Le commencement ( marc-Olivier )

7 0 0
                                    

- Marc-Olivier Perrier! Dans mon bureau et vite! Beugle mon entraîneur alors que je me dirige rapidement vers la chambre des joueurs. Tu te trouves comique peut-être?
- Je peux savoir de quoi il s'agit exactement?
- Tu ne sais pas de quoi je parle? Vraiment ? Répète-t-il avec une lueur meurtrière dans les yeux, toute en brandissant devant moi une pomme de terre plantée d'un sifflet. Je reconnais la patate que j'ai glissée le matin même dans le tuyau d'échappement de sa voiture.
- C'est une drôle de patate, et alors?
- Et tu vas me laisser croire que mes lacets pleins de vaseline et que la strip-teaseuse à ma chambre d'hôtel hier tenaient aussi de l'intervention du Saint-Esprit? Renchérit-il, les deux mains rageuses presque enfoncées dans son bureau couvert de paperasse. Pour te donner contenance, je m'appuie nonchalamment à mon bâton de hockey, mais j'entends les gars rire grassement dans le vestiaire à côté. Ils s'amusent du fait que je m'apprête à passer un sale quart d'heure. Bon, je ne peux pas dire que je ne mérite pas le sermon, mais n'empêche que j'ai eu un peu d'aide dans tout ça! Ce n'est pas l'envie qui me manque de balancer quelques noms, mais je ne suis pas du genre mouchard.
- Regarde-moi quand je te parle, Perrier!
- Ça va, ça va! Pas la peine de hurler! Ouais, j'ai mes torts, mais de là à tout me mettre sur le dos, c'est un peu fort!
- Tu rentres chez toi.
- Comment? Vous n'êtes pas sérieux?
- Je ne te veux pas à la pratique. Les règles sont très claires. C'est fini pour toi le Junior AAA! Si tu n'arrives pas à te comporter eu adulte, je ne te veux pas sur la glace. Tu nuis même à l'ambiance de l'équipe. Je m'en fous que tes précédents coachs acceptaient tes coups puérils et tes caprices du simple fait que tu es bon sur une patinoire. Au hockey, il y a aussi un code d'honneur à respecter! Affirme-t-il en même temps qu'il se frappe la poitrine du poing.
Je le regarde droit dans les yeux et je sens la colère monter en moi. Indigné, je me rapproche, je lâche carrément mon bâton et je m'appuis à deux mains sur son bureau, en mimant son attitude de tantôt.
- Vous ne pouvez pas me chasser! Vous ne priverez quand même pas les spectateurs de leur joueur vedette? Vous savez que j'attire les fans! Que j'attire les recruteurs! Toute l'équipe repose sur moi!
- Tant pis pour toi, Perrier. Sans doute possèdes-tu un don, mais un don n'est pas grand-chose sans une tête. Et je te retire ton titre de capitaine. Tu ne le mérites pas.
Je serre les dents de rage et je sors en coup de vent ramasser mes affaires. Dehors, ce son les poubelles qui encaissent mes frustrations. Le hockey, ça représente toute ma vie! Comment quelqu'un aurait-il le droit de m'en priver? Le coach ne veut pas que je soigne ma forme pour le match du lendemain? Eh bien, je vais lui rendre la monnaie de sa pièce! Il vient de déclencher la troisième guerre mondiale et j'ai juste envie de lui fracasser mon bâton sur la tête! Je me sens comme un taureau piqué au vif et qui veut faire couler du sang... Non, il n'est pas question que l'on me dépouille de mon titre du capitaine. Pourtant, ce soir-là, au lieu de réfléchir à mon sort, c'est mon côté le plus sombre qui se révèle après avoir cherchée en vain la vérité au fond de quelques verres. Le lendemain matin de cette déconfiture personnelle, je me réveille sur un matelas posé à même le sol d'un lieu inconnu, à côté d'une fille toute aussi inconnue. Et que je n'ai pas choisie pour sa beauté... Je ne sais plus ce que je fais. Je ne me reconnais plus. Un coup d'oeil sous les couvertures me rassure; je porte toujours mes vêtements. En douce, je me sauve sur la pointe des pieds en priant que la fille ne se réveille pas. À l'aréna, j'essaie tout autant de passer inaperçu. Le sang dans mes tempes bat si forrt, que j'entends à peine l'entraîneur m'interpeller. Appuyé au chambranle de la porte, bras croisés et regard sévère, il me détaille.
- Marco, passe à mon bureau.
- Encore? dis-je en me tenant le front pour ne pas qu'il éclate.
Je m'assois face à lui, attendant qu'une autre mauvaise nouvelle me tombe dessus.
- Tiens, déclare simplement l'entraîneur en me tendant un flacon.
- De l'aspirine?
J'avale trois comprimés et lui rends le contenant, encore surpris de sa sollicitude.
- Prends le temps d'atterrir et vien nous rejouindre sur la glace.
Étonné, je ne trouve rien à répondre, mais pour le remercier, je suis décidé à livrer l'une des plus intenses prestations de ma vie. À ce moment, où j'ai l'impression de devoir me défoncer pour quelqu'un d'autre que moi-même, je crois enfin comprendre la leçon de mon entraîneur.

Seconde ChanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant