I - Hayden

11 2 11
                                    

- Hé! Par ici!

Le cri résonna en ondes dans chaque recoin abandonné de la ville fantôme. Le silence assourdissant frémit. Nous étions seuls, du moins nous le pensions. Je me tournai vers l'immeuble d'où provenait l'appel. Juste derrière moi, Hawk, son turban cachant la moitié de son visage, me lança un regard inquiet mêlé de colère. Mes muscles se tendirent alors que je finissais d'escalader l'énième monticule de gravats. Je me précipitai, du mieux possible sans me blesser, vers le squelette métallique de l'immeuble d'où provenait l'éclat. Hawk m'indiqua d'un mouvement vif du menton l'une des fenêtres les plus hautes. Mon regard capta immédiatement l'ombre agitée qui nous faisait signe. Je retenais un juron et m'élançai sur la fine paroi du bâtiment. Je me hissai à la force des bras jusqu'à ce qui ressemblait au premier étage puis me redressai prudemment pour trouver mon équilibre. Chacun de mes pas, que je marche ou que je saute, vibrait dans ma poitrine, mon cœur sursauta furieusement lorsque mon pied glissa sur la vitre en plexiglas déjà dangereusement fissurée. Je ralentis en arrivant à sa hauteur et m'accroupis pour plus de sûreté. Un coup d'œil rapide alentours pour m'assurer que personne ne nous observait et je me laissai tomber par le trou de la fenêtre. Je me réceptionnai lourdement sur une armoire métallique tombée à la renverse. La silhouette surexcitée me regardait avec un sourire franc. Je m'approchai de lui furieux.

- On t'a jamais appris à la fermer? , sifflai-je entre mes dents.

Son sourire disparu instantanément.

- C'est bon, lâche-le, il n'a rien fait de grave cette fois. , murmura une voix profonde dans mon dos, Hawk. Je ne l'avais même pas entendu arriver celui-là.

Le fautif lui fit un demi-sourire reconnaissant, je serrai les dents, mais capitulai. Il se laissa glisser sur le sol jusqu'au mur opposé. Là trônait une sorte de machine à mi-chemin entre une télévision de l'âge de pierre, un micro onde et un tableau de bord.

- Tadam! , chuchota-t-il en pointant l'écran noir de suie.

Devant nos têtes perplexes, il soupira et appuya sur un petit bouton rouge, l'écran s'alluma dans un dégradé de verts pixelisés, l'image tressautait avec un bruit sifflant à m'en faire grincer les dents.

- Ceci mes chers, est un émetteur-récepteur radioélectrique, une petite merveille qui permet d'envoyer et recevoir des messages. C'est un vieux modèle, mais les vieux sont toujours les meilleurs et les plus résistants...

Son visage prit une couleur légèrement rosée lorsque ses yeux revinrent se poser sur nos têtes surprises. Se rendant compte de l'ambiguïté de ses paroles, il se mordit l'intérieur de la joue priant pour que personne ne l'ai remarqué. Il s'éclaircit la gorge reprenant contenance.

- Hm hm oui euh... Ce n'est pas ce que je voulais d.. Bref, vous m'avez compris. Il est un peu endommagé et pas aussi performant que ceux de la nouvelle génération, mais je dois avoir quelques pièces de rechange au camp. Je pourrai revenir le bidouiller plus tard. Le microprocesseur et le chipset doivent surement être HS depuis le temps que ça traîne là espérons juste que les barrettes de mémoire ne soient pas affectées ça serait beaucoup plus problématique. Et puis c'est déjà une grande chance qu'il ait survécu. Un vrai bijou.

Il avait débité tout son charabia d'un trait sans reprendre son souffle, hachant maladroitement les mots avec son accent européen à couper au couteau. On aurait un gamin surexcité le soir de Noël, les yeux brillants, découvrant ses cadeaux sous le sapin. Je jetai un coup d'œil par-dessus mon épaule, Hawk avait l'air tout aussi enjoué que moi.

-Euh... Félix ? C'est vraiment pour une stupide antiquité que tu nous as appelé?

Le grand brun hocha vivement la tête, tout sourire. Franchement, je ne comprenais pas sa passion pour les vieux machins électroniques. Je soupirai prêt à reprendre la mission de récupération qui nous avait été confiée, mais avant de faire le moindre mouvement, Félix appuya sur un bouton. Les deux haut-parleurs poussiéreux crachotèrent un nuage gris et crépitèrent dangereusement. Le brun toussa et frappa un bon coup du plat du main sur la machine qui cracha encore un flot de particules avant de s'allumer. Les parasites obstruaient le canal, mais on pouvait percevoir une voix légèrement étouffée : un message. Surement le dernier enregistré avant la chute du bâtiment ou même de la ville.

* * *


Pour la cinquième fois depuis le début de la semaine, nous rentrions les mains vides. C'était pourtant à prévoir. Cela faisait maintenant plus de deux mois que nous nous étions installés dans cette ville. Nous avions réussi à nous faire une place entre les trois grands gangs rivaux sans engager les hostilités. Puis notre chef avait donné ses instructions. Il nous fallait que de quoi survivre et les gangs s'entretuaient littéralement. Il ne fallait surtout pas gâcher cette opportunité. Alors nous leurs avions infligé le coup de grâce, un à un, les faisant tomber sans aucune résistance. Nous avions tout d'abord détruit les structures, soumis ces enfants puis pillé les repères, saccagé les refuges, tué les opposants, menacé les parents, brûlé des feux de joie, assiégé les immeubles. Il était parié que la ville ne tiendrait pas plus longtemps que les gangs. Une fois les rations de nourriture épuisées, les armes et les munitions confisquées, les nouvelles règles de vie imposées, il n'y avait plus rien à gagner ici. Certes, l'endroit était calme, pas trop endommagé, isolé des autres ruines, mais vivre n'y était plus possible. La guerre civile grattait aux portes de notre sécurité. Personne n'ignorait la menace et les regards s'évitaient, les forces se mesuraient, les corps se crispaient. La prospérité imposée dans la violence ne pouvait que s'éteindre dans la fureur. Ce n'était pas le seul problème. Nous avions réussi à leur échapper un temps, mais c'était totalement imprévisible. On ne savait ni comment cela se transmettait ni qui étaient les personnes les plus susceptibles d'être touchées. Pas la moindre idée des effets précurseurs, des moyens de s'en protéger, des manières de l'éradiquer.

Le Virus.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Feb 05, 2017 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

PostapoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant