0.0 Prologue

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0. Prologue

Je m'essuyai les lèvres.

L'horrible goût de vomi envahissait encore ma bouche. Un fois qu'il s'installait sur votre langue, il ne partait pas de suite. J'avais beau en avoir l'habitude, je ne m'y faisais toujours pas, rendant plus que de raison le contenu de mon estomac.

L'odeur pouvait s'avérer être pire, parfois, si je restais trop longtemps le nez dans la cuve, entre deux régurgitations. Comme ce jour-ci.

Néanmoins, rien ne pouvait surpasser la vue associée à la pensée que ce vous aviez là sous vos yeux, se trouvait dans votre corps quelques secondes auparavant.

Je me redressa, me rinça la bouche avec de l'eau avant de l'essuyer. Je frottai autant que je pouvais pour me débarrasser de ce qui restait à la commissure de mes lèvres.

Comme à son habitude, le miroir au-dessus de la vasque me renvoyait l'image d'une fille trop maigre ou peut-être pas assez. Au visage fin encadré de longs cheveux blonds, au regard vide et au maquillage ruiné par les larmes et la bile.

Je n'y prêtai pas plus d'attention.
Laélis devrait arriver d'une minute à l'autre et loin de moi l'envie d'écouter ses éternelles morales.
Déjà qu'elle s'était permise de m'inscrire à cette réunion stupide regroupant des détraqués émotionnels et psychologiques, je me passerai volontiers de ses sermons.

-" Tu verras, m'avait-elle dit, une psychothérapie ce n'est pas la fin du monde ! Et puis cela te permettra de te comporter normalement, d'éviter de faire ces choses dégoutantes auxquels tu te livres dès que maman a le dos tourné. "

Le regard sceptique que je lui avais accordée, peu convaincu lui avait bien fait comprendre que ma position n'avait pas changé.

-" De toute façon tu iras à cette thérapie Adara ! Je ne pouvais pas me permettre de payer une somme mirobolante à un médecin pour une maladie qui n'en est même pas une. Comme me l'a précisée le docteur Jenkins, le problème est dans ta tête.

J'avais voulu me détourner d'elle, j'en avais plus que marre de l'écouter, marre de percevoir de la pitié dans son regard et d'être perçue comme une moins que rien.

Prenant mon geste pour un énième refus, elle avait assené le coup de grace, l'argument qui me ferait plier de gré ou de force, de force surtout.

- Grandis un peu ! Je fais ça pour toi ! Imagine que maman découvre tes agissements ? Tôt ou tard ce sera le cas, et tu sais très bien quelle sera sa réaction. J'essaie de t'éviter cela, elle s'arrêta, avec ou sans moi, dit-elle en accentuant le "avec", elle découvrira toute la supercherie. Tu es ma petite soeur Ada et je suis là pour te protéger, de toi même s'il le faut. "

Malgré ses paroles enjôleuses, son regard qui se voulait doux, j'avais bien compris que ces phrases étaient des menaces à mon encontre. Le message était on ne peut plus claire : j'avais intérêt à aller à cette foutue thérapie si je voulais qu'elle tienne sa langue devant notre maternelle.

Voilà la raison pour laquelle je m'étais refaite une beauté en quatrième vitesse, que j'avais soigné mon apparence comme à mon habitude et rejoint ma soeur dans sa voiture.

L'explication de ma présence dans cette pièce, assise sur une chaise en bois entourée d'une dizaine d'adolescents tous plus perdus les uns que les autres avec cette soit-disante thérapeute dont l'expression faciale ne trompait personne. Elle était autant perdue que nous tous ici.

Ils étaient tous bizarres, à leur manière. Entre ce jeune homme qui semblait rougir à chaque fois que l'attention se portait sur lui ou bien même que nos yeux se croisaient, Naos, Noa ? Sa diction rendait son prénom inaudible d'où j'étais, en face de lui. Ou encore celui à la peau foncée, il n'avait pas arrêté de jouer avec son briquet, à croire qu'il aurait voulu mettre le feu à la salle entière, nous avec.
Sans parler de cet autre, le genre de garçon qui portait de vêtements troués pour se donner un coté badass, qui traînait avec ses amis devant son lycée jusqu'à pas d'heure, serait partant pour n'importe quelle soirée tant qu'il pourrait se défoncer et qui draguait des filles comme on cueillait des pâquerettes.

La thérapeute Aline Weil, se tourna vers moi.

- Et bien il ne reste plus que toi à présenter ! Son engouement semblait tellement faux et vide de sens.

Cependant je n'avais pas émis de réticence, je n'ai pas rougis, pas pousser de grognement, je n'avais pas non plus fait de blague douteuse. Je m'étais contentée de battre légèrement des cils et de sourire. Je devais agir le plus normalement si je voulais être débarrassée d'eux le plus vite possible.

- " Je m'appelle Adara, j'ai 18 ans, comparé aux autres, je ne peux pas vraiment dire que j'ai un problème, je manque juste d'assurance en moi. "

Et c'était vrai. Ils étaient tous psychologiquement atteints, les uns plus que les autres, alors que mon problème à moi n'en était pas réellement un.

AdaraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant