Prologue

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Prologue

Une porte rose pâle se dressait, menaçante, au bout de ce long couloir. Elle devait faire deux mètres de haut et ressemblait à un monstre, la gueule grande ouverte. À chaque fois qu’un éclair zébrant le ciel tombait, le plancher instable craquait. Et le monstre qui semblait croupir à l’emplacement de la porte ouvrait grand sa bouche en rugissant, dans cette longue nuit diabolique. Cette porte semblait ordinaire en plein jour mais aurait pu faire faire des cauchemars à un enfant passant devant la nuit. Sur le monstre rose, des quantités innombrables de posters de chanteurs, acteurs ou encore héros de mangas commençaient déjà à couvrir le plancher de bois brun ; et les punaises en forme de tête de morts rose, vert ou jaune fluo qui les maintenait grossièrement au début de la nuit s’éparpillaient parmi les débris. Les lattes qui constituaient le plancher semblaient prêtes à craquer, faisant flotter dans l’air un mélange d’angoisse et d’insécurité.
Derrière ce décor digne d’un film d’horreur, on ne trouvait guère un quelconque établi de sorcière, comme on l’aurait imaginé, avec bocaux remplis de griffes d’alligators, d’yeux de chauves-souris ou de dents de léopards ; mais une chambre d’adolescente typique.
Un lit à baldaquin, ou du moins se qu’il en restait, trônait, hésitant, au fond de la chambre. Deux des quatre poutres qui retenaient le haut du lit avait cédés et avaient rejoins des piles de magazines de mode dispersés sur la moquette couvrant la totalité de la pièce, grande comme un salon. Les murs à tapisserie de guitares électriques donnait un effet décaler, dans ce décor royal. Les couvertures violettes qui auraient du recouvrir le matelas vide avaient glissés et, froissées, s’étalaient en dessous d’une grande fenêtre à six carreaux.
Derrière cette même fenêtre,  on apercevait le paysage diabolique de cet automne orageux. Le palais, car s’en était effectivement un, devait se trouver sur une haute colline, car on voyait, en tout petit, plus d’un village sur une vingtaine de kilomètres environ. Bizarrement, le ciel était dégagé et sans cet orage persistant on aurait pu se croire en une nuit d’été. Mais les arbres, se pliants sous l’effet du vent violent, croulaient. Trois d’entre eux étaient tombés dans la verte herbe et un autre, plus loin, était sur le point de s’ajouter à cette triste liste. En effet, l’un des majestueux cyprès qui s’alignaient sur deux rangés parallèles avait été la proie du tonnerre et des flammes dansantes avait tintées ses vertes feuilles en noir sous l’effet d’une forte chaleur si soudaine.
Derrière cette rangée d’arbres, cimes vers le ciel, qui descendaient la colline, se trouvaient les petits villages qui s’étendaient à perte de vue vers l’horizon. De si loin, on entendait quand même les tintements des cloches qui annonçaient vingt-trois heures tapantes, même si le tapage nocturne de l’orage n’aidait guère à compter les coups de cette chapelle qui n’en avait plus pour longtemps tant elle dépeçait du pâté de petites maisons campagnardes. On distinguait les petites voitures aux grands coffres tellement bien que l’on aurait pu oublier qu’on se trouvait derrière une fenêtre, à environ deux cent cinquante mètres d’altitude.

À gauche de cette baie vitrée, la plupart des meubles étaient renversés, brisés par l’énorme tempête qui s’abattait sur tout le pays. On distinguait entre autre une grande armoire de chêne dont les portes grinçantes à moitié décrochées étaient grandes ouvertes. Des trois étagères de rangement qui la composaient initialement, l’une c’était cassé sous le poids d’une cinquantaine de vieux grimoires de sorcellerie poussiéreux, de ceux qui se revendent dans les quatre-vingt-dix euros au marché noir. Mais ils ne devaient plus valoir grand chose car les pages de papier jaunies par le temps de ces livres angoissants étaient pliées ou même déchirées par endroit.
C’était à cause des deux grosses barres de métal rouillé qui soutenaient jadis les robes, jeans ou jupes qui s’étalaient de part et d’autre de la pièce.  On trouvait à côté un nécessaire de toilette, posé sur une commode branlante blanchie par l’ivoire. Un miroir brisé qui vous aurait valu sept ans de malheur se dressait menaçant. Mais la tempête pouvait-elle endosser cette malchance ? On en doutait. Le bruit du tonnerre le montrait bien. Il s’échappait d’une autre fenêtre bordée d’or, rayonnant au clair de lune. De plus, cette fenêtre était entrouverte et l’on apercevait distinctement les éclairs. Une longue corde beige reliait la chambre au trente mètres qui la séparait du sol. Elle pendait, tel un gros serpent. Les empreintes de pieds, nus, certainement, couvraient une courte distance car, la terre mouillée faisait place à une forêt tropicale tapissée d’herbe. C'est alors qu'un bruit épouvantable fit claquer la fenêtre. Un géant, très certainement, avançait à grands pas dans le couloir. La porte qui s'ouvrit complètement n'avait plus la même allure, tout d'un coup. Non, c'était l'ombre d'un titan d'au moins trois mètres qui faisait d'avantage penser à un démon. On ne pouvait guère le détailler, dans la pénombre, mais un éclair blanc de tonnerre fendit la pièce, permettant l'observation du titan. Le géant, ou plutôt le roi comme le montrait la couronne d'or et de diamants placée sur sa tête, avait de longs cheveux blonds bouclés et une barbe broussailleuse de la même couleur. Ses yeux étaient tantôt d'un bleu glacial, tantôt d'un brun brûlant. Il portait un costume luisant d'or et une cape changeant de couleurs, à l'effigie de ces yeux, montrant clairement la puissance du seigneur des dieux. Après avoir scruté la pièce, Gorau, car c'était son nom, pris une grande inspiration et poussa le plus grand cri jamais prononcé de tous les temps. Un cri qui ôta l'ouïe aux rares malchanceux qui se trouvaient dehors à cinquante kilomètres à la ronde. Et les plus rares personnes dont les tympans survécurent auraient jurées que le roi hurlait "SOLARIA !".

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 14, 2016 ⏰

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Solaria & LunaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant