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Je refermai le journal intime, les mains tremblante. L'histoire de ce jeune homme m'avait ébranlée, alors même que je ne savais pas qui il était. J'avais trouvé son journal ce matin en partant pour le lycée. Il était abandonné sur un banc, attendant d'être recueilli par une âme charitable. La couverture était recouverte de tâches d'eau ou de café, les coins étaient cornés, les contours abîmés, les pages jaunies. Je 'lavais prit sans savoir pourquoi il m'attirait autant. 

Lorsque j'étais rentrée chez moi le soir, je m'était empressée de m'installer dans ma chambre pour le lire. Sur la première page, un petit mot avait été écrit. L'écriture était baveuse et délavée, mais on parvenait tout de même à la lire.

"Toi qui liras ces lignes, c'est que tu as recueilli ce pauvre journal abandonné. Tu lui as donné une chance d'être lu, connu, et grâce à toi, mon histoire pourra être partagée avec une personne. Ceci est mon journal, le journal d'un anonyme."

Il s'avérait en fait que le journal n'avait d'écrit que quelques pages, qui narraient l'histoire de ce garçon qui avait renoncé à son identité mais qui s'était distingué par son refus d'entrer dans le moule de la société. Je ne connaissais pas son prénom, mais je l'admirais beaucoup. Lorsque son histoire s'était terminée, sur la page suivante, il y avait un autre petit mot.

"Ecrit le 22 novembre 1956. Paris, le pont de Marie."

Je comprenais l'état du journal, maintenant. Mais ces indications me laissaient perplexe. C'était comme si l'auteur voulait qu'on le retrouve. Le spectre devait encore errer près de ce pont, qui sait ? Maintenant que je connaissais on histoire, je ne pouvais pas ignorer cette idée. 

Alors le lendemain, après mes cours, je me rendis sur ce pont. Je cherchai le morceau d'angle manquant sur la rambarde, entre les deux lampadaires bancals. Avec un sourire triste, je trouvai finalement le lieu du suicide de mon garçon anonyme. 

"Bah alors mon vieux, t'as rien à faire là tu sais ? Aller Ouste ! Va-t-en ! Rejoins le Ciel, tes parents doivent t'attendre..."

Les larmes coulèrent sur mes joues. Une silhouette se profila devant moi alors, entre mon corps et la rambarde. Une silhouette de jeune garçon, blanche, légèrement transparente. 

"Jettes mon journal s'il-te-plaît. Que toi seule l'ait lu me suffit."

Je m'exécutai, le cœur battant à tout rompre. Je jetai alors le journal par-dessus le pont, et l'entendis atterrir dans l'eau quelques secondes après. Le spectre me sourit, reconnaissant. Je lui rendis son sourire. 

"Au revoir, anonyme.

— Au revoir Lucie."

Il me tourna le dos, enjamba la barrière, puis sauta, pour mourir une seconde fois. Mourir une bonne fois pour toutes. 



Journal d'un anonymeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant