01.

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Le ciel est obscur et dépourvu d’étoiles, la pluie tombe, les gouttes s’écrasant sur le sol. Un temps typique d’un mois de novembre. Et pour couronner le tout, je suis de fermeture pour le restaurant. Ce n’est pas que cela me dérange tant que cela, mais je déteste lorsque le temps traverse sa période de mélancolie. Cela me rend mélancolique à mon tour. Oui, pour moi, le temps est triste en cet instant précis. Il l’est chaque fois que le soleil ou les étoiles disparaissent derrière des nuages trop envahissants. Je préfère le soleil qui apporte la plupart du temps avec lui son ciel bleu, la bonne humeur, et qui cède la place à une nuit sombre mais étoilée. J’aime le bleu. Celui du ciel ainsi que celui de l’océan et des vagues qui produisent un fracas énorme lorsque je m’y rends tard le soir. J’adore cela. C’est différent des bruits que je peux entendre en ville. Les voitures qui klaxonnent parce que le véhicule de devant ne démarre pas immédiatement au feu vert ou encore le bruit des chaises qui grincent, des couteaux et des fourchettes percutant les assiettes. J’entends cela toute la journée alors, parfois, je vais sur la plage quand il fait nuit, avec personne aux alentours pour que je puisse être tranquille, et contempler la mer et les étoiles. Surtout la mer. Le bruit des vagues est si différent de tous les autres. C’est la mer qui s’exprime à sa manière. C’est sa façon de communiquer, et elle ne cesse de hurler, même en hiver quand personne n’est là pour l’écouter, à part moi. Chaque fois que je ferme les yeux, je prends une grande inspiration et je l’écoute. Je ne comprends pas ce qu’elle dit mais j’essaie de deviner. Je me dis qu’elle doit se plaindre de voir tous ces gens en été puis se plaindre encore plus en hiver car personne n’est là. Pourtant je suis là, moi, cela devrait lui suffire. Mais non, elle continue de crier et pour être honnête, je ne veux pas qu’elle s’arrête. Elle ne le fera pas, je le sais trop bien. Ses cris ne cesseront jamais, même après ma mort. Elle est éternelle - ou presque. Je reviens doucement à moi, quittant des yeux le ciel sombre - pour ne pas dire noir et vide, et me concentre sur la caisse. Il est tard, vingt-trois heures passées et la pluie ne cesse pas. Le temps est vraiment morose aujourd’hui. Je m’assure que l’argent est en sécurité, enfermé dans un coffre, et attrape les clés du restaurant ainsi que les miennes avant de sortir.La grille de sécurité qui protège la vitrine du restaurant fait un énorme vacarme lorsque je l'abaisse, ce qui me fait grimacer. C'est ce genre de bruits que je déteste. Ce n'est pas du tout agréable pour mes tympans mais aussi pour les voisins. Je me relève après avoir bien fermé le cadenas, mets ma capuche et glisse mes mains dans les poches de mon sweat-shirt pour me protéger du froid.
Comme chaque soir de semaine, je rentre chez moi à pied pour la simple et bonne raison que je réside à proximité. Même si l’envie de venir en voiture me prenait, je ne le pourrais pas, n’ayant ni voiture ni permis de conduire. Du moins, pas encore. Je finis par me mettre à courir car il pleut à verse et je n’ai pas envie de tomber malade vu le froid qu’il fait ce soir.

J’ouvre rapidement la porte du hall, me faufilant à toute vitesse à l’intérieur avant de la refermer derrière moi. J’adresse un sourire rapide à la dame de l’accueil, puis je monte les escaliers encore plus rapidement afin de rentrer au chaud et de pouvoir prendre une bonne douche. Je prends toujours les escaliers, étant donné que j’habite au premier étage.
La porte claque et je la referme avant de soupirer de bien-être. La chaleur de la pièce m’enveloppe, créant ce sentiment de sécurité auquel je tiens tant. Je me débarrasse de mes chaussures trempées et les dépose négligemment dans un coin du salon, sans me soucier de leur sort. Mon appartement, bien que modeste, est parfait pour dormir, manger ou regarder mes séries préférées sur mon écran de télévision ou d’ordinateur. L’intérieur a été entièrement rénové, et pour les meubles, je dois remercier mes parents qui m’ont été d’une aide précieuse. Ils m’ont même offert un immense écran plat, alors qu’une télévision basique aurait suffi, mais je ne vais pas m’en plaindre. Regarder ma série préférée sur grand écran est un véritable plaisir. De plus, mes parents sont à l’aise financièrement. Ils possèdent plusieurs villas qu’ils louent à des hommes d’affaires fortunés tout au long de l’année. Quant à moi, je travaille dans le restaurant de mon oncle, qui me sera légué dans quelques années. On pourrait presque dire que je suis né avec une cuillère en argent dans la bouche
Je retire mon sweat-shirt et le dépose soigneusement sur le canapé, avant de me diriger d’un pas décidé vers ma cuisine ouverte sur le salon. J’attrape ma tasse à l’effigie de Bob l’éponge et la place près du micro-ondes. J’y verse du chocolat en poudre, puis j’ajoute du lait que je prends soin de remettre immédiatement au réfrigérateur. Étant souvent distrait, il m’arrive fréquemment d’oublier de ranger le lait ou d’éteindre l’eau chaude, par exemple. Je mets la tasse dans le micro-ondes, m’assurant de le mettre en marche, puis je pars préparer mes affaires pour aller me laver en attendant.

Alors que je saisis mon pantalon de jogging, j’entends le micro-ondes sonner, m’informant que mon chocolat est prêt. Je décide de l’ignorer et de laisser la tasse à l’intérieur, préférant savourer ma boisson après ma douche. Je me déshabille rapidement avant d’allumer l’eau, qui devient chaude en quelques secondes. Je soupire de contentement en me glissant sous le jet, oubliant instantanément la pluie et le froid extérieurs, ainsi que la tristesse du monde. Néanmoins, je ne m’attarde pas trop, impatient de me détendre devant la télévision. J’attrape une serviette et sèche mon corps, puis mes cheveux. Je m’habille de mon jogging habituel et de mon haut préféré à l’effigie de Bob l’éponge avant de sortir pour enfin déguster mon chocolat, qui m’attend depuis un moment. Je le fais réchauffer une minute supplémentaire pour qu’il soit bien chaud, et une fois prêt, je m’en empare, ignorant la chaleur de la tasse qui brûle légèrement mes paumes.
Comme à mon habitude, je me place face à la fenêtre donnant sur la rue pour contempler le ciel. Ce soir, bien que la pluie remplace les étoiles, je m’en contenterai. Le ciel sombre est morne sans elles, et même la lune semble triste, j’en suis convaincu.
Je prends quelques gorgées de ma boisson chaude et finis par appuyer ma tête contre la vitre, fermant les yeux quelques instants avant de les rouvrir brusquement. Quelque chose a bougé juste devant moi, de l’autre côté de la vitre. Je plisse les yeux pour mieux discerner dans l’obscurité et remarque une petite boule de poils recroquevillée sur le rebord de ma fenêtre. Doucement, je me redresse pour mieux l’observer. C’est un chaton. Mon regard s’adoucit face à cet être innocent et un sourire se dessine sur mes lèvres.
— Bonjour, toi.
La petite créature ne réagit pas.
En même temps, une vitre nous sépare, quelle absurdité. Je me lève, pose ma tasse sur la table basse, puis reviens sur mes pas pour me placer face à la fenêtre. Je souris à nouveau avant de l’ouvrir doucement. Le bruit de la pluie devient plus intense et le chaton relève immédiatement la tête, apeuré.
— N’aie pas peur, mon petit, dis-je calmement. Je ne vais pas te faire de mal.
Il me répond par un miaulement, et je fonds sur place. J’adore les chats. Ai-je oublié de le mentionner ? Eh bien, maintenant vous le savez. Je jette un rapide coup d’œil vers le ciel et la pluie qui tombe, créant un fracas assourdissant contre le sol. Je grimace et attrape le chaton, qui ne se débat pas vraiment, se contentant de miauler. Ce qui ne peut que me faire sourire. Je referme la fenêtre, étouffant ainsi le bruit de la pluie, et pose le chaton contre mon torse pendant un court instant. Il tremble de froid. Je décide donc de le déposer délicatement sur le canapé avant de courir chercher une serviette pour l’essuyer. Quand je reviens, la petite boule de poils est à nouveau recroquevillée.
— Viens par ici.
Je l’attrape délicatement et pose le chaton sur mes genoux, le recouvrant de la serviette pour commencer à frotter doucement son petit corps.
— Voilà, petit chat.
Il miaule et lève ses yeux bleus vers moi. Je lui caresse la tête, puis le pose à mes côtés. Son pelage noir, parsemé de reflets bleutés, est magnifique.
— Tu dois avoir faim, dis-je en me levant, ce qui fait miauler à nouveau la petite boule de poils. Ne bouge pas, je reviens.
Je me précipite vers mes placards, cherchant quelque chose que le chaton pourrait manger sans problème. Je finis par trouver une boîte de sardines au fond du placard. Les chats aiment bien ça, non ? J’ouvre la boîte, attrape une petite assiette et y verse le contenu. Avec une fourchette, j’écrase les sardines, puis je rejoins le chaton blotti contre la serviette.
— Regarde ce que j’ai pour toi, dis-je en lui tendant l’assiette.
Le chaton hésite à peine, me lançant un rapide regard avant de se jeter sur l’assiette. Il est véritablement adorable.
Épuisé par ma journée, je laisse le chaton après lui avoir caressé doucement la tête et lui avoir apporté un peu d’eau, puis je me dirige vers mon lit douillet. Je ne peux m’empêcher de pousser un soupir de contentement en me glissant dans des draps propres et je ferme les yeux. De la porte ouverte de ma chambre, j’entends un miaulement, ce qui fait apparaître un sourire sur mes lèvres avant que je ne sombre dans un sommeil profond, mon téléphone reposant sur l’oreiller vide à mes côtés.

Si seulement Romain savait ce qu’il découvrirait le lendemain matin sur son canapé. Certainement pas un chaton, ça c’est sûr.

Comme un chaton. - en cours de correction-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant