Marcel

1- Briquet

Encore ensommeillé de la courte nuit que j'ai passé à jouer aux jeux vidéo avec Sean, je déambulai en baillant dans les couloirs du lycée. Mon sac à dos négligemment arrangé sur mon épaule, je cherchais des yeux mon meilleur ami.

Je passai devant un groupe de garçons accoudés contre des casiers qui bavardaient énergiquement entre eux. Ils portaient tous le même blouson épais aux couleurs de l'établissement, bleu et blanc. Lorsqu'ils me virent, les sourcils se froncèrent. Je me dépêchais de les dépasser rapidement, pour ne pas m'attirer d'ennuis.

Je ne traine pas avec eux. Il est même quasiment impossible qu'un gars comme moi puisse serrer la main d'un de la bande. Ces garçons font partis de l'équipe de hockey sur gazon de mon bahut ; ce sont les populaires, ceux qui font vibrer cet établissement et qui seraient capables de vous faire plier le genou en une seconde, et ils n'hésiteront pas à utiliser la force pour.

Si le hockey sur glace m'intéresse, celui sur gazon me fait plus rire qu'autre chose. Voir Georges et sa clique pliés en deux avec leurs crosses à courir comme des dératés est un spectacle que je trouve ma foi... Plutôt hilarant. Et malgré leur ridicule, ils arrivent à se faire respecter.

Ce sont les rois, et ils le savent. Ils profitent de leurs royaux avantages et ce, n'importe où, n'importe quand envers n'importe qui.

Alors que moi... Je suis invisible. Si tout le monde connait mon nom, Marcel, c'est à cause d'une histoire que je vous raconterai peut être un peu plus tard.
Et cet évènement me donne aujourd'hui droit à quelques avantages. Mais en soit, je ne suis classé nulle part. Je suis un loser, un geek. Je suis un fantôme. Je n'ai pas vraiment d'amis mis à part Sean. Je ne suis pas beau, encore moins musclé, j'ai un prénom de merde, et s'ils arrivent aux gens de poser les yeux sur moi, c'est seulement à cause de ma grande taille et de ma tête qui dépasse souvent celles des autres dans les queues à la cantine. Autrement dit, on me voit de loin.

Le king des kings ? Georges O'Ackley. Ce type est le mec le plus balèze d'entre eux, et est par-dessus le marché le capitaine de l'équipe. Le bémol ? C'est le plus mauvais de tous les joueurs. Il n'a jamais marqué en un match depuis deux ans. S'il met des buts, c'est seulement durant les entraînements. Le buteur, étant son ami, laisse parfois discrètement passer la balle et laisse retentir un « ouuuups » faussement désolé. L'entraineur a rapidement découvert leur petit manège et a convoqué O'Ackley dans son bureau.

Personne ne sut vraiment ce qui s'était passé à l'intérieur, mais nous savons juste qu'une fois sortie, l'entraîneur était aussi blanc qu'un linge et Georges avait la tête haute, le regard victorieux. Il semblait défier quiconque souhaiterait remettre en cause sa place de leader de l'équipe.

On apprit plus tard que l'entraineur avait une relation avec la mère de Georges et que ce-dernier avait menacé son entraîneur de tout faire capoter et de révéler certaines choses sur lui à sa mère... Mais avant tout, de révéler à son père, qui est toujours marié à madame O'Ackley, que sa femme le trompait avec M. l'entraîneur de hockey. Et personne n'avait envie de se mesurer à l'armoire à glace qu'était O'Ackley Père.

Cela lui valut de rester dans l'équipe et de garder sa place de capitaine.

Et si quelqu'un était assez inconscient pour faire allusion à cet échange, il se prenait un coup de poing qui ferait faire un 360° à votre tête. De plus, si vous continuez à le provoquer en parlant de ses cheveux roux qu'il tient de ses origines Irlandaises, c'est que déjà de 1 vous êtes fous, et que deuxio, vous ne tenez pas à vos testicules. Car avant même que vous ne finissiez votre phrase, il vous castre.

Bob Lansley pourra en témoigner car après avoir sorti un joli « Salut poil de carotte, ça va ? », il s'est pris un coup de pied si violent dans les testicules que cela lui valut un long séjour à l'hôpital et, suite à l'aggravation de ses blessures, l'ablation définitive de ses virilités.