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Elle était là, au bord de la route. Elle avançait sans but, juste histoire de rentrer un peu plus tard, histoire d'être seule deux minutes.

Elle était là, écouteurs aux oreilles, cheveux emmêlés, larmes pleins les yeux. Une bouteille dans une main et son sac dans l'autre. Elle traînait des pieds.

Elle voyait les voitures passer et essayait de les compter, mais dans son esprit tout était embrumé. La froideur de l'air ne la touchait pas, son cœur était encore plus gelé.

Elle fut prise d'un rire hystérique. La pression. La pression qui retombait. Celle qu'elle avait accumulée toute la journée, celle qu'elle redoutait. Elle ne pouvait plus s'arrêter, avait mal à la gorge. Elle titubait. S'arrêtait. Des larmes pleins les yeux, elle riait. Elle riait parce qu'elle s'en foutait.

Elle tente de continuer sa route, mais s'effondre. Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Elle avait toute la vie devant elle et elle foutait tout en l'air.

Elle portait la bouteille à ses lèvres, renversait la moitié. Rigolait. Pleurait.

Elle regarda son jeans déchiré, et tout ce qui lui vint à l'esprit c'est que le sang à moitié coagulé avait presque l'air vrai. Il était vrai. Elle se releva, continua sa route.

Petit à petit, des souvenirs lui revenaient, ces souvenirs qu'elle aurait voulu oublier. Ceux qu'elle ne pouvait pas oublier.

Elle monte le son, s'explose les oreilles. Elle s'en fou. Elle veut juste oublier. Mais surtout elle voudrait du silence. Elle voudrait ne plus les entendre. Tous les jours elles sont là, dans sa tête. Elles la jugent et la détruisent.

Elle veut monter encore le son, mais il est déjà à fond. Elles sont encore là. Assourdies par l'alcool, mais bien présentes. Elles murmurent dans son esprit. Elle tombe de nouveau à genoux, se prend la tête entre les mains, pleure. Demande de l'aide, demande Leur pitié. Elle n'en peut plus. Elles sont là, avec leurs voix criardes. Elles lui reprochent ce qu'elle fait. Elle ne devrait pas être là comme ça, au bord de la route, elle ne devrait pas être là, avec cette bouteille. Elle ne devrait pas être là tout court. Qu'est-ce qu'elle faisait ici ? Personne ne voulait d'elle dans ce monde de sauvages. Personne ne s'occupait d'elle. Personne...sauf elles. Elles, ses seules amies, et ses ennemies mortelles.

Elle se recroqueville, pleure. Mais elle les entend toujours. Où qu'elle aille elles sont là. Elle s'étend sur le dos, tente de reprendre sa respiration. Elle sent son cœur s'accélérer, s'emballer. Elle est là, allongée, elle veut abandonner et ne plus bouger.

Mais elles ne l'ont pas quittée. Et ces mêmes voix qui la tourmentaient viennent la voir pour lui dire de ne rien lâcher. Ce sont ces mêmes voix qui lui redonnent espoir, ces mêmes voix qui la font se relever. Qui la font s'asseoir, puis se remettre à marcher. Ces voix, qui dictent ses pas. Ces voix, qui la mènent ici, au beau milieu de la route, les bras levés vers le ciel, attendant la libération.

Et là, sans un bruit. Sans un bruit contrairement aux voix qui hurlent dans sa tête. La voiture avance. Elle avance et avec une lenteur surnaturelle, vient la percuter. Crissement. Glissement. Choc. La bouteille tombe au sol et se fracasse, libérant le fond d'alcool. Un craquement se fait entendre. Les écouteurs sont arrachés des oreilles. Le silence tombe. Loin du bruit. Loin du monde. Elle savoure ce silence. Les voix se sont enfin tues. Elle savoure ce silence. C'était tout ce qu'elle attendait. Ne plus les entendre. Elle ferme les yeux, soulagée. Enfin libérée.

Elle, c'est toi.

ElleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant