Marcel

2- Tampon

Confortablement assis dans le canapé du salon, un bol de céréales posé sur la table basse, je zappai d'une main les chaînes de télévision tandis que de l'autre, je faisais tourner entre mes doigts le fameux briquet acheté la vieille.

Je soupirai avant de laisser retomber mollement mon bras qui tenait la télécommande. Rien ne m'intéressait.

Je m'enfonçais un peu plus profondément dans le fauteuil et entrepris de manger le contenu de mon petit déjeuner qui commençait à dangereusement ramollir.

- Chéri ?

Ma mère apparut dans le salon, ayant comme à son habitude aucun vêtement sur le dos et me fit un baiser sur le front.

- Bonjour, mon loulou.

- Salut, maman.

Elle se releva et se dirigea vers la cuisine. Elle ouvrit la porte du frigo et sortit une brique de lait.

Si la nudité de mes parents ne me dérange pas, c'est que j'y suis habitué depuis mon plus jeune âge. J'ai été élevé dans le principe qu'on pouvait être bien dans sa peau malgré l'absence de vêtements. Mes parents disaient aussi que nos corps étaient beaux et qu'on n'avait pas besoin de les cacher, que c'était contre nature. 

Malgré le fait que je respecte leur mode de vie et leur décision, j'ai instauré une règle à la maison sur laquelle je suis intraitable : être habillé lorsqu'on a du monde chez nous.

Ils avaient accepté et à chaque fois que j'invitais un ami à moi à la maison, ils faisaient l'effort de s'habiller... Enfin, ils revêtaient un peignoir. Mais c'était déjà pas mal.

Ma mère se tourna vers moi alors qu'elle se servait un grand verre de lait.

- Dit, aujourd'hui, je dois m'occuper d'un dossier important que j'ai reçu en urgence. Est-ce que tu veux bien aller faire quelques courses  pour moi, s'il te plaît ? Je ne vais pas avoir le temps de les faire.

Je hochai distraitement de la tête en continuant de manger mes céréales.

- Tu peux y aller, maintenant ?

Je soupirai tout en me redressant et posai mon bol dans l'évier de la cuisine.

- Tiens, dit-elle en me tendant des billets. Ah et...

Elle se tourna vers un amas de feuilles qui trainaient par-là et les souleva afin d'en sortir une plus petite que les autres.

- La liste de course !

Je pris l'argent ainsi que la liste et montai dans ma chambre pour m'habiller. Je me voyais mal sortir en caleçon tee-shirt, malgré que nous soyons un samedi.

Je me rendis dans ma salle de bain et me postai devant le miroir.

Je le savais, ça n'a jamais été un secret. J'étais laid.

Mes sourcils avaient trouvé ça drôle de se rejoindre sur mon front, des boutons disgracieux ont poussé sur mon front ainsi que sur mes joues, et des points noirs ont trouvé refuge dans les arrêtes de mon nez. De plus, ma peau de couleur mate (dû à mes origines mexicaines) n'a pas un centimètre carré sans poils.

Je tentais un sourire timide à mon reflet mais rien n'y faisait. Je restais indéniablement moche.

J'enfilais un tee-shirt simple avec un pantalon couleur moutarde (mon préféré), et me brossai rapidement les dents.

Ah, mes dents. C'étaient peut-être la seule chose de bien que j'avais. Le dentiste disait que j'avais une dentition parfaite, et c'est toujours avec fierté que je sortais du cabinet. De plus, je ne me gênais pas pour les montrer en souriant le plus souvent possible.