Prison

24 1 2
                                    


Le sol est blanc, carrelé de mosaïques aux origines turques. Une douce symphonie s'élève des barreaux qui me servent de fenêtres. Une nouvelle journée commence. Le monde s'éveille lentement aux rythmes du soleil, les chiens s'ébrouent, les chats s'étirent sensuellement ouvrant grand leur gueule, les oiseaux roucoulent en harmonie puis s'envolent de leurs nids. En tirant la couverture, de la poussière s'en échappe, faisant briller les rayons du soleil matinal. L'enveloppe charnelle qui me sert de corps est inerte sur le lit à baldaquin fait d'ébène. Une larme perle au coin de mon œil. Une journée commence. Encore une.

Ma chambre est emplie de peluches en tout genre : loups gris aux pelage cendre, lapins dodus, ours en peluche qui nous font toujours rêver étant gamins, chats aux longues oreilles, chiffons de toutes tailles, de toutes couleurs, toutes odeurs, toutes histoires. Toutes ces peluches au regard vide, tous ces chiffons abandonnés à leur sort pourtant si brillant et évident. Je les scrute du coin de l'œil et les délaisse encore une fois, ces peluches. On les appelait les Hommes, avec un grand H, autrefois. Ces êtres bestiaux, sanguinaires, pervers et orgueilleux ne sont guère plus que des coquilles vides et désarticulés. Mon coussin est moelleux à souhait. Je le prends de mes mains pâles et l'enfonce sur ma face. Les secondes s'engrènent. Le contrôle m'échappe, j'arrache le coussin de mon visage et avale une goulée d'air. Nouvelle échec. Encore et encore. Une cloche retentit. L'heure du repas sonne. Un homme vêtu tout de noir apparait à l'encadrement de ce qui était sûrement une porte. Elle a laissé place à un blindage impénétrable.

« Détenu 5559, condamné à la prison à perpétuité pour avoir détruit le monde. Le repas est servi. »

Toujours le même scénario. Les mêmes paroles. Le même ton. Le même regard impitoyable et impénétrable. Telle est ma vraie nature.

Cependant, quelque chose cloche. Les peluches abandonnées prennent vie une à une, le loup cendré me regarde avec ses yeux semblables à de véritables billes de sincérité et férocité. Les lapins sautent en tous sens, dévorant tout sur leur passage, les chiffons s'envolent dans le ciel, formant une mini tornade emportant tout : les coussins brodés à mon nom, les livres soigneusement rangés que je ne lis jamais, les barreaux fenêtres, les chaussures usés, neuves, sales, les photos prises à l'arrachée, les stylos bleus, noirs, rouges, verts, remontés, démontés des centaines de milliers de fois à mes heures perdues. Une poupée me saute à la gorge et m'offre la mort tant désirée, tant attendue, prisée durant toutes ces années.

La sonnerie incessante de mon téléphone m'arrache à cet illusion dérisoire. Je fixe le plafond, inerte. Alors tout ceci n'était que pure folie. Je ne suis pas la destructrice du monde. Ni la personne que je prétends être. Je ne suis pas non plus la jeune fille de mon rêve. Juste une fille normale, ordinaire, quelconque, ni plus, ni moins.



Ohayo gozaimasu ! Voilà, c'était une petite histoire que j'ai écrite à mes heures perdues, qui n'a pas vraiment de sens, juste pour m'exercer un peu, et parce que je voulais mettre en scène une jeune fille qui ressent la solitude à travers ce rêve, après chacun son interprétation ^^

tout pleins de kiss ><

Prison des rêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant