lui avait souffert. Et j'avais coupé. J'avais mutilé chaque parcelle de ma peau brulante, chaque morceau de chair qu'il avait touché, chaque partie de mon visage qu'il avait embrassé. Je n'étais plus qu'une flaque de sang détruite par l'amour qui s'était une fois offert à moi. Ma mère était rentrée plus tôt ce jour-là, comme si elle se doutait que quelque chose n'allait pas — et je suis mort dans ses bras. Je peux encore entendre sa voix se briser et son corps s'affaler de tout son long sur le parquet stratifié de la salle à manger. Je suis mort avant même que les secours ne puissent intervenir. Et je suis mort aussi détruit que je ne l'étais avant de le rencontrer.

J'étais la lune, (Newtmas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant