Chapitre 2 - Ombre noire

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Elle se dirige vers la porte quand une lame venu du ciel, tranche l'acier de la carrosserie. Les gens hurlent. Le sang gicle, jusqu'à moi. Ma chemise se teinte de rouge. Une femme vient de tomber, la moitié du crâne scié. Tout va trop vite, chaque mouvement des passagers, dans la peur, la panique, le bus qui se fait opérer à la hache et elle qui se retrouve perdue parmi les cadavres qui tombent et ceux qui restent en vie. Elle siffle à la porte revient sur ses pas, à ma droite.

Un bruit assourdissant, ma tête tourne dans cette joyeuse boucherie, petite fête intime entre les passagers du 5, plongée dans les strass rouges, animée par les danses de panique des courtisans de la société. Il n'y a qu'elle au centre, dans sa sombre prestance qui semble comprendre. 

La lame ne passe plus, mais d'énormes coups s'abattent sur la ferraille, qui se rétracte, se brise doucement, lourdement. Nos regards convergent vers ce point sensible prêt à craquer. Plus personne ne crie. Puis plus rien, plus de coups. 2 secondes, 5, 14, 40 secondes. Les tensions se dissipent, les victimes commencent à se relever doucement, en essayant de reconstituer les morceaux. Elle reste toujours fixe, concentrée dans le moindre mouvement, cherchant un bruit pouvant trahir le coupable de ce massacre. Elle nous fait signe, sans bruits de rester sur les côtés.

L'explosion. Une boule noire d'énergie sépare en deux le bus, envoyant chaque côté d'un bout à l'autre de la rue. Ma tête est sauvée par ce cadavre. Les gens volent et retombent. Une pluie mortuaire s'abat sur la ville. Et lorsque la paix revient, j'essaie de m'accrocher aux parois du bus pour voir ce qui se passe.

Sur les décombres de fer, les flaques de sang, les cendres et les flammes, une ombre noire, funeste, une sorte de démon immense, trop loin pour que j'arrive à discerner ses traits, emporte s'écraser partout où il le peut ma rose. Ma douce est prise au piège dans cette énergie lugubre, elle ne peut pas bouger ses membres, ni même hurler tant la pression semble forte. A chaque coup ses membres semblent se disloquer, sa tête se balance faiblement, et le spectre lui hurle de se défendre. Dans l'épouvante, une sorte d'esprit gris saute sur le noir, les couleurs tristes fusent et elle est libérée, jetée quelques mètres plus loin. La lumière grise se rapproche d'elle, une belle bête sauvage, pelage d'argent qui vient lécher les joues rouges de sa maîtresse. Elle se relève fébrilement, caresse le museau de son loup et regarde devant elle. Cette masse royale, ange des ténèbres, aux ailes de charbons déployées somptueusement vers les cieux. Menton carré, bouche princière, regard arrogant, cheveux noirs transgressant les règles. Seigneur de l'empyrée, boule d'orgueil et de fierté à la prestance dure et émouvante. Dans une beauté majestueuse, il s'envole quelques mètres au-dessus, dominant ce lieu.

Ma rose se lève et sans peur avance vers lui.

- Raphaël ne te laisse pas influencer... Crois moi, c'est eux qui te poussent au mal.

- La ferme sorcière, c'est à cause de toi que mes ailes sont devenues noires, tu m'as poussé au vice, je n'ai plus rien à perdre maintenant, je rachèterais ma faute en te tuant.

- Elles ont toujours étés noires ! Rappelle-toi, dès le début, dès les jours ou tu me protégeais à travers nos rêves !

- Mensonges, tais-toi ! Arrête d'essayer de m'embrouiller l'esprit!

Dans leurs échanges de paroles ils continuent à se rapprocher, elle sans défenses et lui prêt à l'attaquer. Ils ne sont plus qu'à un mètre l'un de l'autre. Elle observe le sol et relève sa tête.

- Raphaël... Je t'aime, reste avec moi.

Sur ces paroles sucrées, venue de la bouche de cette femme n'importe quel homme aurait pu succomber, mais ce démon noir ne répond pas, il regarde le sol semblant se concentrer, et dans sa continuité il prend l'arc sur son dos, une flèche qu'il encoche et le tout qu'il pointe vers elle.

- Arrête de dire ça !

- Vas-y tire, si c'est que tu désires, si c'est ce qui te rendra heureux alors lances toi.

- La ferme !

Il tend son arc de plus en plus, dans sa colère il verse des larmes.

Soudainement une force qui m'avait longtemps ralentie et cachée de la vie, qui m'avait enlevé mon courage d'enfant, celui ou la peur ne nous atteignait pas, lorsqu'on escaladait ces arbres ou qu'on se jetait dans des lacs. Cette force perdue, devint en cet instant une dose de courage, aussi énorme que celle accumulée depuis la dernière fois ou j'en ai fais usage. Malgré la douleur dans mes jambes et l'horreur autour de moi, je me jetais devant elle, prêt à la protéger d'une flèche lancée.

- Vous attaquer à une femme ? Sans défenses ? Qui vous dit qu'elle vous aime ? Êtes-vous fou ?

- Allez vous cacher ne restez pas la !

- C'est qui lui ? Encore un qui est tombé pour toi ? Tu en es venue à prendre un misérable  humain ?

- Raphaël je ne le connais pas, et nous sommes humains à la base !

- Ah tu trouves que je ressemble à un de ces hommes, un de ces pitoyables mortels, mes ailes ne sont-elles pas assez sombres pour que tu puisses les voir ? Et toi alors ? Tu n'es qu'un démon, une source malfaisante ! Eh mon gars, si tu la veux va falloir t'accrocher, c'est pas du tout ce que tu crois cette femme n'en est pas une !

- Serait-ce de la jalousie que j'entrevois ? Parce que je peux la toucher et que tu ne peux pas ?

Je prends ma rose dans les bras, geste insensé que je n'aurais pu envisager quelques minutes avant. Je sens l'esprit noir derrière moi enrager. Ses mains me poussent plus loin et la flèche passe à quelques centimètres de ses yeux. Elle me jette ce regard sombre et accusateur qui emplit de culpabilité la moindre personne.

Le blizzard se dirige vers moi dans une course suprême. Et elle, elle se transforme, son magnifique corps se couvre d'une épaisse fourrure et sa dignité naturelle perdure dans l'œil de sa nouvelle forme de louve. Elle se jette sous l'encre noire avant q'elle ne m'atteigne et se battent, violemment, elle n'hésite le mord, le griffe tandis qu'il la martèle de ses poings lumineux. C'est l'ange qui met fin à la lutte en s'envolant après une tentative ratée de la tuer, les larmes pleins les yeux et la rage emplie dans son cœur.

Au sol, toujours sous cette forme animale, le loup vient se frotter à elle et la cacher. Elle reprend sa forme d'humaine, entièrement nue.

- J'ai perdu mon bracelet il me le faut?

- Humm un bracelet pour quoi faire ?

- Pour m'habiller après les transformations... Je l'ai perdu en me battant...

Je la regarde fixement quelques secondes avant de comprendre. J'enlève ma chemise et lui apporte en détournant le regard. Elle l'enfile, se lève, observe la scène macabre, la rue d'hémoglobine couverte d'enfants décapités, d'hommes embrochés, et de femmes lacérées par le métal. Les survivants commencent à sortir de leurs refuges, se rapprochant du centre cherchant un ami, un proche, un reste d'effet personnel. Une soudaine envie de vomir me vient. Elle trouve par terre l'objet qu'elle cherchait et se change en quelques secondes en sa robe bleue du matin. Elle demande aux gens de se rassembler. 

[...]

Dans les souffles d'une louveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant