Une fine bruine tombait sur Königsberg, les goutes ruisselaient entre les tuiles avant de finir leur course sur le pavé des rues de la capitale prussienne. Certaines allaient même tomber dans le fleuve, le Pregel, pour se perdre dans la baltique. Les nuages gris se partageaient le ciel avec une multitude de zeppelins, de toutes les tailles, des petits prévus pour une dizaine de personne aux bâtiments de ligne accueillant des centaines de passagers.
Le prêtre Vikken Lind les regardait grouiller dans le ciel lorsque une brusque accalmie lui fit lever les yeux vers le géant du ciel, le fleuron de la flotte aérienne impériale, l"Angrboda". Avec son kilomètre de long aucun autre appareil volant ne lui arrivait à la cheville, ni "air force one" ni le "Charles de Gaule" ou même le "HMS Victory" aucun. Vikken regarda le char de parade de l'Empereur passer arborant fièrement l'aigle à deux tête et la croix de fer puis il repris son chemin. Son regards imita la pluie et passa du ciel au Pregel et ses eaux gonflées par des jours de mauvais temps.
Il arriva rapidement devant la maison de son viel ami Heinrich Walpot. Il habitait juste en face de l'île où se réunissaient les grands pouvoirs prussiens, la noblesse, l'Inquisition et l'ordre teutonique. Le palais la cathédrale et le fort offraient une vue superbe depuis le porche du vieux Heinrich. Vikken passa la lourde porte sculptée, essuya ses bottes et se débarrassa seul de son manteau pour l accrocher a la patère. Bertha, la servante, devait être occupée.
Le silence régnait dans la bâtisse et le prêtre douta de la présence de qui que ce soit. Il appela et un grincement de porte lui répondit, Eva apparut en haut des escaliers. C'était la femme du vieux Heinrich, elle était presque aussi jeune que son mari mais bien plus rayonnante lorsque son sourire ne disparaissait pas sous un mystérieux voile noir. C est elle qui avait appeler Vikken en urgence sans préciser la raison. Elle lui fit signe de monter et il la suivi jusque dans leur chambre. Là, madame Walpot s'agenouilla près du lit et prit la main de son mari étendu et lui murmura quelque chose à l oreille. Heinrich ouvrit les yeux à grande peine, sa mine était affreuse et le visage qu'il tourna vers le prêtre était pâle et tiraillé par la douleur. Il entrouvrit les lèvres pour parler mais aucun son ne sorti. Sa femme dit au prêtre de s'approcher puis les laissa seul.
Cela faisait un moment que le vieux Walpot ne venait plus à la messe, ni au parc pour discuter ou même juste se détendre en écoutant le Pregel couler et les oiseaux siffler. Cela pouvait arriver quand il ne ressentait aucun besoin de parler ou quand il cherchait juste le silence mais à aucun moment Vikken n'aurait imaginé que son ami soit dans cet état. Coucher dans ce lit, l’homme qui a fait s'évader des milliers d'hommes, de femmes et d’enfants dont l'Empire condamnait la présence sur la terre sacrée de Prusse, vers un pays plus accueillant, l'empire ottoman pour les musulmans, la France pour certains, l'Angleterre pour d'autre, voire même la Russie quelque fois, et pour ceux qui payaient le plus, la Suisse. Dans ce lit un homme qui avait survécu 5 fois aux balles françaises en Afrique 3 fois aux baïonnettes anglaises dans les colonies, à un obus, à la torture, aux petits calibres de la police prussienne. Dans ce lit, un corps constellé de cicatrices en tout genre. Dans ce lit un vieillard que rien n'a su terrasser si ce n'est une maladie ou plus fourbe encore, l'âge.
La voix du vieux Walpot était faible et tremblotante. « merci mon père… vous avez toujours su… quoi me dire pour remettre… ma vielle carcasse sur pied. Mais aujourd’hui … vous ne pouvez plus rien… pour moi. » des larmes perlèrent sur ses joues « je vous en pris… accordez moi l extrême… onction. » le père Lind s’exécuta réfrénant les tremblements de ses mains et écouta Heinrich raconter une de ses histoires, une qu'il n’avait jamais encore entendu de son viel ami.
Elle se passait dans une ville d’Afrique évacuée il y a peu. Heinrich était sur le front avec ses frères d’armes et ils allaient rejoindre une escouade en première ligne pour la relayer. Ils arrivèrent sans problème dans le bâtiment où ils devaient se retrouver, mais les hommes qu’ils étaient venu chercher étaient en piteux état, affamés sales puants et blessés pour certains. Ils eurent à peine le temps de remercier Heinrich et ses camarades qu'un tir d’artillerie frappa la base du bâtiment dont une façade s’effondra et la moitié de la pièce s’écrasa une vingtaine de mètres en contre bas, le seul de l’escouade a survivre fut un certain Adams qui serrait la main de Walpot au moment de l’explosion. Durant la semaine qui suivit les anglais firent une violente contre-attaque et Heinrich sauva Adams de nombreuses autre fois, chacune valant son propre récit. Adams quitta l’armée et ne donnant plus de nouvelles jusqu'en 1942. Là le vieux Walpot reçu une lettre et un chèque avec une sommes ahurissante pour l’époque, la lettre disait qu'il était devenu chimiste ou physicien et qu'il avait mis au point une arme révolutionnaire qui lui vaudrait des millions et qui donnerait un avantage décisif a l’Empire, elle expliquait aussi que l’argent était une récompense pour l’avoir sauvé.