I - Romaric

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Assis sur le toit de l'immeuble, les bras passés aurour de mes genoux repliés contre ma poitrine, je regardais le soleil se coucher lentement. Le couvre-feu n'allait plus tarder et les rues de Tokyo étaient désormais entièrement vides. Bientôt, il faudrait que moi aussi je me mette à la recherche d'un abri pour la nuit mais à ce moment, je n'y pensais pas. Je ne pensais à rien d'autre qu'à la proposition que j'avais reçue. Un cadeau empoisonné que j'avais accepté en toute connaissance de cause. Mes yeux me brûlaient à force de fixer le soleil mais j'étais incapable de détourner la tête. Tout ce que je pouvais faire, c'était me rappeler...

La journée avait commencé tout à fait normalement. Je m'étais levé tôt, avant le lever du soleil, juste après la fin du couvre-feu. Cette heure était la meilleure. Aucun membre des gangs n'était encore levé et les hélicos militaires avaient quitté la ville, me laissant le champ totalement libre pour me promener dans la ville et ramasser toute la nourriture dont je pouvais avoir besoin pour la journée. J'avais pris pour cible un supermarché qui n'avait encore aucune marque de gang. Je savais qu'une fusillade y avait eu lieu le soir précédent et j'espérais pouvoir mettre la main sur un chargeur, à défaut de trouver à manger. J'étais ressorti déçu. J'avais bien trouvé un onigiri mais toutes les armes avaient disparu. À l'extérieur, le soleil s'était levé, tout comme les membres des gangs, probablement. Il fallait que je me mette rapidement à l'abri avant qu'ils ne viennent par ici. J'étais en train de courir à petites foulées pour trouver un endroit où passer la matinée lorsqu'un grondement me parvint. Il ne me fallut que quelques secondes pour comprendre ce qu'était ce bruit. Il s'agissait d'un hélico militaire. Je me mis immédiatement à l'abri d'un immeuble à moitié effondré. Je m'accroupis sous des débris qui menaçaient de s'effondrer en priant pour ne pas avoir été repéré et pour ne pas mourir bêtement écrasé sous les ruines d'un immeuble des temps d'Avant. Je vis tomber devant moi des milliers de plumes blanches et je sentis mon cœur accélérer tandis que je me demandais quelle nouvelle arme l'armée avait pu inventer et surtout pour quelle raison nous étions devenus des cibles. Nous vivions ici, à l'extérieur des Murs, dans une paix plus ou moins respectée par les deux partis. Le deal était simple : nous n'avions pas le droit d'approcher les Murs à moins de 500 mètres et nous devions respecter le couvre-feu de 20h à 4h du matin. En échange, l'armée nous ignorait. J'entendis l'hélico s'éloigner et je restai caché, continuant à me demander ce qui avait pu susciter cette attaque et ce qu'était cette nouvelle arme. Au bout d'une minute ou deux, comme rien ne se passait, je sortis de ma cachette et m'approchai des plumes blanches envoyées par l'hélico. En y regardant de plus près, je m'aperçus que ce n'était pas des plumes mais des feuilles. Des feuilles de papier entièrement blanches. Les sourcils froncés, je me baissai et me saisis d'une d'entre elles. Au verso, je découvris un message qui me laissa perplexe. Il était rédigé en japonais, anglais, français et allemand, je n'avais donc pas de problème de compréhension pour le fond du texte mais plutôt à propos de la signification du message. Il était écrit (en anglais et en français, les deux seules langues que je maîtrisai à l'écrit) :

"Message du Gouvernement provisoire à tous les habitants des Villes Non-Murées. L'alliance de l'OTSC, l'OMS et le Président du Gouvernement provisoire ordonne la réouverture des portes-frontières de l'Australie. Tous les habitants des Villes Non-Murées sont priés de se rendre le plus rapidement possible aux Points de Ralliements Internationaux ou sur les bases opérantes de la Croix Rouge. Vous serez alors regroupés, répertoriés et acheminés par ferry jusqu'aux îles-frontières de l'Océanie."

"Message from the provisionnal Government to all inhabitants of the Non-Walled Towns. The alliance of OTSC, WHO and the President of the provisionnal Government orders the reopening of the border-gates of Australia. All the inhabitants of the Non-Walled Towns are kindly requested to join as fast as possible the International Rallying Points or the operative sites of the Red Cross. You will then be gathered, listed and routed by ferry-boats to the border isles of Oceania."

J'étais accroupi devant cette marée de feuilles blanches, à m'interroger sur le sens de ce message lorsque j'entendis des cris derrière moi. Je tournai la tête et vis des hommes du gang de Mayumi. Ils portaient des mitraillettes et leur air m'indiquait clairement qu'ils n'étaient pas là pour discuter. Je froissai la feuille que j'avais à la main pour la fourrer dans ma poche et me levai pour courir. Ils armèrent leurs mitraillettes et commencèrent à tirer tandis que je m'enfuyai. Je tournai dans une petite rue d'un ancien quartier traditionnel. Je repèrai une maison que je connaissais et m'élançai à l'intérieur en claquant la porte. Je montai les escaliers en courant et en priant pour qu'ils ne m'aient pas vu entrer. Je me glissai derrière le lit d'une des chambres, le cœur battant. Je les entendais crier, se lancer des ordres mais, apparemment, ils ne m'avaient pas trouvé. Je respirai et ce fut lorsque je tentai de me lever que je ressentis une violent douleur à la jambe. Je baissai les yeux et m'aperçus qu'une balle m'avait touchée juste au milieu de la cuisse. Le sang qui coulait à flot me laissai craindre que l'artère fémorale ait été touchée. Je serrai les dents pour ne pas hurler sous l'effet de la douleur. J'étais incapable de bouger et j'essayai de réfléchir à un moyen de me faire un bandage lorsque j'entendis des pas dans l'escalier. Était-ce un homme de Mayumi? D'un autre gang? Dans tous les cas, j'étais mort. Blessé comme je l'étais, avec mon poignard pour seule arme, je n'avais aucune chance. Je me rencognai derrière le lit en entendant la porte s'ouvrir et je cessai ensuite totalement de bouger, ne respirant qu'à peine. Mes doigts serrés sur le manche de mon poignard, j'attendais le premier assaillant. Et, lorsqu'il apparut devant moi, je fus tellement surpris que mes doigts glissèrent de mon arme. Ce n'était pas un membre de gang, c'était un soldat de l'armée en uniforme. Avant que j'ai eu le temps de me remettre de ma surprise et de réagir, il leva son arme et tira droit dans mon cou.

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