Prologue

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Occupé devant la cuisinière, tout mon corps se crispe en entendant une fois de plus la sonnette de la porte d'entrée retentir. Un coup d'œil en biais m'apprend qu'il s'agit une fois de plus de « clients ». Je continue de touiller doucement les pâtes qui cuisent lentement dans la casserole, jetant régulièrement un regard derrière moi.

Depuis que je suis tout petit, ou en tout cas du plus loin que je m'en souvienne, j'ai toujours fait attention à mes arrières dans cette maison. Il ne m'est rien arrivé de mal, mais les personnes qui viennent nous voir me donne toujours des sueurs froides.

La plupart du temps, ce ne sont que des junkies, sales sur eux et puant comme des porcs. Pas que je sache vraiment quelle odeur dégage des porcs soit dit en passant. Et le plus souvent, ils étaient au bord de la rupture. Se grattant de partout, leurs yeux voltigeants dans toute la pièce comme s'ils y voyaient des monstres.

Mais celui d'aujourd'hui me file encore plus les jetons que d'habitude. Justement parce qu'il ne ressemble absolument pas aux autres clients. Il est assez grand, vêtu d'un costume qui semble être fait sur mesure, et tout sur lui sentait le luxe et la richesse.

Je prends la casserole de mes deux mains, faisant attention lorsque je descends de ma petite marche, pour me rendre jusqu'à l'évier où m'attend la passoire. Je verse les pâtes dedans avant de me diriger vers le frigo, tout en jetant un coup d'œil discret dans le salon. Je me fige en voyant le regard de cet homme posé sur moi avec un air effrayant sur le visage.

Je me secoue doucement avant de sortir le beurre du frigo, et en profite pour sortir également le jambon et le gruyère. Je remets les pâtes dans la casserole avant de mettre du beurre dessus et de touiller une fois de plus. Le temps que le beurre fonde, j'en profite pour mettre ma table et me servir une tranche de jambon. Je retourne vers la cuisinière, montant une fois de plus sur ma petite marche et vérifie l'état de mes pâtes. Jugeant que tout est bon, je récupère mon assiette avant de m'en servir une bonne rasade, et pars m'asseoir à table. Je prends la même place que d'habitude, celle au bout. Je suis de biais par rapport au salon, et cela me permet de garder un œil dessus, tout en restant discret. Je ne veux pas qu'on voit que j'observe tout le monde.

Je commence doucement mon repas, mes yeux naviguant régulièrement vers le salon, lorsque je me fige d'un coup en voyant cet homme se lever. Il doit avoir fini.

Mon cœur s'accélère comme un fou en le voyant approcher de mon repaire, et j'ai une envie folle d'aller me cacher sous mes couvertures dans le coin. Pourtant, je reste devant mon assiette, continuant de manger comme si de rien n'était.

J'ai du mal à avaler mes pâtes en le voyant prendre place à mes côtés, et je sens la peur s'infiltrer dans tous les pores de ma peau alors que son regard se fait insistant sur moi. Je finis par poser ma fourchette et lever la tête pour planter mon regard dans le sien.

Ses yeux marrons me semblent doux, et étrangement, il me fait moins peur d'un seul coup. Un petit sourire étire doucement ses lèvres, et je me sens bizarre. Je commence à me tortiller sur ma chaise alors que son regard parcourt mon visage avant de s'attarder sur mon torse.

Je fronce les sourcils à son examen, me demandant ce qu'il peut regarder de la sorte. Je ne suis qu'un gamin d'une dizaine d'années, mal nourri, et mal fagoté. Je me demande d'ailleurs de quand date ma dernière douche, et je hausse les épaules, m'en moquant totalement.

– Quel est ton nom ?

Je fronce les sourcils, me demandant de quoi il veut bien me parler. Je ne sais pas de quoi il parle. C'est quoi un « nom » ?

Je tourne alors la tête vers les adultes qui sont sagement restés assis dans le salon, nous observant tous les deux. Ils semblent attendre quelque chose de moi, et je me demande bien ce qu'ils vont vouloir ce que je fasse avec cet homme.

Tout pour elle(s) ! (sous contrat d'édition chez JennInk)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant