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J-6

Natacha, l'amour de ma vie.

Jamais je n'aurai imaginé parler d'une femme en ces termes. Moi qui jadis jouait avec les sentiments des filles, que je changeais comme de vulgaires chaussettes, je m'étais fait avoir comme un bleu. Même mes amis d'enfance, avec qui j'avais tout partagé, n'en revenaient pas. Moi, la tête pensante, l'instigateur de toutes les conneries possibles et inimaginables, j'allais me caser. Dans un sens, je n'allais pas à l'encontre de ma réputation car, si on suivait leur logique, Natacha n'étant pas de notre monde, ce mariage représentait une bêtise de plus à leurs yeux.

J'étais ce qu'on appelle communément un «enfant de tété», un gosse de riche. Ma mère était une ancienne miss Haut-Ogooué s'étant reconvertie dans les affaires. Elle possédait plusieurs restaurant et motel à travers le pays. Mon père quant à lui était un homme du « système », grand politicien et haut cadre de la fonction publique. Je n'avais manqué de rien depuis ma tendre enfance. Grande maison dans les beaux quartiers de la capitale, scolarité dans les meilleures établissements, voyages aux quatre coins du globe à chaque vacance, j'avais eu droit à tous les privilèges due à la position sociale de mes parents. Tout le contraire de Natacha qui elle, avait vécu à Port-Gentil ou plutôt à Ntchéngué, un village situé à environ 10 km de route en latérite de la capitale économique. Le moins qu'on pouvait dire c'était que sa vie n'avait pas été de tout repos. Née d'une aventure entre sa mère alors simple lycéenne et un pétrolier américain disparu du jour au lendemain, elle avait dû se battre depuis le plus jeune âge pour réussir dans la vie. Sa mère, qui avait été mise à la porte par ses parents lorsqu'ils découvrirent sa grossesse, s'était débrouillé pour trouver un studio et faire des petits métiers pour subvenir aux besoins de ses enfants. Elle avait connu beaucoup de moment difficiles, dont elle avait encore du mal à me parler aujourd'hui, mais c'était toutes les épreuves qu'elle avait traversé qui fesaient d'elle la femme forte et admirable qu'elle était aujourd'hui et dont j'étais tombé amoureux.

- Qu'est-ce qu'elle te voulait ? Me ramena à lui John, mon cousin et meilleur ami avec qui j'avais l'habitude de faire ma pause le midi.

- J'en sais rien, je ne l'ai pas rappelé. J'avais été pourtant très claire avec elle, une fois que ma femme accouchait, il fallait qu'elle oublie mon numéro.

- Ah mais les femmes tu sais ce que c'est hein. Dès que tu leur donne un peu à goûter, elles ont déjà en tête un plan pour tout manger quand, les plus ambitieuses n'envisagent pas de carrément prendre la place de la cuisinière !

Je ricanai à sa blague en portant une part de pizza à la bouche.

John était comme mon frère jumeau. Nous avions le même âge et le fait d'avoir grandis ensemble nous donnait des traits de ressemblance. Alors que physiquement nous étions différents - j'étais plutôt grand et claire quand il était de taille moyenne et très noir-, l'intonation de nos voix était si proche qu'on nous confondait régulièrement au téléphone. On se connaissait tellement bien qu'il était difficile de se cacher des choses sans que l'autre ne les devine.

- Pourquoi tu tires autant la tronche alors si tu l'as envoyé baladé ?
Mon téléphone se mis à trembler à nouveau dans la poche intérieure de ma veste. Je ne pris même pas la peine de le prendre.

- Elle insiste. Depuis ce matin, elle n'arrête pas d'essayer de me joindre.

- Mais décroche toi aussi, ça te coûte quoi ? Si elle insiste c'est que ça peut être grave.

- Ou qu'il s'agit d'une énième plaisanterie. Avoue que le moment où elle m'a envoyé ce message est plutôt intriguant.

Il fronça les sourcils.
- Comment ça ?
Je me tapai la main sur le front. Toute cette histoire me chamboulait tellement que j'avais oublié de lui parler des enveloppes mystérieuses que je recevais.
- Depuis hier, un petit plaisantin s'amuse à me faire parvenir des lettres de menace. Ce matin, je découvrais la deuxième enveloppe au moment où elle m'envoyait son message parlant lui aussi, comme par hasard, de mort...
Il eut le regard fuyant et s'agita sur sa chaise, comme mal à l'aise suite à mes propos. Il se racla la gorge et vida son verre d'eau à grandes gorgées avant de répliquer :
- Une lettre de menace dis-tu ? De quel genre ?
- Du genre d'une invitation à un retrait de deuil. Enveloppe noir et promesse d'une mort certaine dans les sept jours à venir.
Cette fois-ci, il s'étouffa dans une quinte de toux. Je me levai et lui donnai quelques coups dans le dos avant de lui resservir un verre d'eau.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive type ? Tu as chopé la tuberculose où quoi ? Plaisantai-je.
En guise de réponse j'eu droit à une grimace. Sa toux ne se calmant pas, il prit la direction des toilettes.

Sept jours à vivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant