- Donne-moi ta main...
- Non.
- Allez, te fais pas prier ! Donne-moi ta main !
- J'ai peur.
- Je sais. Mais...
- Y'a pas de « mais ». Je veux pas.
- Tu me laisses pas le choix. Si tu le fais pas pour toi, fais-le pour moi.Je n'aurais pas dû lui dire ça. J'ai l'impression de jouer avec elle. Chaque muscle de son visage se crispe. Elle lutte. Ses yeux se remplissent de larmes.
- T'as pas le droit.
- Tout va bien se passer. Je te le jure. Allez Anna, s'il te plait.Elle me tend la main. Son contact m'électrise. Mais je ne m'y attarde pas. Je me concentre sur elle. Uniquement sur elle. Elle ferme les yeux. Comme si ça allait changer quelque chose... Je ne lui dis rien. Je ne veux pas qu'elle se braque. Et puis, si ça l'aide, pourquoi pas ?
Je fais quelques pas. Elle me suit. Je vois bien qu'elle a du mal à respirer mais je ne m'arrête pas. J'appuie sur le bouton de l'ascenseur. Je croise les doigts pour qu'il arrive le plus vite possible. J'ai trop peur qu'elle change d'avis. Quand la porte s'ouvre, je l'entraine un peu vite à l'intérieur. Elle tombe presque dans mes bras.
- Eh ! Tu pourrais faire attention !
- Excuse-moi...
- Tu avais peur que je rebrousse chemin c'est ça ?
- Oui.
- J'ai failli.
- Je savais que j'avais bien fait.Elle se marre. Ses yeux et tout le reste de son corps se mettent au diapason de son rire. Elle est si belle. Elle éclaire. Quand je pense qu'elle ne le voit pas, qu'elle se dévalorise en permanence, qu'elle ne veut pas me croire quand je lui dis. Si elle se voyait comme moi je la vois. Je suis coupé dans mes pensées par l'ouverture de la porte. Il vaut mieux.
Elle traine des pieds. Il est hors de question qu'on rebrousse chemin. Pas maintenant qu'on s'éloigne de plus en plus de l'appartement. Alors, sans prévenir, je la prends dans mes bras et la soulève. Elle se met à râler instantanément.
- Putain ! Matthias ! Pose-moi tout de suite !
- Jamais de la vie !
- Tu crois que je suis aveugle ou quoi ? J'ai tout de suite remarqué que tu ralentissais.
- Tu es tellement drôle, tu sais ?
- Oui. C'est pour ça que tu m'aimes.
- On va dire ça, ouais...En bon gentleman, j'ouvre la portière passage de la voiture et je l'aide à monter.
- Si madame veut bien se donner la peine de prendre place.
- Putain, Matthias, n'en rajoute pas. Et puis c'est mademoiselle.
- T'as qu'à arrêter de me dire non à chaque fois que je te demande en mariage.
- Tu sais bien la raison...
- J'ai toujours pas renoncé à te faire changer d'avis.
- Je sais.Elle me sourit pendant que je referme la porte.
- On va où ?
- Surprise.
- Ça fait un peu beaucoup là...
- Tu me fais confiance ?
- Oui.
- Alors laisse-toi aller.Je mets le contact et démarre. Le soleil de cette fin d'été m'éblouit dès qu'on sort du garage. Anna, elle, n'est pas gênée. Son visage est tourné vers sa fenêtre, vers le paysage. Elle ne dit rien, elle se mure dans son silence. Alors j'allume la radio. Je déteste quand tout est calme à en devenir pesant. Dès qu'on atteint les tunnels qui nous amènent hors de la vallée, plus rien ne passe.
- Tu nous choisis un cd s'il te plait ?
Elle farfouille dans la boite à gants et en sort la pochette.
- Tu as une préférence ?
- Non. Allez, prends une décision, Anna. Choisis.Elle insère le disque dans le lecteur et la musique emplit l'espace. Son choix ne m'étonne même pas. C'est loin d'être mon groupe préféré, j'ai toujours trouvé la voix du Brian Molko malsaine mais elle est fan. Elle dit que justement, ça rajoute quelque chose à leur musique, que ça la sublime. On s'engueule régulièrement à ce sujet d'ailleurs. Mais elle finit toujours par gagner. Dans ces moments-là, elle me fait penser à une petite fille qui vient d'ouvrir son cadeau de Noël, elle jubile.
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Short StoryJe ne sais pas où je vais mais je marche mieux quand ma main serre la tienne. Alfred de Musset