Regarde toi.

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J'suis assise sur les quelques marches d'béton froid qui font offices de porche à l'immense immeuble en pierres grises dans l'quel j'vis, j'fume clope sur clope, jusqu'à m'en bousiller la gorge, jusqu'à c'que la nicotine achève mes p'tain de poumons.

Et puis, j'suis remontée dans ma fouttu chambre portant l'numéro insignifiant qu'est 412, et j'me suis mise face au miroir posée sur mon bureau, entre les paquets d'cigarettes et les lames de rasoir déjà utilisées.

J'm'suis regardé longtemps sans vraiment rien dire enfaite, juste là, à m'regarder, et à réaliser à quel point j'suis ignoble.

« -Putain Judi, r'garde toi, là dans c'satané miroir en marbre, p'tain qu'est c'que t'es laide, t'es immonde, tu r'ssembles à rien. Regarde toi, bordel, r'garde toi. Elles sont passées où toutes ces maudites étoiles qui éclairaient tes yeux ? Et c'maudit sourire ? Putain, r'garde toi j't'ai dis ! Vas y, dis-moi. C'est passé où tout ça ? Pourquoi tout a disparu ? Tout s'est volatilisé du jour au lend'main, sans qu't'es le temps d'rien faire, et merde, t'aurais pas dû laisser filer tout ça, tout c'bonheur là, toute c't'envie de vivre, que tout l'monde te jalousait putain ! Ils t'maudissaient, t'insultaient, ils t'balançaient toutes ces critiques antisémites à la gueule, et toi ? Et toi bordel, tu t'en fouttais royalement, tu leurs riais au nez, en t'coiffant d'un p'tain d'immense sourire, et ils bouillaient d'l'intérieur, tu l'savais, et tu continuais, encore et encore c'était tellement drôle à voir leurs saloperies d'têtes. Et maintenant qu'il est partit t'es d'venue c'te pauvre chose, c'te chose immonde qu'plus personne regarde, tu m'fais honte Judi, putain, regarde toi, regarde comme t'es laide, comme tu r'ssembles à rien, comme tu fais pitié. Vas y pleure, sale schizophrène effrénée, vas y pleure et souffre, t'es bonne qu'à ça maintenant d'toute façon. Vas donc t'entailler les veines, et t'bourrer la gueule, j'veux plus t'voir enface, j'veux plus m'voir enface. »

Et alors qu'des putains d'larmes de merde r'commençaient à couler sur mes joues, j'continuais d'répéter « regarde toi, regarde toi, t'es tellement laide. », d'abord en criant, puis haut et fort, et dans un souffle continu, ensuite dans un chuchotement, et alors, un murmure sortit d'mes lèvres.

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