Chapitre 4.

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Chapitre 4.                                            (point de vue : Abby)

Trissa me donne sa parole qu'elle me suivra, peu importe où j'irai, et je me sens soudainement soulagée d'un poids. J'avais peur de m'aventurer seule dans ce combat, j'espérais de toutes mes forces qu'elle m'écoute et me soulage. Elle l'a fait, et je n'oublierai pas son geste. Je sais que Trissa serait capable de tout pour moi, comme je le suis pour elle.

-je t'aime Trissa.

Elle me sourit.

-Je t'aime aussi Abby. Je te laisse avec Danaé, tu as probablement des choses à lui dire. Retrouve moi à mon appartement, il faut qu'on discute.

Elle s'éloigne lentement. Je crois qu'elle a peur de me laisser seule ici. Elle sait à quel point c'est dur pour moi de me rendre dans cet endroit. Je ne suis pas revenue depuis l'enterrement il y a une semaine. Mais aujourd'hui, on est le 16 octobre, et ça fait deux semaines qu'elle est partie. Je ressentais le besoin de lui parler. Je m'avance doucement, et m'assoie en face de ce qui reste d'elle. Une pierre, avec son nom, et deux dates.

« C'est Abby. Mais pas ta Abby heureuse et épanouis. C'est une nouvelle Abby. Qui a cessé de vivre le 2 octobre, lorsqu'elle t'a vu t'écraser sur le sol. Je suis toujours présente physiquement, mais je suis remplie de vide. Je t'en veux. Mais j'en veux surtout à lui. J'ai décidé de le retrouver. Je n'ai pas la moindre idée de comment je vais faire. Mais je vais le retrouver. Je ne connais rien de lui, ni son identité ni son adresse. Tout ce que je sais, c'est que cette pourriture mérite de crever. Il a supprimé la vidéo sur youtube, lorsque ta mort a été exposée au grand jour. Tout le monde pense que c'est un accident, que tu as glissée de cette fenêtre, mais nous savons la vérité, et lui aussi doit la connaître. Il ne vivra pas avec ça sur la conscience, c'est hors de question. Il ne vivra pas tout court. Les gens ne parlent pas beaucoup de toi, ils ne savent pas quoi dire. C'est tragique, c'est injuste, voilà ce qu'ils pensent. S'ils savaient, ce qui s'est réellement passé... Tu sais, j'ai souvent envie d'hurler la vérité. Mais ta dernière demande a été de ne jamais rien dire. On s'est mise d'accord avec Trissa sur le déroulement de la soirée. Nous avons du raconter cette histoire des milliers de fois. A la police, à tes parents. Je commençais même à y croire. C'était moins dur pour moi, de penser que c'était accidentel. Mais la réalité prend le dessus, et je te vois. Je sens ta main contre la mienne. J'entends le son de ton corps s'écraser sur le sol. Et ça me détruit. Je me hais tellement, de ne pas avoir su te retenir. J'aurais du te sauver, j'aurais du t'aider. Mais, je me sentais tellement impuissante. Lorsque Trissa m'a pris la main, j'ai su que c'était fini. J'ai su que j'allais te perdre, et mon estomac s'est retourné. Comment j'allais faire, pour vivre ? Comment j'allais faire pour construire un monde où tu n'y avais plus ta place ? Tu continueras de vivre, en moi, pour toujours. Tu continueras d'exister dans ma mémoire. Dans mon corps. Dans mon âme. Dans le peu de chose qui reste de moi... Mais, je ne pourrai plus jamais te toucher, te voir, te sentir... J'ai perdu une de mes deux sœurs, et je ne m'en remettrais jamais. Parfois, je me pose, et je regarde le monde autours de moi. J'observe les gens qui parlent, qui rient aux éclats, qui se regardent, qui se sourient. Et à ce moment à, quand je vois leur bonheur, je me demande ce que je fais là. Ce que je fiche là, à vivre encore sans toi. Et j'ai envie d'abandonner. De m'abandonner. Puis je pense a Trissa... Et je tiens bon. Je m'accroche. Parce que je sais que c'est ce que tu veux. Il est temps que je parte. J'ai envie de tout détruire sur mon passage. Je ne veux pas te faire du mal. Je veux que tu saches que je t'aime. Que je t'aime d'un amour infini, et que ce sera pour toujours. »

Je m'éloigne, le plus vite possible. Rester là, c'est penser. Je dois éviter ça au maximum. Je prends le volant, direction l'appartement de trissa. Elle m'attend. Je suis sure qu'elle a mis notre musique, à nous deux. Elle a probablement allumé les deux bougies qui sont sur sa table basse, devant le canapé. Je connais ses habitudes par cœur. Même si Danaé n'est plus là, elle continuera de les faire.

Je frappe à la porte, et j'entends sa voix qui me dit d'entrer. Sa voix, si douce, si claire, si lisse. Elle m'apaise. Je la vois, assise sur son canapé, un thé a la main. Les deux bougies sont allumées, et la chanson passe en boucle.

In the morning when I wake

And the sun is coming through

Oh, you fill my lungs with sweetness

And you fill my head with you

Elle me sourit, et me fait signe d'approcher. Je m'assoie auprès d'elle. Nous pleurons, toutes les deux, devant son fauteuil. Il est en face, et il est vide. Danaé se l'était approprié, dès nos déménagements. Je l'entends encore rire aux éclats lorsqu'elle l'a vu « il est pour moi celui là, il ne mérite que mes fesses ». Aucune de nous deux s'est assise dessus. Il était à elle, à personne d'autre. On le regarde, en repensant à tous nos bons moments.

-Elle ne posera plus jamais ses fesses dessus Trissa, tu te rend compte ?

-Non Abby, non. J'ai l'espoir qu'elle réapparaisse.

Je lui prends la main. Je retrouve en elle l'espoir que j'ai eu en parlant à Danaé le jour de sa mort. Mais je sais que c'est fini, qu'elle ne reviendra pas.

-Il faut le retrouver, me dit Trissa.

-il faut que je t'avoue quelque chose.

Elle me regarde, inquiète. J'ai peur de la décevoir.

-Il y a quelque jour, à la fac, M. Spencer est venu me voir à la fin du cours. Il appréciait Danaé, et on avait déjà diné tout les quatre. Il m'a présenté ses excuses, mais je voyais dans ces yeux ce que j'ai vu dans ceux des autres : de la tristesse, et pas de colère. Mais moi, je suis en colère, parce que la vérité je la connais. Alors j'ai fondu en larme et... je lui ai tout avoué.

-Abby, tu as quoi ?

Elle se lève, lâche sa tasse sur le sol. Elle se brise en mille morceaux, comme le corps de Danaé.

-Je suis désolée Trissa, mais je ne pouvais pas garder ça pour moi. Danaé doit me détester... Mais il a promis de nous aider. Il va tout faire pour le retrouver, cet homme. Il aimait beaucoup Danaé, et voyait en elle un potentiel énorme. Il est en colère, lui aussi. Il faut qu'on se serve de cette colère pour le retrouver.

Elle se calme et se rassoit. Je crois qu'elle est soulagée. Elle doit penser qu'à trois, le secret est moins dur à garder.

- Je ne le connais pas suffisamment pour savoir si c'est une personne de confiance, mais j'ai confiance en toi. Je sais que tu ne dirais pas ça à n'importe qui. Danaé le connaissait, alors il va nous aider.

-Ecoute Trissa, on ne pourra jamais le retrouver seule. On est trop faible. Regarde nous, tu vois notre état ? Sa mort nous a tué, et on ne pourra jamais avancer. Te voir me rappelle l'absence de Danaé, et c'est dur pour moi. Je sais que c'est pareil pour toi. Alors, il nous fallait quelqu'un. Je suis désolée de ne pas t'en avoir parlé plus tôt. Mais regarde moi, trissa, regarde comme je suis brisée. Et puis moi aussi, je te regarde, et je sais ce que tu ressens. Tu as peur, tu es terrorisée à l'idée que je parte. Mais je ne t'abandonnerai pas. Je suis en colère, et je suis triste, et tout se bouscule dans mon esprit. La seule chose dont je suis sûre, que laquelle je n'ai pas de doute, c'est que tant que tu es avec moi, alors on y arrivera.

Je veux tout mettre en œuvre pour arriver à mes fins. Danaé ne méritait pas qu'on lui inflige toute cette souffrance. Pendant un mois, elle a tout supporté, seule. Puis, elle a fini par abandonner. Je ne veux pas qu'elle soit morte pour rien, je veux que quelqu'un pait.

Nous avons passé toute la soirée à discuter de notre plan avec Trissa. On a pesé le pour et le contre, et on a gardé les meilleures idées, celles qui pouvaient aboutir à quelque chose. Une fois la nuit tombée, on a décidé de rester toutes les deux. On avait besoin l'une de l'autre, on avait besoin de cette présence réconfortante. Sans elle, je ne serais plus là. Sans moi, elle ne serait plus là.

On se maintien en vie. 

31 jours.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant