Au commmencement

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Il était une fois une jeune femme sur la mer. Depuis plus longtemps qu'il n'en fait pour qu'on le compte encore, elle naviguait, jour et nuit, printemps été hiver automne, inlassablement, sans autre but que celui d'atteindre l'horizon. Pas de routine, car l'océan est imprévisible, pas de mal du pays, car elle venait de nul part, pas de nostalgie, car elle n'avait rien connu d'autre, mais une mélancolie aussi infinie que le grand bleu, qui jamais ne se lassait de lui serrer le cœur. Chaque matin quand elle se réveillait, chaque fois qu'elle tirait la corde pour élever la grande voile, chaque fois qu'elle prenait le gouvernail, chaque soir avant de s'endormir, elle pensait à tout ce qu'elle aurait pu vivre et qu'elle n'avait pas vécu. Amour, Joie, Colère, Tristesse, à quoi bon quand on n'a d'autre compagnie que le mistral et le clapotis des vagues... Qu'elle aurait aimé connaître tous ces sentiments, juste une fois, même si c'était pour disparaître après, vivre une fois au moins puis retourner dans le néant! Seulement, elle ne pouvait pas. Chaque fois qu'elle posait le pied à terre, il semblait presque que ce contact la brûlait tant immédiatement il lui tardait de retourner naviguer. L'appel de la mer l'emprisonnait cruellement à son vieux voilier et jamais elle n'avait réussi à rester plus d'une semaine sur la terre ferme, tant tous son être l'attirait vers l'océan.

Ainsi les choses semblaient à jamais scellées pour le reste de son existence, mais la vie, comme elle sait si bien le faire, vint violemment briser les chaînes de l'impossible.

Un jour que la jeune femme naviguait paisiblement le long de la côte japonaise, le ciel s'obscurcit si rapidement et devint si menaçant, que même elle pris peur. Alors que l'orage grondait de plus en plus, elle aperçut au loin un port encore tout animé malgré le temps exécrable, où tout les bateaux se réfugiaient hâtivement en attente d'un ciel meilleur. Il fallait qu'elle s'y rende, elle le savait. Mais son peu de contact avec l'espèce humaine l'avait rendue quelque peu misanthrope, et c'est donc avec une extrême méfiance qu'elle envisageait d'y jeter l'encre. Elle resta donc un court moment immobile, indécise. Mais soudain, la corde qui retenait la grande voile, mal nouée dans la précipitation, se décrocha sous la pression et la voile, laissée entre les mains des vents les plus violents, vint frapper l'insouciante par derrière d'un coup sec. Celle-ci, sans avoir eu le temps de rien réaliser, s'évanouit et, pendant qu'elle plongeait dans les ténèbres les plus sombres, son bateau se laissa porter et malmener par la furie de l'océan.

***

Un corps immobile, au bord de la plage. Les vêtements déchirés et le visage ensanglanté, avec, à côté d'elle, les misérables ruines de ce qui avant avait du être un fier voilier.
"C'est qui?" "Elle est morte?" "Tu la connais toi?" "Bah non, en même temps là j'aurai du mal à la reconnaître" "La pauvre petite..." "Bon, il arrive ce médecin?!" "Et sinon ta femme, elle s'est bien remise?" Toute la population de ce petit village était regroupé autour de la jeune femme, plus étonnée et excitée de l'événement qu'inquiété pour la blessée. Quand celle-ci entrouvrit péniblement les yeux, elle vit un nuages de têtes inconnues penchées sur elle, ce pour quoi, effarée de cette proximité, elle eut un mouvement de recul. En voyant que, contre toute attente, elle se réveillait, toutes ces têtes inquiètes entrèrent dans une excitation si folle que la jeune rescapée préféra fermer les paupières et se laisser happer par les bras de Morphée.
Quand elle se réveilla, tout le village lui vint en aide. Leur pitié, exacerbé par l'envie de prendre part à l'évênement, se transforma en grande bonté et, le jour même, sans avoir prononcé un seul mot de cette langue dont elle ne connaissait que les rudiments, la jeune femme fut divinement lavée, habillée, coiffée, de sorte qu'un voyageur étranger à l'affaire eut pu la prendre pour une digne princesse venue de quelque contrée mystérieuse. Il est vrai qu'elle avait le regard hautain d'un grand personnage, et tous des gestes trahissaient une indifférence noble face aux empressements des ces gens. Rien ne l'ennuyait en vérité plus profondément que ces tracas d'apparence et, à ses yeux de solitaire, l'extrême bonté dont elle bénéficiait n'était qu'hypocrisie et surenchère. De ce fait, voyant que ces villageois pourraient lui procurer tout, sauf un bateau, elle s'enquit du chemin à prendre pour se rendre à la ville la plus proche et partit dans l'heure, après un simple geste dédaigneux de la main, qui finit par persuader les villageois que leur bonté n'avait finalement profité qu'à une ingrate. Cruellement vexé, ils se détournèrent bien vite et retournèrent immédiatement à leurs occupations, comme si rien de tout ça n'était jamais arrivé.

La jeune femme marcha longtemps, mais, infatiguable, elle eût vite fait d'atteindre la ville. Là, elle fut étourdie par l'empressement de la foule, ne cessant de se faire bousculer de part et d'autres, ce qui finit par tout à fait l'énerver et ce fut rouge de colère et de chaleur qu'elle arriva au centre d'hébergement qu'avait installée l'usine textile du coin. Le deal était simple: l'usine offrait logement et pauvre nourriture, en contrepartie on commençait très tôt et on finissait très tard, pour un salaire quasi inexistant dont la moitié était versée à l'usine "en remerciement de sa générosité". La jeune femme avait le sang chaud, mais elle savait ses chances de trouver un autre travail bien maigres, en sa qualité d'étrangère. Alors elle accepta tout, sans hésitations, sans récriminations, et elle parut aux yeux de tous comme une jeune fille fort simple et docile à souhaît. En vérité elle gardait les poings serrées pour garder son sang-froid et, dans son poing droit, elle serrait bien fort son unique trésor, un petit morceau de voile qu'elle avait réussie à récupérer dans les débris de son cher voilier. Elle n'avait qu'un seul objectif, plus fort que tout: retourner en mer. Le reste au fond, n'avait aucune importance.

"On peut commencer n'importe où, même par le commencement." (Jean-Claude Carrière).
La nouvelle sera assez courte, ne vous attendez pas à un long roman!
Désolée pour les fautes d'orthographes ^^' je les corrigerai un jour (peut-être)

Sur ce, à dans très bientôt ;) ! (Sûrement dimanche ou lundi ❤️)

Hallelujah Where stories live. Discover now