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🎶 o n a t o u s q u e l q u e c h o s e
d e
T E N N E S S E E 🎶

Cette fille là-bas adossée au mur blanc du couloir, c'était Tennessee. Elle revenait d'une soirée.

Tennessee n'était pas là parce qu'elle avait trop bu, Tennessee ne buvait pas. Elle restait toujours sobre au cas où. Enfin, toujours était un bien grand mot, Tennessee ne sortait presque jamais. Au cas où. La jeune fille se privait elle même des plaisirs de la vie de lycéen pour lui. Après tout elle l'aimait. Après tout, il était ce qu'elle possédait de plus cher à ses yeux. Tennessee restait chez elle pour ne pas qu'il soit seul. Les rares fois où elle partait, la jeune fille s'assurait d'être joignable et de pouvoir rentrer au plus vite. Même pendant les cours elle était à l'affût d'un appel, du moindre appel.

Cependant lui ne se rendait pas compte de ce dévouement sans limites de la part de la lycéenne. Lui ne comprenait pas vraiment la solitude, et préférait ses vieux disques et ses bouteilles à de réelles personnes.
Beaucoup l'avaient abandonné quand il était devenu malade. Même sa femme, la mère de Tennessee. En réalité, tous l'avaient subitement oublié, collègues, amis, famille, sauf elle. Il était son père. Elle l'aimait son père, elle ne supportait pas de le savoir seul avec cette putain de maladie vicieuse.

Tennessee adorait se souvenir des moment avec son géniteur où elle écoutait des anciens tubes de rock. Son père était un passionné de musique, son chanteur préféré n'était d'autre que Johnny Hallyday. C'était par ailleurs, la raison du prénom de la fille. L'une des mélodies du rockeur se prénommait ainsi. Normalement, c'était un prénom d'homme, la chanson était aussi dédiée à un homme, Tennessee Williams mais tout le monde savait qu'il n'était pas normal.

Tennessee avait vue la maladie frapper à sa porte, elle l'avait vu en action, lentement s'emparer des humeurs de son père. Lui non. Elle ne passait plus aucune soirée à écouter le vieux poste de musique avec son paternel. Autrefois, ils dansaient ensemble ou restaient simplement assis par terre, les yeux fermés, en communion avec les voix graves et les instruments sonores. Tous deux, fredonnaient l'air sortant du poste, profitant de cet instant qui n'appartenait qu'à eux.

Il était maniaco-dépressif, soit bipolaire. Tennessee avait donc depuis dix belles années, l'habitude des humeurs changeantes et excessives de son papa, la détruisant chaque jour un peu plus par l'angoisse et le malheur. Elle savait désormais que pour lui, l'année se découpait deux périodes, celle de l'excitation puis celle de la dépression. D'où le nom maniaco-dépressif.

Lors de la période d'excitation, qui englobait le printemps et l'été, il se croyait capable de tout. Il partait à travers le pays entier, vidait le compte en banque peu garni pour acheter des futilités. Excité, il cherchait un nouvel emplois, prenait des bonnes résolutions en jetant ses bouteilles et adoptant une alimentation plus saine.

Au contraire, durant les mois de dépression il se cloîtrait à l'intérieur de sa chambre. Musique à fond, alcool à profusion, il insultait sa fille aussi parfois. Tennessee ne prêtait pas attention aux injures. Elle comprenait qu'il n'était pas dans son état normal, qu'il n'était pas cet homme-là qui s'était tendrement occupée d'elle autrefois.

La jeune fille avait dans la tête, l'intégralité des risques qui pouvaient subvenir en son absence. Si elle ne lui donnait pas ses médicaments, il pouvait dégénérer, une fois elle avait du le récupérer à un supermarché pour vol à l'étalage. Les risques étaient trop nombreux pour être ignorés, c'était pourquoi elle ne partait pas souvent, pas quand ce n'était pas nécessaire.

Tennessee avait de nombreuses fois plongé au plus profond du regard de son paternel. Il était allumé d'une lueur de folie ou vide. Absents d'une quelconque vie. Les pupilles brunes qu'elle scrutait n'étaient assurément plus éclairées par cet éclat de gaieté si particulier. Elle, elle était malheureuse lorsqu'elle voyait l'âme de son papa au travers de ses yeux, parce qu'elle apercevait la destruction y régner.

Pourtant, en ce mois de janvier, période de dépression, elle avait accepté une invitation à une fête. Un garçon plutôt mignon de son lycée le lui avait proposé et, à l'image des jeunes de son âge, elle voulait prendre l'air. Il fallait avouer qu'elle en avait bien besoin.
Alors la brune avait dansé, rit, mais pas but. Elle avait embrassé aussi ce garçon qui l'avait priée de venir. Pour une fois, elle s'était amusée. Cette euphorie, encore jamais rencontrée auparavant l'avait poussé à ignorer les vibrations répétées de son cellulaire.
Or, au moment où la musique passée par le DJ ne lui plaisait plus, elle avait consentis à consulter son téléphone. Le numéro qui l'avait appelé, elle ne le connaissait que trop bien. Elle avait donc sagement écouté les messages vocaux de l'hôpital et raccroché.

Sous le doux rythme de Knoking on Heaven's Door elle avait appris la mort de son papa. Les lames pleins les yeux, le néant s'emparant de son être, elle regardait les couples s'entralacer sur le slow.

Cette fille là-bas adossée au mur blanc du couloir, c'était Tennessee. Elle revenait d'une soirée.

La jeune fille aux cheveux bruns avait déboulé dans la chambre de son père, au centre hospitalier. C'était calme. Aucun bruit de machine enregistrant la tension ou le rythme cardiaque, aucun signe de respiration. Juste un corps. Froid. Les docteurs disaient que le bipolaire était venu pour une opération. Il voulait retirer ses tumeurs présentes à la vessie mais malencontreusement n'avait pas survécu. Ils disaient ça les docteurs.

Ils disaient ça les docteurs.Tennessee voulait elle, crier.

La seule chose pour quoi elle s'était battue, s'était éteinte. L'unique personne qui comptait pour elle, était partie. Comme ça. Envolée. Une nostalgie profonde prenait possession de son esprit, les souvenirs partagés avec son père tournaient en boucle. Elle n'avait pas oublié son rire à lui, elle qui le croyait...Elle n'avait pas oublié comment son père s'occupait d'elle quand elle ne tenait pas encore sur ses jambes, ni comment il la regardait quand elle lui racontait ses journées. Elle s'en souvenait, et c'était douloureux.

Tennessee s'en voulait à elle, mais aussi à son père.

Si seulement, il le lui avait dit pour cette opération, elle l'en aurait dissuadé. L'avis des docteurs étaient positif, cependant c'était trop dangereux. Elle avait l'intégralité des risques dans la tête. Comme ceux des effets secondaires causés par les médicaments qu'avalait son père, ces derniers augmentaient la fluidité du sang et diminuaient le rythme cardiaque. Il était presque certain que son organe le plus vital ne résiste pas à l'anesthésie et par la suite à l'opération. Lui, ne savait pas ça, il se contentait de prendre les cachetons posés, sur sa table de chevet tous les matins, par sa fille.

Tennessee aurait aussi voulu lui dire qu'il n'avait qu'à arrêter la cigarette, les tumeurs venaient de cette merde. S'il y avait bien une chose qui ne changeait au cours de n'importe qu'elle période, en plus de la musique, c'était bien la clope. Cigarettes sur cigarettes, paquets sur paquets, l'unes des idoles de son père fumait cinq paquets par jour alors celui-ci avec ses deux paquets quotidiens, se trouvait raisonnable.

Cette fille là-bas adossée au mur blanc du couloir, c'était Tennessee. Elle revenait d'une soirée.

La brune mordait sa joue intérieure pour ne pas succomber au désespoir qui tentait de s'insinuer en elle. Le sang se déversant dans sa bouche, les larmes tatouant ses joues, des frissons parcourant son dos...Un sentiment dominait tous les autres. Tennessee s'en voulait.

Atrocement.

Furieusement.

Sa vie à lui s'arrêtait.
La sienne débutait.

Tennessee Où les histoires vivent. Découvrez maintenant