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Son cœur battait vite dans sa poitrine, trop vite. La jeune femme regarda la créature qui possédait des yeux si ignobles. Une bête avec la tête allongée, des crocs acérés, et des poils blancs sur l'intégralité de son corps. "Un loup". Un loup ? C'était ça un loup ? Peut-être bien... Mais que ce soit un loup ou tout autre créature, le sang sur ses dents aiguisées ne la mettaient pas en confiance. Aucun souvenir. Aucune minuscule once de rappel lui permettant de se battre, de savoir quoi faire, comment réagir, et tout ce qui aurait pu être utile. La créature, le loup, grogna. La jeune fille toisait le loup. Elle déglutit. La créature ne lui disait rien qui vaille. elle se leva, et, la main tendue, elle commença à contourner le loup. L'animal émit un grognement, mais moins puissant que le premier. Au grand soulagement de la femme. Elle continua de se déplacer, avec lenteur, mais avec courage. Le loup la regarda et fit un bruit qui ressemblait à un rire un peu rauque. La jeune femme sourit et observa une dernière fois l'animal terrifiant. Le loup. Puis elle s'enfuit vers la forêt. Encore une forêt. Il y a trop de forêt par ici. Trop de bois. Les forêts lui suscitaient un effet des plus désagréable. L'impression d'être observée et suivie. A cause de différente raisons. La chaleur qui tombait dès qu'on pénétrait ne serait-ce qu'un millimètre en elle, les arbres trop collés à son goût, l'obscurité soudaine, contrastant avec la douce lumière qui éclairait l'endroit où elle était arrivée, les branches d'arbres qui faisaient penser à des membres décharnés, des mains maigres et ridées, l'attirant toujours plus loin dans les profondeurs de ce monde mystérieux. Malgré tout, ces sentiments pouvaient certainement varier d'une personne à l'autre, rappelant la recherche de soi même de la jeune fille. Elle posa un pied dans la terre boueuse de l'endroit qui la terrifiait. Son membre s'enfonça dans le sol, baissant encore plus la température dans sa jambe. Plus par réflexe que par réflexion, elle tenta de retirer son pied de la terre. Essai vain. Sa jambe s'enfonça encore plus. Une voix lointaine résonna dans sa tête. La voix parlait avec interruptions, sans que pourtant la jeune femme ne puisse comprendre ce qu'elle disait. La voix semblait parler de plus en plus fort. Tandis que la voix montait crescendo et que sa cheville s'immergeait de plus en plus dans la boue, le message transmis par les mots résonnant dans son crâne devint peu à peu évident. 

  La terre t'aspirera si mmmmhhh

  La voix criait mais n'en restait pas moins incompréhensible. Le jeune femme hurla. La voix déchirait avec violence ses tympans.

  La terre t'aspirera si mmmmhhh
  Si tu mmmmhh
  La terre t'aspirera si tu mmmmhhh

  Ses genoux s'enfoncèrent dans le sol. Son hurlement déchira la nuit. Ses chevilles semblaient être piquées par des milliers d'aiguilles contenant un poison mortel. Les mots déchiraient sa peau, du moins s'était l'impression qu'elle en avait. L'impression que la phrase répétée en boucle tentait de pénétrer son corps extrêmement peu de délicatesse. Ses oreilles se mirent à saigner. La douleur lui vrillait le crâne. Les larmes coulaient sur ses joues, le sang dans ses cheveux, la boue sur ses jambes, et la douleur sur son corps.

  La terre t'aspirera si mmmmhhh
  Si tu mmmmhhhh
  La terre t'aspirera si tu mmmmhhh
  Si tu te débats mmmmhhh
  La terre t'aspirera si tu te débats mmmmhhh

  Les mots traversèrent son esprit avec autant de douceur que les choix avaient tentés de la forcer. Mais elle était plus forte que ça. Plus forte que tout ce que ce monde allait le faire subir. Elle tentait de s'en convaincre. La douleur restait dans ses oreilles, dans ses chevilles, dans sa tête, mais maintenant, elle savait qu'elle pouvait la vaincre. Ce qu'elle devait vaincre encore, c'était la peur qui la secouait, qui la traversait sans laisser aucune trace de sérénité. Dès cette pensée formulée, une deuxième voix s'ajouta sur la première, rajoutant encore plus de douleur dans ses oreilles.

  La terre t'aspirera si mmmmhhh
  Si tu mmmmhhh
  La terre t'aspirera si tu mmmmhhh
  Si tu te débats mmmmhhh
  La terre t'aspirera si tu te débats mmmmhhh

  Je ne connaîtrais pas mmmmhhh
  pas la peur mmmmhhh

  La deuxième voix semblait plus aiguë, plus enfantine, et plus féminine que la première. Les deux superposée formait un duo aussi joli qu'horrifiant, de par la violence avec laquelle il exterminait ses oreilles, mais aussi de par le fait qu'elle était persuadée d'avoir déjà entendu ces voix, et qu'en plus elle les connaissait. Elle les connaissait bien. Ce qui était assez inquiétant.
Les voix semblaient parler toujours plus fort, comme s'il n'y avait pas de limites, comme si elles ne s'arrêteraient jamais. La douleur revenait, mais elle se battait toujours. Les voix ne faisaient que se répéter.

  La terre t'aspirera si mmmmhhh
  Si tu mmmmhhh
  La terre t'aspirera si tu mmmmhhh
  Si tu te débats mmmmhhh
  La terre t'aspirera si tu débats, mon enfant mais mmmmhhh
  Mon enfant mais mmmmhhh

  Je ne connaîtrais pas mmmmhhh
  pas la peur mmmmhhh
  Je ne connaîtrais pas la peur mmmmhhh
  Pas la peur car le peur tue mmmmhhh

  Soudain, les mots, les phrases explosèrent dans mon esprits. Les prirent soudain tout leur sens, les phrases furent complétées, et la douleur explosa. Elle crut s'évanouir.

  La terre t'aspirera si tu te débats, mon enfant, mais en restant calme, elle te laissera t'enfuir.

  Jene connaîtrai pas la peur, car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

  La phrase prenait tout son sens. Une pour la peur, une pour se sortir d'affaire. La jeune femme cessa de bouger. La terre cessa de se mouvoir presque instantanément. En se répétant la phrase contre la peur, le serpent malveillant cessa sa route à l'intérieur d'elle, cessa de laisser son parterre mauvais derrière son passage. Il disparut, comme emporté par le souffle qui avait prononcé la litanie contre la peur. Litanie contre la peur. Les mots lui étaient venus à l'esprit aussi simplement que si elle l'avait toujours su. Un pas de plus. Lorsqu'elle fut enfuie de l'enfer qu'était ce monstre de boue situé sur le sol. Oui, c'était comme un monstre. Comme une créature venue des enfers. Comme une créature venue pour la défier.


  Et elle avait gagné le défi.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 17, 2016 ⏰

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My soul was whiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant