Library Time

Retour aux sources :

« Où vas-tu ?

- À la bibliothèque.

- Ne rentre pas trop tard ! »

Charline était sortie presque en courant de chez elle. C'était la toute fin des vacances d'été. Pas un jour de répit entre le déménagement et la rentrée. Alors pour oublier ça elle était partie. Partie pour lire. Malgré l'année passée loin de cette ville, elle y retrouvait tout ce qu'elle y avait laissé. Le soleil de plomb du mois d'août, l'air si particulier, mélange d'essence auprès des routes et de fraîcheur  àl'approche des parcs. L'odeur des rues pavées, du sucre devant la porte de la confiserie. Tout... ou presque. Mais elle ne voulait pas y penser. Elle remettait cela au lendemain.

Elle marchait d'un pas vif. Des têtes qu'elle connaissait se retournaient sur elle, les regards, les attitudes qui voulaient l'arrêter pour lui parler de nouveau. Mais elle ne leur prêtait pas d'attention. Les retrouvailles attendraient elles aussi. Elle se sentait comme une étrangère. En un an, elle avait changé. Physiquement, surtout. Ses cheveux étaient plus longs, sa peau plus pâle qu'avant. Une étrangère si connue pourtant. Elle était une des enfants de cette ville, elle y avait connu tout le monde et tout le monde l'y avait connue. Elle retrouvait ces gens dont elle reconnaissait du coin de l'œil la démarche, les vêtements, les compagnons à deux ou quatre pattes.

Les rues de la ville étaient tortueuses, montantes, descendantes. Il ne faisait pas toujours bon de se promener en vélo ici. Sauf si l'on aimait les grandes frayeurs. La bibliothèque se trouvait justement au bout d'une allée étroite en pente et il fallait y réfléchir à deux fois avant d'y courir. Malgré les quelques quatre mètres de plat devant les battants en verre, prendre trop d'élan était dangereux et nombre d'enfants en avaient fait les frais. La brune entra doucement. La bibliothécaire, derrière son bureau sur la droite, leva les yeux et son regard s'illumina.

« Charline ! L'appela-t-elle à voix basse. Ça fait si longtemps, comment vas-tu ?

- Bien, merci. » répondit-elle en inclinant la tête avant d'aller s'installer.

Devant elle, dans l'allée centrale, deux rangées de deux tables chacune se côtoyaient. Deux personnes assez éloignées y étaient assises. Elle n'aimait pas trop s'installer là, c'était trop ouvert aux regards. Elle préférait parcourir les étagères, prendre un livre et s'isoler sur une rangée sur la gauche ou personne ne pouvait la voir car cachée par les étagères remplies de livres. D'ailleurs, elle avait remarqué que celles-ci avaient gagné en hauteur. Tant mieux, elle n'en avait pas fini de lire au moins. Mais pour marquer son retour, elle tenait à lire un de ses livres préférés. Elle le chercha un peu avant de retrouver ses marques et de le trouver.

Elle le prit délicatement et alla s'asseoir. La couverture en carton la faisait doucement rire. Elle avait eu ce livre entre les mains sous une reliure plus ancienne et qui sentait bon l'ancien temps. Mais cette version était chez elle et la bibliothèque avait opté pour une version plus moderne et plus facile à protéger. La lectrice ouvrit son précieux trésors et, dans le silence frais de la bibliothèque, sous une brise qui s'immisçait par les fenêtres ouvertes, elle oublia cette malheureuse année.