Je voulais lui faire oublier ces hommes de passage qui ne l'avaient pas regardée ou mal, ces aventures au goût amer, ces rejets qu'elle camouflait sous un masque de petit soldat fier. Je la sentais parfois si fragile, si chancelante, sans point d'encrage, jouant des rôles dans lesquels elle se perdait. Petite fille tremblante ou séductrice chevronnée, apprentie balbutiante ou chef de chantier galonnée. Je ne voulais pas la changer, je voulais qu'elle se reconnaisse, qu'elle fasse la paix avec elle-même, qu'elle abandonne ses masques et ses peurs. C'est cela que j'ai ressenti dès notre première rencontre : sa dérive éperdue, prête à se donner au premier venu pour qu'il lui parle d'elle, qu'il lui donne confiance en elle. En quête d'un regard qui la reconstruirait. J'étais ce regard. J'allais la reconstruire. J'étais assez fort pour deux."