Noire, sombre était la pièce. Le sol, jonché de détritus, était recouvert d'une espèce de cendre grise qui collait à ses bottes et produisait un bruit sonore de succion lorsqu'elle marchait. Serré contre sa poitrine, un paquet soigneusement enveloppé n'attendait qu'à être remis à celui dont elle craignait et espérait à la fois la venue. Il n'avait guère l'habitude de déléguer, elle le savait, et aimait par sa présence terrifier ceux qui, d'une manière ou d'une autre, s'étaient rendus ses débiteurs. Elle expira lentement et continua d'avancer. Ce qu'elle apportait avec elle était largement suffisant pour la dédommager, elle et son frère, et pour payer les «impôts»imposés à ceux que le hasard ou, selon certains, le destin, avait fait naître dans l'Aménagement. Elle scruta la pénombre et imposa à son corps une rigidité absolue alors que des Ratons – ou du moins ce qu'elle espérait en être – frolèrent ses chevilles.Absorbée par cette exercice mental, elle ne capta pas à l'instant le significateur grincement métallique annonçant la venue de l'être le plus détestable et craint de l'Aménagement, et au-delà. Un réflexe, inculqué depuis son enfance, la sauva néanmoins et elle se reposa immédiatement sur ses genous. Bien que n'entendant plus aucun bruit, elle savait qu'il se trouvait juste derrière elle. Il opérait toujours ainsi, même lorsque le rendez-vous se passait dans un couloir. Il se voulait déstabilisant. Il l'était d'ailleurs, et tout le sang-froid du monde ne pouvait faire rester calme, même lorsque l'on savait que les grincements était dûs à son vieux Scaphandre, l'odeur à l'ouale qui suintait de toute part de celui-ci afin d'éviter des grincements trop fréquents, et l'éclat d'un rouge blafard à l'unique œil qui lui restait, fonctionnant par intermittence, et plongeant dans une inquiétante pénombre ses interlocuteurs qui savaient que la vue n'était indispensable que pour eux. Elle guettait, se tenait à l'affus du plus petit bruit qui signifirait qu'elle devrait lui proposer ce qu'elle lui avait apporté. Un gant de froid acier lui enserra brusquement l'épaule,Stupéfiée, elle resta bouche bée et pantelante. Jamais il n'avais opéré ainsi, et il était connu pour sa régularité. Elle était,à ce qu'elle en savait, la seule personne qu'il ait jamais touché sans la tuer. N'osant ne serait-ce que respirer, son cerveau réfléchissant à toute allure, elle ne se rendis même pas compte qu'il lui parlait. Sa voix, étrangement claire et asynchrone,retentie comme un écho dans la pièce.