Chapitre 1.

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Chapitre 1 (point de vue : Danaé)

Ils pleurent.
Ils pleurent pour que je revienne, pour que je leur dise que je suis là, auprès d'eux, et que jamais rien ne pourra nous séparer de nouveau. Le ciel aussi pleure, pourtant, je suis avec lui. Je les regarde, tristement, auprès de ma tombe. Je sais que ma place est à leur coté, mais c'est trop tard maintenant, aucun retour en arrière est possible.

Je regarde autour de moi, et je me rends compte qu'ils sont très nombreux. Des gens venus des quatre coins de la France assistent à la cérémonie. Ceux que je repère directement, ce sont mes parents. Je ne les ai jamais vu aussi tristes. Ils sont à bout de force. Je ne pensais pas les voir dans cet état un jour, surtout à cause de moi. Je les ai abandonné, lâchement, et ça me rassure de savoir qu'ils l'ignorent. Pour eux, c'était un accident. Pour moi, c'était un choix.

Je vois aussi Abby et Trissa, mes deux meilleures amies. Mes sœurs. Je n'ai jamais aimé quelqu'un comme je les aime elles. On a grandit ensemble. On aurait du passer notre vie toutes les trois, voyager ensemble, vivre ensemble. Elles ont dix huit ans, et la vie devant elles. Moi aussi, j'en avais dix huit, mais la vie ne m'attend plus.

Quelqu'un prend la parole, me coupant dans mes pensées. C'est la voix de ma mère.

« Danaé avait dix huit ans, et.. Elle est partie, il y a une semaine. Ca a été la semaine la plus dure de toute ma vie. Je pouvais tout supporter, sauf son départ. Comment une telle chose a pu arriver, soudainement ? Je.. Je n'arrive pas à parler, excusez moi. »

Mon père prend la suite. Il est fort, je le vois dans ces yeux, il fait ça pour ma mère.

« Danaé restera à jamais dans nos mémoires. Elle est partie, certes, mais elle continuera de vivre dans nos cœurs. Je lui parlerai, je la ferai vivre, jusqu'à accepter son départ. C'est ma fille, ma princesse, jamais je n'essaierai d'oublier. Nous continuerons à avancer, avec ma femme, et avec vous. Nous continuerons d'avancer là où elle a arrêté. »

Il s'arrête de parler, et éclate en sanglots. Mais, il est fort, il tiendra le coup. Il le faut.

Les gens qui ne pleuraient pas versent une larme. Je les vois, tous. Ils sont brisés. La mort, ce n'est pas seulement une absence. C'est un ouragan. Ca détruit tout sur son passage, ça nous dévaste, ça nous achève. Alors, oui, à ce moment même, je regrette d'avoir sauté de cette fenêtre. Je regrette d'avoir baissé les bras, et de faire subir ça a mon entourage. J'ai peur que Trissa et Abby prennent la parole. J'ai peur que la vérité leur échappe. Il faut qu'elles gardent mon secret, il faut qu'elles mentent. Je sais que je peux compter sur elles, mais j'ai si peur. Si peur que les images de ma mort leurs reviennent en tête, et les envahissent
soudainement. C'est Trissa qui prend la parole, et je sens sa voix qui déraille.

« J'aurai aimé être capable de faire un beau discours en ton honneur, Danaé. Mais, la vérité, c'est que je n'ai pas les mots. La douleur est si atroce qu'elle en est indescriptible. Tout ce que je demande, c'est que tu me reviennes. Que tu nous, reviennes. Ta place est sur terre, pas là-haut. Et je sais que même si c'est impossible, je continuerai de vivre avec toi. »

Elle s'arrête. Je sens qu'elle a peur d'en dire trop. Abby s'avance, et commence à parler.

« J'ai seulement dix huit ans. Il y a un tas de choses que je ne sais pas. Pourtant, j'ai cette certitude qu'on se retrouvera un jour, plus tard, toi et moi. Nous étions si proches, si complices. Je n'arrive pas à réaliser que je vais devoir me construire un nouveau monde sans toi. Rien ne sera plus pareil désormais, sans ta présence. Tu nous manqueras à jamais, Danaé. »

Trissa prends la main d'Abby, et la sert très fort. Elle lui sert pour lui dire que ça va aller, et qu'elles surmonteront ça, ensemble. Elles grandiront à deux, sans moi, je sais qu'elles en sont capables. Ou alors, j'essaie de m'en persuader pour moins me sentir coupable.

La cérémonie prend fin. Il est temps de dire au revoir. Les gens s'approchent de mes parents pour leur souhaiter bon courage. J'entends des « mes condoléances » de tous les côtés. Abby et Trissa se sont éloignées. Peut être attendent-elles que tout le monde parte, pour pouvoir être seules avec moi.

Après plus d'une heure assise sur un banc, en face de ce qu'il reste de moi, elles décident de m'approcher. Plus personne n'est présent.

« - Je n'arrive pas à la détester, Trissa. C'est normal tu crois ?

- Bien sur Abby. Danaé est notre sœur, on l'aime, et c'est ce qui compte pour le moment.

- Tu crois qu'on finira par la détester ?

- Oui, je crois, ça fait parti du deuil.

- Je n'ai pas envie de lui en vouloir

- Ecoute, Abby, écoute moi. Regarde moi. Ca va aller. On est ensembles, on y arrivera. »

J'entends Abby éclater en sanglots. Elle se blottie contre trissa, qui l'embrasse tendrement le front. J'ai envie de pleurer, moi aussi, j'ai envie de hurler. Mais rien ne sort. Tout s'intériorise. C'est dur, de voir que c'est moi qui les ai détruite. Je ne pensais pas un jour avoir ce rôle. Je ne pensais pas mourir aussi jeune. Je dois arrêter de penser à ça, mon futur n'existe pas. Il réside là, dans le ciel, seule.

Je ne veux pas qu'elles me détestent. Je sais que ça finira par arriver et c'est dans l'ordre des choses, mais je continue de les aimer plus que tout au monde. Mon amour pour elles n'a pas cessé lorsque je me suis éteinte, et je ne veux pas qu'elles pensent le contraire. Ca me fait si peur. Je ne suis pas sereine, ce n'est pas facile pour moi. Les gens disent que seuls ceux qui restent sont dévastés, et que celui qui part ne ressent plus rien. Pourtant, je suis toujours là, avec des milliers d'émotions qui se bousculent dans ma tête. C'est comme un orage incessant dans mes entrailles. Rien ne se calme, tout s'accumule. J'ai mal, j'ai tellement mal. Mais, moins mal que si j'étais toujours de ce monde. Ma vie était devenue un enfer, et je me détruisais. Je voulais seulement que ça cesse. Mon plus grand regret, ça restera de m'être enlevé la vie sous les yeux de mes meilleures amies, impuissantes.

31 jours.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant